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ZYGMUNT MILOSZEWSKI |
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2120Lectures depuisLe samedi 19 Octobre 2013
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Uwiklanie - 2007. Traduit du polonais par Kamil Barbarski A l'Est y a du nouveau ! Quoi de plus reposant, de plus serein, de plus calme, de plus indiqué qu'un ancien monastère pour suivre une thérapie de groupe, une constellation familiale selon la formulation du psychiatre Cezary Rudzki. Il a réuni quatre personnes pour un week-end et ses patients couchent dans des cellules séparées et austères. Monacales en un mot. Seulement le samedi matin, l'un des participants est retrouvé mort, une broche à rôtir enfoncée dans l'œil droit. Le procureur Teodore Szacki est en charge de l'affaire, assisté du commissaire Oleg Kuzniecov. La piste du suicide est envisagée car un tube de somnifère a été retrouvé dans la cellule du mort. Seulement il faudrait un courage inconscient à un individu pour s'enfoncer ainsi un objet pointu dans un globe oculaire. Teodore Szacki interroge les différents participants à ce jeu de rôle particulier au cours duquel chaque personne interprétait un membre de la famille du sujet soumis à la thérapie. Et lorsqu'il n'y avait pas assez de monde, des chaises jouaient le rôle de figurants. D'ailleurs Cezary Rudzki montre au procureur une vidéo qui a été enregistrée le samedi, Henryk Telak étant confronté aux autres membres de cette réunion. Telak, directeur de la société Polgrafex, une imprimerie, avait perdu deux ans auparavant sa fille qui s'était suicidée. Son fils plus jeune est atteint d'une maladie cardiaque qui lui laisse peu d'espoir de survie. Et l'une des participantes devait jouer justement le rôle de la fille de quinze ans. Alors qu'il attend Hannah Kwiatkowska, trente cinq ans, les autres patients étant Barbara Jarczyk, soixante ans, et Ebi Kaim, quarante ans, une jeune femme s'introduit dans le bureau deTeodore. Elle se présente comme étant Monika Grzelka, une journaliste qui d'habitude couvre les faits-divers et dont c'est la première fois qu'elle doit rédiger un papier sur une affaire criminelle. Fort avenante Monika impressionne Teodore qui, s'il n'en perd pas se moyens, se promet fort de la revoir. D'ailleurs c'est ce que Monika demande, puisqu'elle doit couvrir l'affaire. Les dépositions des témoins, où plutôt des membres du groupe de thérapie, puisque personne n'a assisté au meurtre, madame Jarczyk ayant découvert le cadavre dans une crypte, une fois enregistrées, c'est au tour du thérapeute de donner sa version des faits. C'est lors de cet entretien que le procureur visionne la vidéo. Mais Teodore n'a pas que cette affaire sur les bras et sa supérieure lui demande instamment de se dépêcher sans pour autant boucler le dossier et le classer sans suite. Au cours des funérailles auxquelles il assiste, il lui semble que la femme du défunt et son fils ne sont guère affligés.
Attardons nous maintenant sur Teodore Szacki et sa vie familiale. Avec Weronika, sa femme, avec laquelle il vit depuis quatorze ans, d'abord en union libre puis le mariage, ce n'est plus la fougue des débuts de leur liaison. Seule sa fille, Hela, sept ans, compte pour lui. Presqu'une relation fusionnelle. Mais à bientôt trente six ans, il se sent fatigué, vieux avant l'âge. Ses cheveux sont blancs, car il a pensé perdre Hela quelques années auparavant, et ces histoires de suicides ne sont pas là pour lui redonner le moral. Toutefois son attirance envers Monika ne se dément pas, et la jeune femme semble prendre un malin plaisir à le provoquer. Ils se donnent rendez-vous dans des cafés, dans un parc qu'il fréquentait souvent enfant et correspondent par mails. Mails qu'il efface soigneusement et dont il impute la faute à son travail lorsque sa femme est là. Mais il ne roule pas sur l'or et il lui faut calculer ses dépenses, afin de ne pas mettre en péril la comptabilité du ménage. Il est également un adepte des jeux vidéos.
Teodore se pose de nombreuses questions sur le meurtre de Talek. Par exemple, la découverte de grilles de loto, et plus particulièrement une combinaison qui figure sur chaque bulletin : 7, 8, 9, 17, 19, 22 (tentez votre chance !) et il est persuadé que ces numéros n'ont pas été choisis au hasard. En relisant les rapports, les dépositions, en discutant avec le policier Oleg Kuzniecov, il a l'impression qu'un élément lui échappe. Cette pensée le taraude mais il n'arrive pas à mettre le doigt, façon de parler, dessus. D'autant qu'en parallèle il doit s'occuper d'autres affaires, des dossiers en souffrance. En reprenant les numéros de loto, il pense qu'il pourrait s'agir de dates, aussi il se plonge dans des archives, compulsant d'anciens journaux. Les numéros fétiches de Talek doivent se référer à des épisodes du passé, mais lesquels ? Peu à peu, ce qui n'était au départ qu'un roman d'énigme, quatre personnes cloitrée dans un lieu clos, chacune d'entre elles pouvant être considérée comme le ou la coupable idéale, se transforme en roman historique. En effet il faut à Teodore se plonger dans le passé de la Pologne, celle d'avant la chute du mur de Berlin, et s'intéresser au fonctionnement des services politiques et sécuritaires. Car, comme le fait si bien remarquer un de ses interlocuteurs, un historien, les services de sécurité s'ils ont été abrogés, les hommes qui en dépendaient n'ont pas pour autant été chassés. Il consulte également un collègue de Cezary Rudzki afin d'avoir un avis différent. Et Teodore ne sait pas qu'un vieil homme suit de loin son enquête.
On appréciera la visite guidée de Varsovie, un parcours semé de monuments mais sur l'architecture desquels l'auteur ne s'appesantit pas trop afin de distraire le lecteurs de l'intrigue. Quelques réparties humoristiques sont placées ça et là afin de détendre l'atmosphère, comme dans la vie courante, de même que la scène du supermarché où Teodore effectue ses emplettes sent le vécu. L'histoire se déroule du 5 juin 2005 au 17 juin 2005, avec une impasse sur les 12 et 16 juin, chaque date équivalant à un chapitre et se clôture le 18 juillet de la même année. Chaque chapitre est précédé de brèves de journaux, décisions politiques, faits divers et culturels du monde et de la Pologne, météo du jour. Ce qui permet de se remémorer certains événements. Si des auteurs polonais ont déjà été traduits en France, dans le domaine de la SF notamment avec Konrad Fialkowski dans la collection les Best-sellers de la Science-fiction au Fleuve Noir, c'est à ma connaissance la première fois qu'un auteur de romans policiers l'est. Et les éditions Mirobole entendent bien continuer dans cette voie aussi bien en Fantastique qu'en policier, avec des auteurs de l'Europe de l'Est. Longue vie donc aux éditions Mirobole !
Varsovie, juin 2005. Magistrat âgé d'environ trente-cinq ans, Teodore Szacki a déjà les cheveux blancs. Il est marié depuis dix ans à Weronika, conseillère juridique employée à l'hôtel de ville, et passionnée de football. Ils ont une fille de sept ans, Hela. Teodore Szacki n'est, en tant que procureur, qu'un des modestes rouages de la justice polonaise. Avec son ami policier Oleg, ils se complètent fort bien. Les dossiers à traiter ne manquent pas, dont beaucoup sont en attente de CSS, classement sans suite. Il parvient parfois à en relancer un, tel le viol et le meurtre d'une ado disparue, dont le cadavre fut enterrée dans une cour d'école. Avec un commissaire obstiné, ils retrouveront la vérité, même si la mort de cette jeune fille peut avoir été volontaire. Dans un autre cas, face à une meurtrière ayant tué son mari non sans raison, le procureur Szacki ne retiendra qu'un crime accidentel. Le docteur Cesary Rudzki a organisé durant le week-end un exercice thérapeutique pour quatre de ses patients, louant des locaux à l'église de la Vierge Marie de Czestochowa. Le dimanche matin, le cadavre d'Henryk Telak est découvert, tué d'un coup de broche à rôtir dans l'œil. Une affaire à sensation, sur laquelle la belle journaliste Monika voudrait obtenir des détails. Bien que mari fidèle, Szacki s'avoue intérieurement désirer une relation intime avec la jeune femme. Selon le premier rapport d'Oleg, le psy Rudzki ferait un bon suspect. Szacki interroge d'abord les patients, la prof Hanna, la comptable Barbara, et Ebi Kaim. Il rencontre le lendemain chez lui le docteur Rudzki. Celui-ci explique la méthode utilisée pour cette thérapie, des jeux de rôles très intenses. Henryk Telak était le cas principal, ce week-end, admet le psy. Car l'ambiance familiale de la victime est assez mortifère. Jadwiga Telak, l'épouse de la victime, confirme les douloureuses réalités de leur famille. Le fils de quatorze ans, malade en sursis, est également interrogé. Le dictaphone d'Henryk Telak n'a pas disparu, c'est le curé de l'église qui le rend au procureur. Telak y enregistra entre autres un message d'adieu. Vu qu'il avait ensuite préparé ses bagages, le suicide ne correspond pas, d'autant moins avec une telle arme. Consulté, le docteur Wrobel pense que la thérapie de son confrère place les patients dans un état comparable à l'hypnose. Ce qui ne signifie pas que ça en fasse des tueurs. Le procureur Szacki va s'apercevoir que les chiffres fétiches de Telak ressemblent fort à une date précise. Que se passa-t-il le dix-sept septembre 1987 vers 22 heures ? Dans l'ombre, Igor et un notable anonyme suivent les investigations de Szacki, veillant à ce qu'il ne réveille pas un passé compromettant, prêts à le menacer si besoin était... On ne peut pas dire que les auteurs polonais envahissent les collections françaises de polars. C'est donc avec un réel intérêt qu'on découvre ce premier roman de Zygmunt Miloszewski traduit chez nous. Dire qu'il s'agit d'une enquête sur une affaire de meurtre serait trop vite résumer ce livre. Certes, après avoir exploré diverses pistes, le procureur Szacki va réunir les protagonistes sur le lieu du crime, dans la grande tradition. C'est là que l'assassin passe aux aveux, naturellement, sauf nouvelle surprise. Toutefois, bien que l'énigme soit le moteur de cette intrigue, on trouve ici bien d'autres aspects passionnants. D'abord, à travers la personnalité du procureur. Il sait que sa fonction est sans prestige, exigeant pourtant un discernement humaniste. Outre qu'il a d'autres dossiers en cours, on le voit troublé à la fois par cette curieuse thérapie qui entraîna un meurtre, et aussi par sa relation avec une journaliste. Dans un cas criminel, le doute habite toute personne sensée, ce qu'il est assurément. Le portrait nuancé de ce magistrat enquêteur s'avère très réussi. Ce qui distingue un roman noir, c'est évidemment son contexte. Nous sommes ici dans la Pologne postcommuniste, une quinzaine d'années (seulement) après l'avènement de la démocratie. À travers le métier de Weronika, l'épouse du héros, on constate que certaines lourdeurs administratives restent très présentes. Le procureur gagne correctement sa vie, mais semble attentif à ne pas gaspiller d'argent, le luxe étant encore rare. S'il aime les jeux vidéos actuels, Szacki ne renie pas la Pologne de sa jeunesse. Le pays apparaît toujours marqué par l'héritage d'époques passées. “Corrige-moi si je me trompe, mais est-ce qu'en 1989, tu as vu exploser une espèce de bombe K qui aurait vaporisé d'un seul coup tous les putains d'apparatchiks rouges, toutes les crapules à la solde des soviétiques, (...) toute cette racaille totalitaire ?” demande l'historien Karol Wenzel à Szacki. Et puis, on nous invite à parcourir les décors de la capitale polonaise, métropole que nous connaissons peu. Voilà un suspense noir qui ne possède que des atouts très favorables. |
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