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RAPHAEL MONTES

Jours Parfaits


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Raphael MONTES




Une lecture de
PAUL MAUGENDRE

PAUL MAUGENDRE  

Dias Perfeitos - 2014. Traduction du portugais /Brésil par François Rosso. Parution 11 février 2015. 272 pages.

Parfaitement parfaits !

Etudiant en médecine, se destinant à devenir légiste, Téo aime Gertrudes. Cette association de prénoms n'est pas aussi romantique que celle de Roméo et Juliette, mais l'amour y est tout aussi platonique. En effet Gertrudes n'est autre que le cadavre que Téo dissèque allègrement depuis quelques semaines afin de se faire la main.

C'est un jeune homme timide, réservé qui ne pense qu'à ses études et ses dissections. Il ne boit pas d'alcool, ou rarement. Il vit chez sa mère, Patricia, veuve d'un juge qui était en délicatesse avec la loi et décédé dans un accident. Depuis Patricia est paraplégique et ne se déplace qu'un fauteuil roulant.

Malgré son aversion pour les sorties, et son statut de végétarien (on le comprend, à charcuter de la barbaque longueur de jours) il est obligé, afin de faire plaisir à sa mère, de l'accompagner à une barbecue partie. Il pensait s'ennuyer mais il est abordé par Clarice, un petit bout de femme, légèrement plus âgée que lui, et au style de vie totalement différent. Je bois pas mal, je mange de tout, et j'ai déjà fumé un peu aussi. Et, ma foi, je baise de temps en temps. Elle est en fac d'histoire de l'art mais elle est passionnée par une autre activité : elle écrit un scénario pour le cinéma. Il est subjugué et le voilà transformé en Loup de Tex Avery amoureux de Betty Boop. Sous un prétexte fallacieux il lui demande de lui prêter son téléphone portable et grâce à un subtil (pense-t-il) subterfuge, il obtient son numéro d'appel.

Rentré chez lui il téléphone à Clarice, prétendant lui demander des renseignements pour un sondage et ainsi il sait où sa dulcinée habite. Il la suit, la voit entrer dans une boîte de nuit, sortir avec un homme qui pourrait être son amant et est violoniste, et surtout se tenir de façon inconvenante avec une autre femme qui l'embrasse. A sa décharge il faut avouer que Clarice est pompette, mais quand même cela ne se fait pas, de plus en pleine rue. La jalousie le torture. Et Clarice pousse l'affront de l'informer qu'elle va partir durant quelques mois afin de peaufiner son scénario.

Une annonce qu'il n'apprécie pas et Téo achète dans un sex-shop quelques petits gadgets qu'il détourne de leur fonction première, le plaisir supposé des partenaires. Puis il enlève Clarice et la cache chez lui, sous son lit, droguée afin que sa mère ne sache pas qu'il est en bonne compagnie. Il l'attache avec des menottes et des écarteurs de membres, la bâillonne, afin qu'elle ne puisse se faire entendre et s'évader. Seulement Sansao, leur chien, sent une personne étrangère au domicile et afin d'éviter qu'il donne l'alerte, Téo l'endort définitivement à l'aide d'une boîte de cachets de sa génitrice, mélangeant les comprimés dans la pâtée canine. Sa mère est attristée de cette perte, et comme elle a entraperçu Clarice, dont seuls les cheveux dépassaient de la couverture, elle l'accuse tout en laissant les soupçons se porter sur son fils.

Téo lit le scénario de Clarice : Jours parfaits mais il ne lui convient pas et en fait part à son invitée surprise. Il va l'aider à le retravailler. Mais cette lecture lui a donné une idée. Comme elle doit partir, son voyage étant programmé, il va l'emmener en voiture vers les différentes étapes prévues. Ils partent donc pour Teresopólis et comme c'était prévu dans Jours parfaits, s'installe dans un motel, l'Hôtel du Lac des Nains, tenu justement par des personnes de petites tailles. Le réceptionniste et patron se nomme Gulliver ! Or Clarice et ses parents ont l'habitude de se rendre régulièrement se reposer en ce lieu. Il faudra donc à Téo jouer des manœuvres subtiles (?) pour que personne ne se demande pourquoi Clarice ne sort pas de la chambre. Mais l'excursion n'est pas terminée.

Clarice l'avait prévenu, elle voulait bien devenir son amie, pas SA petite amie, mais Téo, grand adolescent imbu de sa personne, infatué, menteur, n'appréciant pas que quelqu'un lui résiste lorsqu'il a décidé de quelque chose, ne l'entend pas de cette oreille.

C'est un manipulateur qui veut que tout le monde se plie à ses exigences, et lorsqu'il est obligé de temporiser, comme avec sa mère, il donne l'impression de plier mais parvient toujours à ses fins. Il trompe son mode en effectuant des photomontages le représentant en compagnie de Clarice. Il sait toujours retomber sur ses pieds, même dans les moments délicats. Il sait dénigrer avec sourire et persuasion tous ceux qui pourraient lui nuire en approchant Clarice.

Il est mythomane, mégalomane, mais tous ces défauts se dessinent peu à peu et s'imposent dans l'esprit du lecteur qui n'est pas dupe. D'autant que le lecteur ne connait en réalité l'histoire que du point de vue de Téo, même si le roman est écrit à la troisième personne. Et bien entendu, même vis à vis du lecteur, Téo est présenté, au départ comme quelqu'un d'intransigeant certes, mais pour la bonne cause. La sienne, qui est juste, jusqu'au moment où tout dérape.

Au début du roman, on pense être plongé dans une simple farce, une joyeuseté cynique, mais peu à peu on se rend compte que cette farce peut se révéler macabre. Quant à l'épilogue, il surprend, mais finalement est moral sans l'être.

Et dire que l'auteur a l'âge de son héros ou presque !

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Une autre lecture du

Jours Parfaits

de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER

À Rio-de-Janeiro, Teodoro Avelar Guimarães vit avec sa mère Patrícia, infirme en fauteuil roulant depuis l'accident qui causa la mort de son mari, et leur chien Sansão. Étudiant en médecine, Teo est depuis l'enfance indifférent au reste du monde. “Il n'aimait personne, ne nourrissait aucun attachement pour personne, n'éprouvait aucun manque, aucune nostalgie, aucune aspiration : il se bornait à vivre.” Existence routinière revendiquée : “Un vide rempli d'avance d'émotions ternes et timides. Et peut-être n'était-ce pas plus mal ainsi. En tout cas, il s'en accommodait.” Quand Noël approche, ce sont les vacances d'été au Brésil. Lors d'une soirée de fête où il s'ennuie autant que d'habitude, Teo fait bientôt la connaissance de Clarice Manhães, jeune fille menue âgée de vingt-quatre ans.

Teo est troublé par la désinvolture déroutante de Clarice, fille de bonne famille, étudiante décomplexée qui projette d'écrire un scénario de film intitulé “Jours parfaits”. Il s'arrange pour obtenir des renseignements sur elle, pour entrer à nouveau en contact. Clarice n'est pas dupe du jeu de Teo. Quand elle s'énerve contre lui, il l'assomme et la kidnappe. Il va la droguer avec un des médicaments de sa mère Patrícia, une fois rendus à son domicile. Teo doit calmer aussi le chien Sansão, qui a senti un problème, au risque d'empoisonner l'animal. Il se procure dans un sex-shop des objets de bondage, afin d'empêcher Clarice de s'enfuir. Teo évite de dire la vérité à sa mère au sujet de Clarice, évoquant sa nouvelle petite amie avec laquelle il va partir quelques temps en voyage.

En effet, Clarice avait prévu de s'absenter durant plusieurs semaines. Elle avait réservé un chalet isolé à l'Hôtel du Lac des Nains, à Teresópolis, afin de travailler sur son scénario. Teo et Clarice s'y installent, la jeune fille restant séquestrée et menottée. Pas évident que le jeune étudiant obtienne cette symbiose amoureuse qu'il espère : “Tu crois vraiment que m'enfermer et me faire des piqûres de narcotique toutes les cinq minutes va m'inciter à t'aimer ?” s'insurge Clarice. Néanmoins, leur première semaine de séjour se déroule à peu près bien, selon les critères de Teo. Il finit par acheter des alliances de fiançailles. Clarice fait semblant d'accepter sa demande en mariage, mais va tenter de prendre sa liberté en mains. Teo maîtrise la situation, punissant sa compagne.

Le violoniste Breno, véritable petit ami de Clarice, s'introduit nuitamment au chalet. Teo ne peut pas rester sans réagir. Le couple quitte rapidement les lieux. Puisque Clarice avait prévu de faire un repérage pour son scénario sur l'Ilha Grande, c'est la destination choisie par Teo. Non sans quelques soucis en cours de route. Il loue pour un mois une maison à une vieille dame prénommée Gertrudes, prénom qui fait fantasmer Teo. Par téléphone, il est ponctuellement en contact avec sa mère et celle de Clarice. Il paraît que la police est à la recherche de Breno. Malgré le décor idyllique, il se peut que la relation entre Teo et sa captive change brutalement. Et que la suite se complique bien davantage…

Raphael Montes écrit que sa mère lui suggéra : “Si tu essayais plutôt d'écrire une histoire d'amour ?” Ce jeune auteur brésilien (né en 1990) a suivi son conseil. En effet, il s'agit ici d'une intrigue romantique, d'une certaine façon. Toutefois, rien à voir avec la platitude de ces récits où, après tant de déceptions sentimentales, la belle héroïne larmoyante trouve (malgré quelques écueils) l'amour auprès du prince charmant, séduisant et équilibré, dont elle a toujours rêvé. Raphael Montes a concocté une aventure mille fois plus excitante que ces niaiseries à la guimauve. Non seulement les péripéties se succèdent sur un tempo de bon aloi, mais la psychologie de tous les personnages est d'une sacrée justesse.

S'apitoyer sur le sort malheureux de Clarisse ? Décréter que Teo est cruel et pervers ? Ce n'est nullement l'intention que fait passer l'auteur. On comprend que, tous deux issus de famille honorables, Clarisse et Teo sont des monstres d'égoïsme. La jeune fille se fiche des conventions, l'étudiant en médecine est centré sur lui-même. Absurdement, Teo maltraite Clarisse pour se faire aimer, mais celle-ci s'aime-t-elle vraiment ? On trouve une belle part d'humour noir dans cette affaire. Difficile de citer des passages explicites, car ces sourires sont liés au contexte. Telle cette grande valise rose, si pratique pour transporter une frêle jeune fille. Suspense mouvementé, états d'âme et drôlerie se marient harmonieusement dans ce roman remarquable.

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CLAUDE LE NOCHER
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