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CHARLES MADEZO |
Bavure Dans Le BétonAux éditions EDITIONS DU PALEMON |
598Lectures depuisLe vendredi 28 Janvier 2011
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Une lecture de |
Le BTP est un milieu que connaît bien Patrice Ozédam. Cet ingénieur fut d’abord employé dans l’entreprise Fouché, un des leaders du marché. Puis il suivit trois ex-cadres dirigeants quand ils créèrent leur propre société, GTE. La troïka Loisel, Gabelin et Henri Perle, fit rapidement prospérer cette nouvelle entreprise, qui s’installa bientôt à La Défense. Cette croissance fulgurante devait beaucoup aux méthodes douteuses de Loisel. La corruption fut un atout maître, dont il abusa très fréquemment. Verser d’énormes bakchichs à ses interlocuteurs ne lui posait aucun problème de conscience. La GTE possédait également le club La Canopée, géré par la belle Agnès. La société y invitait ses meilleurs clients pour des nuits festives et sexuelles. S’il appréciait Henri Perle, Patrice Ozédam éprouvait de l’antipathie pour Loisel. Il quitta la GTE pour créer une agence d’expertise. Henri Perle est décédé un an plus tôt, tombé à la mer lors d’une sortie sur son bateau. Sa mère Diane Perle ne croit pas dans la version officielle d’un accident maritime. Très proche de son fils, un peu castratrice sans doute, Diane engage Ozédam afin qu’il découvre la vérité. Enquêter sur un meurtre n’entre pas dans les compétences de l’ingénieur, mais il a comme une revanche à prendre sur GTE. Si Henri Perle a vraiment été assassiné, il faut d’abord vérifier de ce côté. Empreint d’une rigidité due à ses convictions religieuses, Perle était strict en affaires autant qu’ambigu vis-à-vis des femmes. À Paris, Ozédam interroge le géomètre Dallon, trop indépendant d’esprit pour s’entendre avec le trio dirigeant la GTE. Il évoque un projet immobilier original à New York dont le concepteur, l’architecte Caillon de Monbrison, fut dépossédé par une des combines de Loisel. Henri Perle, qui avait sympathisé avec l’architecte, désapprouva l’opération. Le détective amateur retrouve la trace d’Agnès, la gérante du club La Canopée. Si Ozédam est toujours sensible à son charme, celle-ci avoue que les choses ont bien changé. C’est Henri Perle qui exigea la fermeture du club. Quant à Filières, l’ancien responsable de la comptabilité de GTE, il raconte à l’enquêteur la façon illégale dont la société s’octroyait des marchés publics. Comme Henri Perle, il en avait assez des manipulations comptables en tous genres, y compris pour le club d’Agnès. Ozédam rencontre aussi Sophie Bailly, secrétaire de direction à la GTE, qui fut proche de Loisel. Un projet foireux en Corée du Nord a refroidi la jeune femme, jusqu’à là admirative envers Loisel. Cécile Pedrono fut une amie intime d’Henri Perle, à tel point qu’ils comptaient se marier. Sans l’approbation de Diane, évidemment. C’est en revenant dans la région de Roscoff et de l’Île de Batz que le détective va enfin trouver des indices capitaux… Grâce à son contexte, cette histoire dépasse le simple roman d’enquête même si le héros se prend pour Maigret. S’intéressant à un univers pour le moins sombre et corrompu, grisâtre comme du béton, il n’a rien à envier aux détectives de romans noirs. L’affaire est censée se passer voilà une vingtaine d’années. Pour autant, on peut supposer que les procédés illégaux évoqués n’ont jamais cessé, que ces méthodes malsaines sont toujours appliquées. Impossible d’assainir une activité comme le BTP, qui génère des budgets colossaux. Il est certain que le moindre intervenant dans un dossier ne crache pas sur un dessous de table, ou sur un service rendu. Arrangements occultes, détournements comptables divers, pratiques mafieuses, et conflits d’intérêts, sont probablement encore habituels, bien pires que ce que nous imaginons. Ingénieur retraité des Travaux Publics, Charles Madézo connaît les arcanes de ce monde-là, vérolé par les magouilles. Il parsème son récit d’anecdotes probablement issues de ce qu’il a observé. C’est aussi une intrigue criminelle très bien menée, avec pistes et indices, suspense et dénouement. Néanmoins, le témoignage sur ce milieu professionnel reste l’atout majeur de ce polar de belle qualité. |