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CHARLES MACLEAN |
De Peur Que Les Ténèbres Ne TombentAux éditions PRESSES DE LA CITEVisitez leur site |
1259Lectures depuisLe dimanche 13 Aout 2012
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Une lecture de |
Début des années 1980, Martin Gregory est âgé de trente-trois ans. Cadre dans une société d’ordinateurs à New York, il habite près du village de Bedford. Il vit là avec son épouse d’origine autrichienne Anna, vingt-huit ans, et leurs deux chiens. Le couple adore Klaus et César, des goldens retrievers. Le jour de l’anniversaire de sa femme, Martin a prévu une surprise pour elle. En réalité, il va commettre un acte macabre à son insu. Il tranche la gorge des deux chiens et dispose leurs cadavres dans une grande caisse posée sur le sol du salon. Laissant sur place un énigmatique poème, Martin se rend en train à New York. Il s’enferme pendant deux jours dans une miteuse chambre d’hôtel, en proie à une crise hallucinatoire qui dure. Ce geste terrible et incroyable, il s’agira ensuite de le comprendre. Tandis qu’Anna a été éloignée de Martin, celui-ci accepte de suivre une thérapie. Il ne croit guère aux psys, et ce n’est pas sa rencontre avec la Dr Hartman qui peut arranger les choses. Le test de Rorschach apparaît ridicule dans son cas. Martin est dirigé vers le Dr Somerville, un psy lui semblant plus compétent. En outre, Martin n’est pas insensible à sa belle assistante Pénélope. Son enfance aux Philippines, sa relation avec les chiens, il en parle au médecin. Pendant ce temps, les crises hallucinatoires se poursuivent. “Manifestement, mon rêve avait un rapport avec mon état de frustration, mon sentiment de culpabilité et aussi mon inquiétude à l’égard d’Anna.” Dès la deuxième séance, le Dr Somerville propose d’utiliser l’hypnose. D’ailleurs, Martin le sujet idéal pour une telle expérience. Pour le psy, difficile de tirer des conclusions sur les rapports de Martin avec les chiens. Par contre, l’image d’une enfant sans doute morte nommée Missy, gisant recroquevillée dans le coin d’une cabane, parait hanter Martin. Il n’est pas encore question d’internement, mais le médecin est sûr de la violence interne du patient. Martin ne lui raconte pas qu’il sent parfois une odeur de moisi, ou alors d’amande, autour de lui. Il garde pour lui ce qu’il sait du mythe de Magmel et des Kendals, les gardiens du Cristal. Autant de passages hors du réel, peuplées de références personnelles et de sombres images fantomatiques. Sachant qu’ils sont toujours amoureux, le retour à un certain équilibre peut permettre de reprendre la vie commune avec Anna. Toutefois, elle reste en danger car les hallucinations de Martin ne cessent jamais vraiment, et sa confiance en Somerville disparaît… Excellente initiative que cette réédition 2012 d’un roman qui fut publié autrefois sous le titre “Le guetteur” (1983). D’abord, il est bon de souligner la construction du récit. Narration à la première personne, rapports médicaux du psy, extraits du journal de Martin, l’histoire n’a rien de linéaire. Essentiel, car cela nous permet de cerner tous les aspects mentaux du personnage central. Ça va d’une “presque normalité” jusqu’à des scènes gravement délirantes et sinistres. Ce qui fascine, c’est que ce portrait est celui d’un monstre, avec sa dangerosité paranoïaque et ses secrets enfouis, sans qu’on puisse le juger abominablement antipathique. Petit exemple de l’état d’esprit singulier de Martin : “Au moment où j’avais frappé, j’avais éprouvé une soudaine exaltation, comme si j’avais été sous l’effet d’une drogue, d’une poussée d’adrénaline qui était encore en train de retomber. Je me sentais vidé, épuisé, tendu à l’extrême. Pour me calmer, je pris la bible de Print Begley et en feuilletai les pages piquées de moisissure. C’était lui ou moi, je n’avais pas vraiment le sentiment d’avoir fait quelque chose de mal, mais c’était la première fois que je tuais quelqu’un.” Le parcours psychiatrique de Martin nous offre un roman qui fait frémir, tout autant qu’il nous captive jusqu’au bout. Une jolie réussite. |