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NICOLAS MATHIEU |
Paris-colmarAux éditions PETITS POLARS DU MONDE |
906Lectures depuisLe vendredi 17 Juillet 2015
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Une lecture de |
Tant qu'il fut en poste à Paris, ce juge a longtemps été chargé de dossiers sensibles. Ce qui lui donna des habitudes de gros fumeur. Il dirigea même l'instruction ouverte après le meurtre du préfet de Corse, ce qui ne fut pas sans menace, ni sans conséquence pour sa carrière. Désormais, le magistrat exerce son métier en Alsace. Colmar est une charmante ville, pittoresque et ancrée dans ses traditions. Mais il s'y ennuie passablement, ce qui ne diminue guère sa consommation de tabac, et augmente nettement celle d'alcool. À cette époque des marchés de fin d'année, l'ambiance festive est prétexte à picoler un peu plus encore. Au volant de sa Mercedes 500E datant de 1992, il doit rejoindre sa sœur pour le repas de Noël. Il fait nuit quand il pris en filature, puis braqué par deux jeunes roulant dans une Honda Prelude d'aspect plutôt remarquable. Le duo le dévalise, quelques billets et surtout son Manurhin, un six coup calibre 38 spécial. Plus qu'une arme fétiche, c'est sa garantie de survie au cas où un malfaiteur surgissant du passé venait lui demander des comptes. Le juge n'a d'autre choix que de la leur céder. Les spécificités de leur voiture devraient l'aider à retrouver les deux braqueurs, plus tard. Le plus gros, celui qui le menaça avec son fusil, s'appelle Rollo. Âgé d'à peine seize ans, le plus fluet se nomme Johann Boucherot. Il habite chez ses grands-parents, sèche l'école la plupart du temps, tourne sans but dans la région sur son scooter, fume des pétards avec son copain Rollo. Tirer du fric et foutre le camp, un jour, tel est son unique objectif. Voilà comment, en duo, il en est arrivé aux braquages d'automobilistes. Le magistrat connaît bien les pratiques des jeunes. Il ne tarde pas à repérer Johann. Le juge estime n'avoir aucune raison de causer des ennuis à l'adolescent. Au contraire, il se porte garant quelques mois plus tard, en juillet. En retapant la bibliothèque du juge, Johann s'aperçoit que les livres n'ont rien de rébarbatif. La plupart de ceux qu'ils va se procurer ont trait à la criminalité, quand même. De son côté, venir en aide à ce jeune a permis au magistrat de se sentir mieux. Au risque d'en oublier certains dangers… C'est ce qu'on appelle "faire mouche" dès son premier roman : avec “Aux animaux la guerre” publié chez Actes-Sud, Nicolas Mathieu a été récompensé par le Prix littéraire de la Roquette (Arles) 2014, le Prix Erckmann-Chatrian 2014 (le Goncourt lorrain), le Prix Mystère de la critique 2015, le Prix du Goéland Masqué (Penmarc'h) 2015. Décrire la population touchée par la crise dans les Vosges, se rapprocher d'un quotidien véridique : un roman noir social, comme on n'en écrit hélas plus guère, situé dans la France actuelle, ça ne pouvait laisser insensibles ni les lecteurs, ni les jurys. Il est légitime que Nicolas Mathieu figure parmi les jeunes talents choisis pour cette version 2015 des Petits polars du Monde. Illustré par Florent Chavouet, son texte nous entraîne en Alsace, grâce à une très bonne intrigue et un récit fluide. À la suite de cette novella, on peut lire (c'est une nouveauté de cette saison 4) “Échappée à Colmar”, une découverte de la ville par le journaliste Jean-Michel Boissier. Si l'endroit a des allures de carte postale, son histoire est riche. L'identité alsacienne n'y est pas un vain mot. Sans doute nous dira-t-on qu'on n'y entend plus tellement l'accent local : “ch'adôôre Côôlmâr”, aux tonalités germaniques. La région possède de beaux atouts, y compris son vin et sa gastronomie. Ce qui est confirmé, dans la nouvelle de Nicolas Mathieu comme dans “Échappée à Colmar”, c'est qu'ils ne sont ni Lorrains, ni Champenois. Ce Petit polar donne une belle occasion de faire étape dans l'Est de la France. |
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