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KANAE MINATO |
Les Assassins De La 5ebAux éditions SEUILVisitez leur site |
903Lectures depuisLe mardi 29 Decembre 2015
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Une lecture de |
Mme Moriguchi est enseignante depuis huit ans. Exigeante sur les principes, cette jeune femme n'est pas de celles copinant avec les élèves. Professeur de collège, Mme Moriguchi était la mère de la petite Manami, quatre ans. Elle s'en occupait seule, sans mari, le père étant atteint du Sida. Un mois avant la fin de l'année scolaire, Manami a été retrouvée noyée dans la piscine attenante à l'établissement. Tragique concours de circonstances, qui n'exonère pas sa mère d'une grande part de responsabilité. Elle démissionne de son poste dès la fin des cours, et a décidé de quitter l'enseignement. Ce n'est pas dû à un sentiment de culpabilité. Devant sa classe de 5eB, Mme Moriguchi accuse : “Manami n'est pas morte par accident. Quelqu'un de cette classe l'a tuée.” Elle ne nomme pas les deux élèves en question. Sachant que la Justice ne punirait pas vraiment un enfant de treize ans. L'un des jeunes coupables (Shûya) mène des expériences scientifiques, non dénuées d'une dose de cruauté. Rien d'alarmant, estimait-on au collège, où l'on voyait en lui un élève modèle. Pourtant, c'est une de ses inventions qui tua Manami, même indirectement. Le second responsable (Naoki) est un élève assidu. Malgré ses efforts, il eut des résultats en dents de scie. Mme Moriguchi pense qu'il était trop choyé par sa mère. La version de l'accident restant la seule pour tout le monde, les meurtriers mineurs bénéficient d'une impunité assurée. Mais la mère de Manami mûrit sa vengeance. C'est ensuite Mizuki, la déléguée de classe, qui relate dans une lettre à Mme Moriguchi les faits se produisant après son départ du collège. La classe est désormais en 4eB. Pour leur professeur principal, "Werther", dont c'est le premier poste, il s'agit de se montrer cool avec les élèves. Mais l'affaire Manami a laissé des traces. Naoki est absent, restant auprès de sa mère. Le fier Shûya est bientôt harcelé par les autres élèves de la classe. Il finit par se rebeller, mais la déléguée Mizuki est quelque peu éclaboussée par cet épisode. Elle en veut à "Werther" de n'avoir pas réglé avec fermeté la situation. Grâce à une des sœurs aînées de Naoki, on a connaissance des carnets intimes de leur mère. Suite à la mort de la fillette, elle se montra ultra-protectrice envers son fils, qu'elle victimisait. Elle rejetait toutes les fautes sur Mme Moriguchi. Elle se refusait à admettre que Naoki se comportait tel ces "hikikomori", jeunes reclus se plaçant volontairement hors de la société. Traumatisé, son fils l'était : il semblait obsédé par le nettoyage… Le récit de Naoki confirme le plan criminel de Shûya, et les ratages qui s'ensuivirent. Shûya était le seul que l'on devait blâmer. Les tourments de conscience de Naoki le poussaient de plus en plus vers la paranoïa. Satisfait de sa supériorité, d'esprit scientifique hérité de sa brillante mère, Shûya regarde les faits avec un certain cynisme. Pourtant, n'est-il pas issu d'un milieu familial instable ? Ses certitudes, il les étalent sur son site Internet. Son comportement, il n'y voit aucune raison d'éprouver des remords. D'ailleurs, commettre encore un crime et en envisager d'autres, pourquoi pas ? Mais, depuis son départ du collège, Mme Moriguchi n'a jamais cessé d'observer cette classe, où sévirent deux jeunes assassins… Le principe est ici celui des "pièces du dossier" : plusieurs intervenants impliqués donnent leur version des faits. Ce qui exige une parfaite construction de l'histoire, afin que l'on puisse relier sans difficulté ces témoignages. C'est avec une magnifique habileté que la romancière utilise cette structure, qu'elle nous raconte l'approche du crime selon chacun des protagonistes. Une intrigue psychologique d'autant plus forte quand on sait que les Japonais exprime peu publiquement leurs sentiments. Avec froideur ou pragmatisme, ils analysent et agissent en pensant adopter la meilleure solution. En oubliant probablement que chaque être humain est différent, avec son propre ressenti, son parcours personnel. L’Éducation est au centre de ce roman. Pas seulement du point de vue scolaire. Surtout, c'est l'idée de responsabiliser les futurs adultes dès l'adolescence qui est développée. Ce n'est pas seulement une question de repères sociétaux ou familiaux (bien que les parents, les mères, apparaissent plutôt maladroits dans cette histoire). Définir sa place dans la société, où l'on dont simplement respecter des règles basiques, est-ce insurmontable ? Le problème ne se pose sans doute pas uniquement au Japon. L'idée d'impunité, quels que soient les méfaits, n'est-elle pas universelle ? Un suspense psychologique d'une grande subtilité, qui ne se contente pas d'un aspect criminel. |
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