Lorsqu’il était étudiant, Michel Brannelec avait participé au tournage de quelques films en tant que figurant puis il avait été obligé de partir en Algérie, la nation française lui ayant offert un billet de bateau avec l’uniforme de para d’infanterie de marine en prime. Il est revenu avec une jambe claudicante et ses rêves à exaucer. Lorsque son agent lui propose de rejoindre Vadim qui tourne à Venise son film Sait-on jamais avec Christian Marquand et Françoise Arnoul, il pense qu’enfin sa voie est tracée et son avenir assuré L’emploi proposé n’est pas tout à fait à la hauteur de ses attentes, mais au moins il aura un pied dans la bobine. Il est embauché comme stagiaire assistant, chargé des feuilles de paye des machinistes italiens, mais au moins il peut fréquenter une équipe de tournage et c’est ce qui lui importe. A son arrivée, il est pris en charge par un surnommé La Louche et fait connaissance avec l’équipe qui loge au Palais Bembo. En face, c’est l’effervescence. Le cadavre d’un homme a été retrouvé dans l’appartement qu’il louait, la tête défoncée par un pilon de cuivre. Le vice-brigadier Adolfo Serra et le commissaire Busetti, chargés de l’enquête, apprennent auprès du concierge que l’homme était accompagné d’une femme, absente depuis la veille. Mais leurs investigations dans l’appartement révèlent bien des surprises. Sous le cadavre ils découvrent une vieille clé dont la destination leur est pour l’heure inconnue, puis dans un tiroir une forte somme d’argent. Si des vêtements féminins sont accrochés dans la penderie de la seconde chambre, ils sont forts étonnés d’en trouver également dans celle du défunt de même que des pots de soins corporels. Le légiste discerne un tatouage sous l’aisselle du défunt démontrant que l’homme aurait appartenu à la Waffen SS. En réalité celui-ci n’est pas Allemand mais Autrichien et son épouse supposée, rentrée le matin de la découverte du meurtre, est sa sœur Heidi. Michel se rend compte que Heidi semble s’intéresser à lui, pourtant la jeune femme rencontre un autre homme, plus âgé. C’est un ami de son frère assure-t-elle, et les policiers eux aussi sont intéressés par cet homme, Autrichien comme le mort. Entre 1957, année du tournage de Sait-on jamais, et 1936, puis 1945, l’histoire, et l’Histoire, se catapultent. Enquête sur un meurtre et secrets liés à des événements qui ont eu lieu avant et pendant la guerre puis durant la débâcle italienne s’imbriquent avec rigueur. Les personnages fictifs et réels sont liés sur le même plateau de tournage à Venise, dans les mêmes lieux, mais seuls quelques protagonistes chanceux, dont le lecteur qui fait partie prenante de l’intrigue, connaitront véritablement le fin mot de cette histoire. Jean Mazarin fait revivre une époque qui n’est pas encore débarrassée des miasmes de la Seconde guerre mondiale, alors que la guerre d’Algérie meurtrit déjà les esprits et les corps. Vadim, Christian Marquand, Françoise Arnoul ainsi que Benito Mussolini et quelques autres ne sont pas là pour effectuer de la figuration intelligente, mais deviennent acteurs parfois décisifs malgré le petit rôle qui leur est alloué. Jean Mazarin aurait pu étoffer son roman de descriptions de scènes de tournage, mais tout est dans le suggestif. Venise, ses canaux, ses vaporettos, ses hôtels particuliers plus ou moins bien entretenus s’intègrent comme le décor nécessaire, loin du cliché de carte postale. Après bien des années d’absence pour cause d’écriture de scénario, Jean Mazarin nous revient avec un roman à placer à côté de ses ouvrages majeurs comme Collabo-song, Grand Prix de Littérature Policière en 1983. Un retour qui je l’espère ne sera pas un feu de paille ou le chant du cygne.
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