|
|
MARCO MALVALDI |
Le Mystère De RoccapendenteAux éditions 10/18Visitez leur site |
2039Lectures depuisLe mercredi 31 Juillet 2013
|
Une lecture de |
Né en 1820, Pellegrino Artusi est un ancien négociant. Âgé de plus de soixante-dix ans, il connaît un immense succès avec “La Science en cuisine et l'art de bien manger”. C'est le tout premier livre recensant la majorité des recettes de cuisine italienne. Mi-juin 1895, ce gastronome aux remarquables moustaches blanches, vêtu d'une redingote, est invité dans un château de Toscane, par le baron Bonaiuti de Roccapendente. À cette époque, l'unification de l'Italie est encore récente. L'aristocrate règne toujours, à l'ancienne, sur ses terres et sur sa maisonnée. Gaddo, le fils aîné, se prend pour un grand poète. Il espérait que son père eût invité un véritable écrivain, et non Artusi. La désinvolture quelque peu agressive de Lapo, l'alcoolique fils cadet, le rend encore plus déplaisant que Gaddo. La jeune Cecilia, unique fille du baron, s'estime trop prisonnière des traditions. Douée pour les études et la médecine, elle rêve d'un brillant avenir, mais les femmes restent confinées dans la société italienne d'alors. La mère du baron, Speranza, est une vieille dame acerbe, acariâtre, en fauteuil roulant. Mlle Barbarici, sa demoiselle de compagnie, est une personne effacée qui subit le mauvais caractère de l'aïeule. Cosima et Ugolina sont deux cousines âgées vivant au château, des femmes malveillantes aussi stupides que leur roquet, le chien Briciola. Pellegrino Artusi n'est pas le seul invité. Le photographe d'art Ciceri a également été convié, sans qu'on sache pour quelle raison. Le gastronome devra amadouer Parisina, la cuisinière, s'il veut qu'elle partage avec lui ses bonnes recettes. Au matin, le cadavre du majordome Teodoro Banti est retrouvé dans un cellier lui servant de pièce de service. L'endroit étant verrouillé de l'intérieur, il faut faire appel à un ouvrier pour ouvrir. Si Pellegrino Artusi flaire le pot de chambre de la victime, c'est à cause des asperges. Quant au Dr Bertini, médecin de la famille, il refuse la mort naturelle. Teodoro a été empoisonné avec de la belladone se trouvant dans le porto. Artistico, le délégué à la sécurité publique, est alerté. Les méfaits dont il s'occupe d'ordinaire sont des broutilles. Il interroge respectueusement le baron et ses deux arrogants fils. Ces derniers désignent illico Pellegrino Artusi comme le coupable probable. Le délégué Artistico possède assez de psychologie pour comprendre que le gastronome est honnête homme. Alors que Pellegrino Artusi sympathise avec la jeune Cecilia, quelqu'un tire un coup de feu sur le baron Bonaiuti de Roccapendente. La chevrotine blessant l'aristocrate, il faut de nouveau faire appel au Dr Bertini. La personne ayant commis cet acte n'est visiblement pas habituée à manipuler une arme. Le photographe Ciceri a tiré un cliché de la femme qui a visé le baron. Rapidement, on l'identifie et on l'arrête. Toutefois, ce n'est pas elle qui empoisonna le porto bu par le majordome, Pellegrino Artusi en est tout aussi certain que le délégué Artistico. Ces fouineurs vont s'approprier la formule de Sherlock Holmes : “Éliminez l'impossible. Ce qui reste, quoique improbable, doit forcément être la vérité.” C'est une savoureuse comédie policière qu'a mitonné Marco Malvaldi pour les lecteurs. Il faut souligner que Pellegrino Artusi a réellement été un pilier de la gastronomie italienne. Le procédé consistant à utiliser un personnage connu en guise de détective amateurs n'est pas neuf. Sans se limiter à une stricte énigme, l'auteur ajoute astucieusement une tonalité enjouée qui offre un certain piment à l'intrigue. Il ne s'agit nullement de caricaturer, mais de dessiner avec soin les protagonistes, en notant leurs petits ou grands défauts. Ou leurs éventuelles qualités. Les dialogues sont également délicieux : “Voilà un an, il a essayé de la coincer dans un angle, et il s'est pris un coup de genou sous la ceinture qu'il s'en rappelle encore. Si avant c'étaient des paupiettes, elle lui en a fait des escalopes.” Le contexte est essentiel, évidemment. Si la république italienne est unifiée, la noblesse garde ses prérogatives. Une telle famille aristocratique continue à dominer la région, sans doute au-delà de ses propriétés. Tous ont été élevés dans un esprit supérieur, incluant une bonne dose d'impunité, n'ignorant pas que cela ne s'applique que sur “leurs terres”. Bien qu'on soit dans une période charnière pour l'Italie, ils restent ce qu'ils sont. Les classes dominantes préservent leurs privilèges, hier comme aujourd'hui. Toutefois, le Dr Bertini leur rappelle ici que tout ne s'achète pas. Un souriant et succulent suspense. |
Autres titres de |