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THIERRY MAUGENEST |
Noire BelladoneAux éditions ALBIN MICHELVisitez leur site |
1122Lectures depuisLe vendredi 3 Avril 2015
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Une lecture de |
En ce caniculaire été 1730, auteur de pièces de théâtre et comédien, Carlo Goldoni est âgé de vingt-trois ans. Sa troupe se produit dans toute l'Italie, mais il n'a pas encore accédé à la célébrité. De retour à Venise, il dirige les répétitions de sa pièce “Le sénateur dupe de lui-même”. Autre raison de revenir dans sa ville, c'est que Zorzi Baffo a de nouveau besoin de lui. Trois ans plus tôt, il enquêta auprès du chef de la chancellerie criminelle. Amateur de jolies femmes, brillant escrimeur, Zorzi Baffo est quelque peu sur la sellette depuis que la situation politique a évolué ici. Le sénateur Arto Massaro veut moraliser la Sérénissime, peuplée de trop de jouisseurs à son goût, tout en chassant aussi de la ville ceux qui n'en sont pas natifs. Il a créé les Milices de la Foi, sous le commandement de Girolamo Malarin. Venu de Rome, celui-ci traque sans relâche tous les contrevenants aux nouvelles règles. Luca Roveri, “un homme ambitieux connu pour sa vie dissolue et les fêtes princières qu'il donnait dans ses villas de la terraferma”, a été empoisonné à la belladone. Malgré la pression des Milices de la Foi, Zorzi Baffo et Carlo Goldoni tentent d'enquêter. Peu après, se produit un autre empoisonnement semblable, dont est victime le marquis Alcide Manin de Citanova. Le chef de la "quarantia" criminelle reconnaît la jeune veuve du défunt. Elle fait partie de ces belles paysannes que Pietro Da Ponte, qui déteste l'hypocrisie régnant dans la bonne société vénitienne, transforme en (fausses) aristocrates. Avec la complicité amicale de Zorzi Baffo, qui authentifie les titres de noblesse de ces jeunes femmes. Pietro Da Ponte est, toutefois, repéré par Girolamo Malarin. Le chef des Milices de la Foi veut l'arrêter pour les deux meurtres à la belladone, mais Da Ponte parvient à prendre la fuite. Le sénateur Massaro est de plus en plus puissant au sein du Conseil. Ce qui ne plaît pas du tout au vieux sénateur Flecchia, qui empêche son élection à la présidence. Pourtant, un incident maritime visant un navire vénitien pourrait, dramatique conséquence, redonner du poids à Massaro. À Zorzi Baffo, le sénateur Flecchia confie sa pensée : le double crime et cette attaque d'un bateau de Venise ont forcément un lien. Les deux enquêteurs ont retrouvé Da Ponte, se cachant parmi les marins dans les bas-fonds de la ville. Il n'est assurément pas l'assassin, mais Malarin le fait bientôt arrêter. Zorzi Baffo et Carlo Goldoni recherchent un marin turc et essaient de le faire parler. Avant que le sénateur Longhi, au profil similaire à celui des deux victimes précédentes, ne soit lui aussi empoisonné à la belladone, le duo doit trouver des preuves contre le commanditaire de ces crimes… Grâce à sa puissance économique due en particulier au commerce maritime, la République de Venise connut longtemps la prospérité. À l'époque évoquée, s'il est encore riche, cet État indépendant a beaucoup perdu de son rayonnement. Par contre, l'esprit festif est toujours très présent dans la Cité des Masques. Tel Zorzi Baffo, on fréquente volontiers les soirées orgiaques. On peut imaginer que, même si on n'est plus au temps de l'Inquisition, les autorités religieuses se mêlent d'imposer un nouvel ordre moral à Venise. Les “États du Pape” disposent de gros moyens financiers et politiques pour cela. Chasser les étrangers, les francs-maçons, les savants, les artistes, éternelle réponse liberticide et dogmatique des régimes dictatoriaux. L'humour satirique de Carlo Goldoni, auteur de théâtre encore débutant autant que passionné, est une réponse à ces abus de pouvoir. Connaissant parfaitement Venise et son histoire, c'est avec une belle aisance que Thierry Maugenest nous entraîne dans le contexte de 1730. Si la fluidité narrative est le principal atout de ce récit, ça permet au romancier de restituer l'ambiance d'alors avec précision, sans la moindre lourdeur. Les combats d'escrime avec les maîtres d'armes, les périples sur les canaux ou dans les sombres ruelles vénitiennes, les célèbres palais de la ville, servent de toile de fond à cette intrigue. Les deux héros s'avèrent franchement sympathiques, dotés d'une indépendance d'esprit remarquable, chacun étant à sa manière un homme d'action. Après “La septième nuit de Venise”, cette deuxième captivante aventure du duo se lit avec un franc plaisir. On a déjà envie de retrouver ces personnages dans de futures tribulations. |
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