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ALAIN MABANCKOU |
Tais-toi Et MeursAux éditions LA BRANCHEVisitez leur site |
1590Lectures depuisLe jeudi 28 Septembre 2012
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Une lecture de |
Situé en Afrique équatoriale, le Congo-Brazzaville est une république de plus de quatre millions d’habitants, à laquelle le pétrole apporte la stabilité économique. Néanmoins, quand on habite Pointe-Noire, ville où vivent 650.000 personnes, on peut avoir envie de tenter sa chance ailleurs. C’est le cas de Julien Makambo, vingt-cinq ans, arrivé en France depuis quelques mois. C’est grâce à Pedro, ami de sa sœur installé à Paris, qu’il a obtenu de faux papiers d’identité. José Monfort, tel est officiellement le nom de Julien. Pedro le conduit au studio de la Rue de Paradis, où il va cohabiter avec d’autres Congolais. Moussavou, dit Le Vieux, vit en France depuis une trentaine d’années. Il a pratiqué toutes les combines, avant de passer le relais à Pedro. Bonaventure fait figure de second pour Pedro. Il y aussi Prosper, le séducteur Désiré, et le mécanicien Wllly. Julien/José Monfort comprend vite qu’il faut connaître par cœur Paris et le métro pour s’adapter à la ville. L’argent ne manque pas dans le petit monde de Pedro. Économie parallèle alimentée par divers trafics aussi basiques que rentables. Une partie des sommes est envoyée au Congo, une autre paye le loyer, et puis on en garde pour la sape. L’élégance vestimentaire n’est pas un vain mot pour Pedro et ses amis. Ça aide parfois à plaire aux nymphos Blanches, attirées par la virilité des Noirs. Le cas de Kathy la dragueuse est probablement à mettre à part, dans leur univers festif. Shaft, le faussaire chevronné qui fabriqua les papiers de Julien/José, reste un peu en retrait. Il porte un regard distant sur les embrouilles dirigées par Pedro. Quant au jeune Congolais, il suit aveuglément son mentor, se sentant tel son nouveau bras droit à la place de Bonaventure. Si Julien/José partage aujourd’hui la cellule d’un certain Fabrice à la prison de Fresnes, c’est à cause de l’affaire de la Rue du Canada. Les médias ont beaucoup évoqué la défenestration de la blonde Roselyne François, attisant le racisme de la population. Il y eut même un débat télévisé sur le sujet. Ayant accompagné Pedro, Julien ne risquait pas de passer inaperçu dans son voyant costume vert, près du corps sanglant de la victime. Pedro fut le premier à fuir, bientôt imité par son comparse. Julien trouva refuge à l’hôtel L’Amandier, où on ne lui posait pas de question. Manger à la cantine du foyer de Maliens n’était pas une bonne idée, car il s’y fit un ennemi. Fréquenter le bar de Kirdine, La Petite Kabylie, fut un temps plus sûr. Mais, alors qu’il envisageait de partir à Nantes, les choses ont mal tourné. En prison, il a le temps de faire le point noir sur blanc… Alain Mabanckou n’est pas exactement le premier venu en matière littéraire. Prix Renaudot en 2006, il a glané bon nombre d’autres récompenses pour ses livres. C’est dire que la collection Vendredi 13 nous propose là un auteur d’importance, et que le résultat est remarquable. Suspense ou roman noir, certes. Ce qui prime, c’est le portrait de ces Africains de Paris, d’origine congolaise ou non. Ils trouvent leur place, entre discrétion sur leurs activités et effervescence de la capitale. Le jeune héros est sans doute candide, manipulé. Il ne comprend pas que l’économie clandestine a besoin de boucs-émissaires. Que c’est un carrousel où l’on perd son identité, ce qui le trouble lors de ce séjour derrière les barreaux. Malchanceux, il ne l’est qu’à cause de cette marginalité entretenue par son mentor. Raconté à la première personne, le récit apparaît tel un témoignage, une tonalité incluant aussi des épisodes qui font sourire. Dont les “broutilles” pour lesquelles son codétenu est emprisonné. Sans oublier un aspect criminel lié au Congo, bien sûr. Souvenirs ou présent de Julien/José, tout ça est narré avec une magnifique fluidité. Voilà un roman à découvrir absolument. |
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