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M.V. MONTALBAN |
La Solitude Du ManagerAux éditions 10:18 |
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Une lecture de |
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« Je crois que le fait qu'un écrivain décide ou non que son écriture est une écriture d'intervention est un problème de satisfaction morale, personnelle, et qu'il ne peut jamais espérer que de cette intervention puisse découler un changement réel des choses. » Dans Mouvements n°15/16 Mille neuf cent soixante dix sept, Franco est mort depuis deux ans. Le couvercle vient de sauter et plus rien ne contient les aspirations des masses à la liberté. L’ordre économique, hérité de la dictature, vacille ; l’unité du pays, laissé à la charge d’un roi palot, menace d’exploser sous l’effet des luttes d’autonomie Quelques années plus tôt, de l’autre côté de l’atlantique, la bourgeoisie avait été confrontée à une telle situation. Avec l’appui de la multinationale ITT, derrière laquelle se cachait la CIA, les secteurs les plus conservateurs de la droite chilienne avaient su générer un climat d’instabilité sociale propice au coup d’état militaire. En Espagne, comme ailleurs, « on crée le sentiment que le pouvoir central ne contrôle pas la situation et que le système politique n’arrive pas à garantir l’ordre », on mitraille les avocats des commissions ouvrières en plein cœur de Madrid, on arme une droite nostalgique « seule garante de contenir les débordements révolutionnaires ». A l’entrée de Vich, « la ville des Saints », un automobiliste qui espérait soulager sa vessie, découvre un cadavre dans un fossé. La Guardia Civil, ralliée à la démocratie avec armes bagages et traditions, mettra très vite un nom sur le mort : Antonio Jauma. Il empestait « le parfum intime de dame, le plus intime : eau lustrale pour hygiène intime ». De plus les enquêteurs retrouvent, dans sa poche, une culotte de femme, alors que la sienne avait disparu ! La réputation de la victime, ajoutée à ces éléments matériels, fait supposer aux autorités qu’il s’agit d’une affaire de mœurs. De l’hypothèse aux certitudes il n’y a qu’un pas qui est allégrement franchi. Et la thèse officielle devient : Antonio Jauma est mort d’une balle en plein cœur, suite à une altercation avec un maquereau. Rien de plus banal… sauf qu’Antonio Jauma était le manager de la Petnay, une des multinationales les plus importantes du monde, responsable de l’Espagne et d’une zone d’Amérique latine. Quelques années plus tôt, Antonio Jauma, en compagnie de Dieter Rhomberg au sortir du siège central de la Petnay et alors qui gagnait Las Végas, en quête de repos, avait rencontré un galicien vivant depuis toujours à Barcelone. De cette brève rencontre, il avait gardé un excellent souvenir, au point de s’en confier à son épouse. C’est tout naturellement que celle-ci, peu satisfaite par l’explication officielle, s’adresse à ce Catalan d’adoption, devenu détective privé entre temps pour établir la vérité. Carvalho, en bon professionnel des affaires d’adultère établit très rapidement que la culotte de femme retrouvée dans la poche du mort n’avait jamais été mise… Mais il réalise aussi tôt que cette affaire dépasse ses compétences. Il n’est pas né pour déjouer les complots. Mais peut-être n’y a t-il pas conjuration, peut-être s’agit-il d’une de ces histoires minables nées de la morale petite bourgeoise ? Alors Carvalho enquête et le passé de la victime ressuscite. Il plonge au milieu du groupe d’amis du manager. Un groupe qui s’était formé du temps de l’université et constitué de farouches anti-franquistes qui ont traversé les années de répression en luttant pied à pied contre la dictature. En observateur décalé et cynique Carvalho brosse un tableau doux-amer des destins, des choix et des trahisons de chacun. (thème que Montalban développera dans toute sa nudité dans le Pianiste) Pour sa troisième apparition ( après Tatouage et J’ai tué Kennedy) Carvalho ne se trouve pas confronté à une histoire « sordide » où le hasard, l’impondérable sont les clefs du drame, mais à un « complot ». Pour autant, si la résolution de l’énigme le conduit jusqu’au cœur des manigances entre une multinationale et les secteurs les plus réactionnaires de la droite post franquiste, l’explication « objective » demeure vague, alors que le facteur humain est des plus explicite. Et le « sordide », que l’on croyait expulsé de cette histoire refait un retour en force et conclue le livre en gommant tout optimisme quant à la période qui s’ouvre en Espagne. |
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