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JACQUES MONDOLONI |
Le Guide Du TuardAux éditions OSLO |
2638Lectures depuisLe jeudi 7 Decembre 2012
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Une lecture de |
Le vert : à moitié vide ou à moitié plein ? Le narrateur s’est fixé un but, une mission, un sacerdoce : traquer les faiseurs de guides qui dégradent le monde par leurs publicités, le dévoilement des secrets, l’envoi de nouveaux prédateurs... Car divulguer la beauté des sites peu fréquentés et les proposer à tous engendre un afflux de touristes qui dégradent ces lieux et leur font perdre leurs charmes. Et c’est anti écologique selon le Tuard, dont le nom est le raccourci de Tueur de routard. Tout est pensé pour le plaisir des touristes et des guides sont payés pour découvrir les petits coins sympathiques, la nature sauvage afin de les offrir en pâture à des individus qui vont tout détériorer. Il est contre ces voyages organisés qui favorisent le déploiement de gaz carbonique, de vapeurs d’essence et le réchauffement climatique. Et lorsqu’il tue un de ces guides à la recherche d’un nouveau terrain de chasse à proposer à ces prétendus amoureux de la nature, la vraie, il le fait dans les règles de l’art. Il maquille ses forfaits en accidents, et bien entendu les endroits réputés paisibles deviennent des lieux à éviter car dangereux. Son nouveau terrain de chasse programmé se situe en Franche Comté et en Lorraine. Pour l’aider dans cette mission, Monty, jeune géant ancien sapeur des forces de l’ONU en Bosnie, dont le point de fixation est les éoliennes. Il fait Kourou, c’est-à-dire qu’il truffe d’explosifs les pieds des éoliennes afin que les engins dressés comme des fusées se prennent pour une fusée Ariane sur une base de Kourou délocalisée. Tout ceci aurait pu durer longtemps si le grain de sable ne s’était pas glissé dans l’engrenage. Dans cette nouvelle, Jacques Mondoloni s’amuse à mettre en avant les fausses valeurs de l’écologie, de cette mode qui veut que l’individu fasse un retour à la nature parce que c’est bien, parce que c’est tendance, parce que c’est sain, sans se rendre compte que souvent il va à l’encontre de la véritable écologie. En réalité, cela devient le nouveau poumon de l’économie, en douceur, insidieusement. D’ailleurs ne trouvons pas dans des endroits que l’on supposait vierge, là où la main de l’homme n’avait pas mis les pieds !, des emballages de sandwich, des bouteilles, des tubes de crème solaire, des déchets divers. Ce que l’on appelle peut-être le tourisme raisonné.
Le carton jaune est adressé à l’éditeur qui propose ce petit livre au prix de 12,95€. Un peu coûteux à mon avis, d’autant que d’autres petits éditeurs, ceci n’est pas péjoratif, offrent des livres pour le même prix ou presque avec un nombre de pages multiplié par trois ou quatre. Il me semble qu’un éditeur qui veut se faire une place au soleil et conquérir des lecteurs se doit d’être moins onéreux. Je ne suis pas un économiste, d’ailleurs ceux-ci établissent souvent des diagnostics souvent à l’encontre du bon sens, mais il vaut mieux vendre plus d’exemplaires à petit prix que moins et plus cher. Mais ceci n’est que mon avis.
Le tuard n'est pas hostile au tourisme. Que les grands sites français reçoivent quantité de visiteurs, que les endroits dédiés à la découverte fasse le plein, c'est assez normal. Mais le tuard estime que les guides touristiques vont désormais trop loin. Aux dépens de lieux qui n'ont pas à accueillir les foules. Vouloir tout exploiter ainsi, c'est glorifier un passé qui ne fut pas toujours brillant, ou détruire l'harmonie naturelle de ces endroits. Le tuard est conscient que les friches industrielles témoignent de l'Histoire. “L'intérêt de la foule des blaireaux se porte sur les sites industriels du passé en milieu rural. Les usines désaffectées, dénaturées ou en ruine, car déclarées non rentables ou pourvues de techniques obsolètes, ont la cote, deviennent des objectifs prisés, à la mode… Une clientèle touristique apparaissait, capable de se ruer sur des vestiges roussis ou envahis par les herbes pour gober quelque chose de la splendeur de la grande bourgeoisie de l'époque… C'était se remettre sur les pas de la France grande puissance. Même les débris, les scories, toute l'entreprise de la décomposition, tous les emblèmes de la dégradation rencontrés en chemin, étaient recherchés à présent : au-delà d'un certain esthétisme de la pourriture, cela ressuscitait la valeur du travail et de l'obéissance.” Accompagné de son complice Monty, qui adore jouer avec les explosifs (ce qu'il appelle “faire Kourou”), le tuard a déjà éliminé quelques journalistes qu'il considère comme des traîtres, des mouchards. Pour le moment, même s'ils ont pris quelques risques, ils n'ont toujours pas été inquiétés. Cette fois, c'est vers la Haute-Saône et la Lorraine – régions qui furent riches en industries – que leur mission les conduit. Dans sa Twingo, le journaliste Victor Beaudemange explore quelques anciens sites industriels encore peu mis en valeur. De la verrerie de la Rochère jusqu'au musée de Clairey, les ex-locaux gardent l'empreinte du labeur des ouvriers du verre. Pas facile de supprimer ce plumitif de Beaudemange, comptant révéler au plus grand nombre les charmes de ces usines d'autrefois. À Breuches, une vieille dame vante les usines de filatures dont sa famille fut jadis propriétaire. Le duo doit trouver le moyen d'agir contre ce reporter avant qu'il ne dévoile tout cela… Cette nouvelle d'une quarantaine de pages n'est pas un réquisitoire contre le tourisme. Elle peut permettre de s'interroger sur cette question : jusqu'où est-il logique d'exploiter certains endroits à des fins touristiques ? Tel lieu que, naguère, nous fréquentions pour sa tranquillité et son pittoresque, est aujourd'hui envahi par un public peu respectueux. Ou, en visitant telle usine, les touristes réalisent-ils que des centaines d'ouvrières et d'ouvriers trimèrent ici ? Et, pour alimenter ces visites, faut-il polluer au gas-oil des cars des endroits naturels préservés ? C'est là-dessus que Jacques Mondoloni nous invite à réfléchir. Même les musées ne seraient pas la panacée : “Il avait pensé que les musées pouvaient servir à contenir, circonscrire la pulsion touristique de ses semblables. Le musée devenait une cage où le touriste s'enfermait lui-même et ne pouvait plus nuire au-dehors. Mais il s'était trompé… l'instruction, la culture qui s'en dégageaient poussaient parfois certains visiteurs à approfondir leur curiosité, leur connaissance...” Oui, le musée participe au cycle touristique, donnant envie de nouvelles découvertes. Étant personnellement amateur de friches industrielles, j'assume (avec le sourire) de faire partie de “blaireaux” appréciant ce genre de lieux.
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