Sherlock Holmes apparaît plutôt désœuvré en ce froid hiver, début 1895. Avec le Docteur Watson, ils reçoivent la visite de George Bernard Shaw. Il a l'air d'un lutin malicieux, cet Irlandais désargenté, qui n'a pas encore connu de vraie consécration. Il vient apprendre à Sherlock Holmes que son confrère critique théâtral Jonathan MacCarthy a été poignardé à mort. Bénévolement, le grand détective accepte d'enquêter sur cette prometteuse affaire. Dans l'appartement de la victime, Holmes et Watson croisent l'inspecteur Lestrade. Celui-ci récapitule volontiers l'enchaînement des faits. MacCarthy semble avoir laissé un indice, ouvrant un exemplaire de “Roméo et Juliette” à une page précise. Pour Sherlock Holmes, ce peut être une hypothèse trompeuse. Il a une seconde piste, un cigare laissé là par le tueur. Il vérifie qu'il s'agit bien d'un tabac au goût très fort, non importé en Angleterre. Jonathan MacCarthy avait rendez-vous la veille avec quelqu'un qu'il surnomma Bunhorne. En réalité, il s'agit du célèbre Oscar Wilde en personne. Holmes et Watson le rencontrent, alors qu'il donne une de ces fêtes dont il a le secret. Wilde leur révèle que MacCarthy était un maître chanteur, dont il a su éviter la menace. Il serait facile au grand détective de suspecter aussi bien George Bernard Shaw qu'Oscar Wilde, mais il sent l'affaire bien plus compliquée. Le duo d'enquêteur se rend ensuite au théâtre Savoy, dirigé d'une poigne de fer par William Gilbert, auteur de pièces avec le compositeur sir Arthur Sullivan. Ils sont venus voir la choriste Jessie Rutland, la supposée amante de MacCarthy. Elle vient d'avoir la gorge tranchée dans sa loge. Sherlock Holmes obtient vite une autre piste. Un certain Jack Point aurait été le véritable amant de Jessie Rutland. Après que Watson et Sherlock Holmes aient été chacun agressé de son côté, ils reçoivent un courrier anonyme leur demandant de ne plus fréquenter le Strand et ses théâtres. Ce qui ne les empêche pas d'aller au Lyceum, afin d'y interroger sir Arthur Sullivan. C'est à cette occasion que le duo croise l'actrice Ellen Terry et un certain Bram Stoker (qui n'a pas encore publié “Dracula”). Selon Sullivan, confident de Jessie Rutland, elle avait en effet un autre amant. Le Docteur Watson se demande s'il ne s'agirait pas de ce Bram Stoker, qui possède un logement secret dans Londres. Tandis qu'Oscar Wilde commence à avoir de sérieux ennuis avec la justice, l'inspecteur Lestrade vient d'arrêter son coupable. Il s'agit d'un Indien, issu des colonies britanniques. Quand le duo lui pose des questions, celui-ci admet avoir été ami avec Jessie Rutland. C'est alors que le médecin légiste disparaît avec les corps de MacCarthy et de la jeune femme… Après “La solution à 7 %”, Nicholas Meyer écrivit ce deuxième pastiche des aventures de Sherlock Holmes. Il ne chercha pas à parodier l'œuvre de Conan Doyle, mais à offrir de nouveaux épisodes à la saga holmésienne. Watson et Holmes correspondent au modèle, vu par leur créateur. Ce deuxième opus est encore plus séduisant que le premier. Sans doute parce qu'il se place dans le Londres flamboyant de la fin du 19e siècle. Pour la haute société de l'époque, catégorie sociale qui ignore tout du bas peuple, le divertissement est omniprésent, à travers les spectacles théâtraux qui foisonnent dans la capitale anglaise. Des auteurs tels que Gilbert et Sullivan sont vénérés par les mondains. Si George Bernard Shaw et Bram Stoker sont provisoirement méconnus, ils vont connaître bientôt une gloire méritée. Quant au génie d'Oscar Wilde, roi de la provocation, il fait des jaloux. Aussi, ce sera pour une sombre affaire de mœurs qu'on va honteusement détruire sa réputation. Sherlock Holmes est au sommet de sa notoriété, également, lui qui a déjà su démêler quelques énigmatiques crimes, des dossiers si bien relaté par l'indispensable Watson. Dans les théâtres ou les restaurants, autant qu'au 221b Baker Street, Nicholas Meyer restitue à merveille cette ambiance pleine de panache. Le dénouement de l'intrigue proprement dite se réfère à des explications fort plausibles pour ce temps-là. Une enquête de Sherlock Holmes parmi les plus réussies, c'est évident.
Une autre lecture duL'horreur Du West Endde L A |
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La figure mythique de Sherlock Holmes n'a pas fini de hanter le roman policier. Après la solution a 7%, Nicolas Meyer a tout simplement décidé de découvrir pour la deuxième fois un manuscrit inédit du docteur Watson où il dévoile l’un de ces fabuleux dangers qui ont menacé la civilisation occidentale. « Une sorte de lutin géant » fait irruption à Baker Street pour demander au détective d'enquêter sur l'assassinat d'un critique théâtral. Le client, qui ne supporte pas Shakespeare, n'a pas le premier sou pour rémunérer les services de Sherlock Holmes ; il s'appelle George-Bernard Shaw et traine son pardessus élime dans les milieux artistiques londoniens de la fin du 19e siècle. Ce n'est pas seulement pour son esprit de déduction que Nicolas Meyer ressuscite Sherlock Holmes, mais pour qu’il explore une époque, celle des monstres sacrés, d’Oscar Wilde, de Bram Stoker se cachant pour écrire Dracula, des célèbres auteurs d'opérette Gilbert et Sullivan. Mais au cœur de ce monde brillant, versatile et provocateur est tapie l'horreur du West-End qui menace l'Europe et qui ne sera débusquée qu'au terme de tragiques événements. Janvier 1985
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