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NADINE MONFILS |
La VelueAux éditions FRAGRANCES |
1820Lectures depuisLe jeudi 16 Octobre 2014
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Une lecture de |
Il était une fois la petite Ophélie. “[Elle] ressemblait à une gamine, avec son mètre cinquante, ses longs cheveux rouges et ses taches de rousseur.” Orpheline, elle habitait un Bruxelles de fantaisie, avec sa tante Amélie. Elle a été éduquée dans une école religieuse de sœurs à cornettes. Où elle s'ennuyait, la pauvrette. Elle ne se séparait pas de son oiseau Ymir, ce qui lui procurait un peu de plaisir. Pendant ses vacances estivales sur une plage de la Mer du Nord, elle fut séduite par un homme aux “yeux d'orage, éclairés par une flamme intérieure, remplaçant le regard.” À la rentrée, Ophélie changea d'école. Elle retrouva bientôt ce Raphaël qui l'avait fascinée, car il y était professeur. Puisqu'elle était prête à le suivre dans un voyage d'amants sur une mer agitée, il lui enseigna l'Amour. Au fil du temps, Raphaël désirait avoir Ophélie constamment sous la main. “La fillette accepta, le cœur gonflé de rêves fous.” Elle lui obéirait en tout. Jusqu'à là, Raphaël vivait avec sa vieille mère. Il ne pouvait habiter avec Ophélie ailleurs qu'auprès d'elle, dans leur château familial. Cette sombre bâtisse mal entretenue avait de quoi faire frémir la jeune Ophélie. La repoussante mère âgée de deux-cent-dix-sept ans, Morgane, vieille dame aux yeux méchants, qui émettait des sifflements de serpent, se montra vite infecte. Entre Raphaël et son amante, le jeu a déjà commencé. “Il la traitait parfois un peu durement, et la fillette ne parvenait pas toujours à retenir ses larmes. Cependant, elle éprouvait le besoin d'être dominée et commandée.” L'expérience s'annonce riche en surprises. Entre autres, se produit une rencontre avec un homme symbolisant la mort, qui lui tartine l'entre-cuisses d'un onguent propice à l'excitation. Un autre contact avec le nain Eol, caché dans un recoin de la propriété. Une visite à la marchande de poupées Ondine, qui préfère écrire des poèmes que de vendre ses figurines. “Ne grandis jamais et que la folie soit avec toi” conseille Ondine à la fillette. Est-ce que l'employée du château, Ishtar, pourra la protéger de la vieille Morgane ? Rien de moins sûr. Raphaël l'appelant “mon petit chat”, Ophélie éprouve l'impression de devenir cet animal. D'ailleurs, son amant la promène parfois en laisse. Elle approche un curé pour une tentative de désenvoûtement. Sans doute, son corps est-il possédé, plutôt par un bébé que par le diable… Ça fait trente ans que Nadine Monfils publie des romans, des nouvelles. C'est en 1984 que parut “La velue”, son tout premier roman. Elle n'écrivait pas encore ces polars jubilatoires qui ont fait son succès, animés par de singuliers personnages tels le commissaire Léon ou Mémé Cornemuse. Dans les histoires qu'elle raconte depuis ce temps-là, ne cherchons jamais des gens ordinaires, quidams aux vies balisées. Plutôt que ceux qui empruntent les boulevards, Nadine Monfils préfère ceux qui s'égarent sur d'improbables chemins, sur les sentiers cahoteux de l'imaginaire, de la plus pure fantaisie. Dans son vieux sens, le mot "fantasmatique" signifiait : “qui présente un caractère irréel”. Sans nul doute est-ce une bonne définition de l'œuvre, depuis trois décennies, de cette auteure. Si l'on aime ses intrigues polar, il faut aussi redécouvrir ses autres sources d'inspiration. On classera “La velue” parmi les érotiques. Certes, il faut bien que les étiquettes servent à quelque chose. Et il est vrai que le parcours de la jeune Ophélie n'est pas sans perversité. Pourtant, ce roman ne contient guère de scènes choquantes. Qu'on ne se laisse pas abuser par les mots "fillette" ou "petite" : c'est bien de l'initiation d'une ingénue dont il est question, l'âge restant superfétatoire. “La fillette savait son ami doué d'une volonté et d'une force psychique qui n'appartiennent qu'aux demi-dieux. Il avait deviné qu'Ophélie cachait une graine prête à germer, mais que pour cela, il devrait l'aider.” Comme autant de mouvements d'une symphonie, chacun des chapitres est bercé de tempos différents (Intermezzo, gigue, pavane, etc.). Puis, grâce à la musique des mots, Nadine Monfils nous invite à la suivre dans un univers sensuel et ambigu, maléfique et fascinant. |
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