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ÉRIC MARTY |
Le Cœur De La Jeune ChinoiseAux éditions SEUILVisitez leur site |
520Lectures depuisLe jeudi 4 Janvier 2013
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Une lecture de |
Le mouvement politique Ligne Rouge est composé d’activistes révolutionnaires de gauche extrême. Cette organisation, totalement opaque et structurée selon un système très complexe de réseaux et de sous-réseaux, est dirigée par un Comité Permanent. Celui-ci suit les élucubrations dialectiques de son leader, ex-prof qui s’est rebaptisé Mao. Issus pour la plupart du PCR, le parti plus modéré du défunt Zeller, les militants de Ligne Rouge ne rejettent nullement l’action violente. Ainsi ont-ils récemment saccagé un grand sex-shop de la rue Saint-Denis, n’épargnant pas ceux qui s’interposaient. Ils sont pistés par les hommes du policier Gonzales-Roux, dont Gilles Baudouin. D’autant plus aisément qu’il y a un traître parmi les membres du premier cercle de Ligne Rouge. Le médiatique psy Thomas Jacadie collabore avec l’équipe de policiers. S’il lui semble reconnaître la voix de “Mao”, le psy hésite longtemps à livrer cette info aux enquêteurs. D’autant qu’il ne néglige pas sa clientèle privée. Dont l’étudiante mal dans sa tête Hélène Damade, fille du plus célèbre animateur télé de France. Côté flics, l’affaire progresse quand Najla, étudiante d’origine tunisienne impliquée chez Ligne Rouge, est assassinée. Vivant plus ou moins en couple avec elle, le coupable désigné a pour pseudo Politzer. En fuite, il parvient à semer le policier Baudouin. Avant de se réfugier dans le local d’une jeune prostituée chinoise, Lu. Sans explication, celle-ci le protège. Politzer et Lu font un détour par chez le vieux Dong, oncle de Lu, dont le rôle est incertain au sein de la communauté chinoise. Malgré l’intervention de ses jeunes cousins, le couple embarque l’argent de Dong. Ils vont se planquer dans un taudis où vit une population sino-juive accueillante, bienveillante. Mao n’est pas resté inactif entre-temps. Après un article accusant la police d’avoir éliminé Najla, il diffuse un communiqué affirmant qu’ils ont aussi supprimé Luxembourg, un autre de leurs militants. En réalité, l’ordre de l’exécuter émanait de Mao. Celui-ci se concentre principalement sur le gros coup en préparation, pour le 24 décembre. Pour Mao, marquer l’opinion ne signifie pas se faire apprécier de la population, au contraire. Tant mieux si l’unité nationale se fait contre leur action. Ayant pour but commun de retrouver Lu, Baudouin et le vieux Dong font une alliance de dupe. Toujours plus paumée, Hélène Damade trouve un relatif répit chez le psy Thomas Jacadie. Politzer a repris contact avec Mao et le Comité Permanent. Toutefois, le “succès” de Ligne Rouge ne change probablement rien à sa perpétuelle fuite… Voilà un roman inclassable, ni l’étiquette “thriller politique” ni celle de “polar” ne collant précisément. La forme du récit est celle d’un suspense riche en sombres péripéties, sans nul doute. Les conditions criminelles ont d’ailleurs le mérite de ne pas être aussi stéréotypées que dans de nombreux romans. L’action est assortie d’une réflexion, le thème abordé étant l’étude du terrorisme “à la française”. Fort heureusement, ça reste de la fiction. Les trotskistes et idéologues divers de l’ultra-gauche des années 1970 ont préféré le pragmatisme à la révolution armée. Leur entrisme politique et social a cédé la place à une complicité avec les dirigeants économiques, à l’exemple de cet énarque ex-gauchiste : “Puisque les cycles de production profitables étaient de plus en plus courts, Collioure en avait tiré une conclusion pratique, ne jamais rester plus de trois ou quatre ans sur un marché… D’où toute une stratégie de rotation du capital extrêmement rapide…” Toutefois, à l’inverse de l’extrême droite pratiquant le populisme, on peut imager qu’il reste des nostalgiques purs et durs, adeptes de théories marxistes apprises par cœur. Si tel était le cas, leur fatale stratégie serait suicidaire, absolument plus en adéquation avec le monde actuel. Le gouffre existant entre la réalité et leurs objectifs se creusant toujours davantage, leur marginalité irait en grandissant. Si la politique au quotidien ne manque pas de complexité, les partisans d’actions violentes sont encore plus contradictoires. On l’aura compris, c’est un suspense qui incite à réfléchir sur nos convictions, autant qu’un roman très convaincant. |