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ANDREE A. MICHAUD |
Lazy BirdAux éditions SEUILVisitez leur site |
861Lectures depuisLe samedi 30 Octobre 2010
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Une lecture de |
Animateur de radio québécois, albinos, Bob Richard n’a guère d’amis, à part son chien Jeff. Il reste marqué par la mort prématurée de ses parents, quand il avait vingt ans. On lui propose une émission de nuit pour une radio du Vermont, un programme axé sur le jazz et le rock d’anthologie. Cliff Ryan, son prédécesseur, a déserté sans préavis. Pour Bob Richard, frontalier sans véritables racines, les Etats-Unis ne représentent pas un exil. “Depuis des années, je traduisais ma vie du français à l’anglais, et inversement, de même que celles des gens croisés au hasard de mes allées et venues. Plus souvent qu’autrement, j’avais l’impression d’être né dans un roman américain traduit au Québec.” C’est ainsi que le 26 juin 2007, Bob Richard s’installe à Solitary Mountain, commençant à la radio le soir même. Après quelques jours dans un motel, il loue le Blossom Cottage, dont la propriétaire est une homonyme de Rita Hayworth. Ses rares amis, il va les trouver au Dinah’s Diner. D’abord, il y a là l’aimable serveuse Georgia. Surtout, il sympathise avec Charlie Parker, autre homonyme, un sexagénaire excentrique. Une auditrice téléphone plusieurs fois durant son programme, demandant : “Play Misty for me”. Son insistance n’est pas sans rappeler à Bob Richard un film de Clint Eastwood. Des appels peut-être inquiétants. À part Charlie et le patron de la radio, l’animateur n’est entouré que de femmes. Georgia, Polly Jackson qui anime l’émission d’avant minuit, June Fisher et sa mère Vera, Sarah Cassidy. Et puis, il y a le cas de Lucy-Ann Thomas, qu’il a surnommé Lazy Bird. Mineure, la jeune fille fuit la normalité. Si elle se montre parfois agressive avec Bob Richard, celui-ci reste protecteur. Logiquement, Lazy Bird est la première qu’il soupçonne d’être l’énigmatique Misty, mais il réalise son erreur. Cassidy, le policier local, ne parait d’abord pas accorder d’importance à son histoire. Pourtant, Misty fait bientôt planer une menace sérieuse, allant même jusqu’à blesser le chien de Bob Richard, là-bas au Québec. Maigre indice, le parfum “Late Summer” est sans doute trop courrant pour identifier Misty. Ayant croisé plusieurs fois un chevreuil albinos rôdant autour de la ville, Bob Richard pourrait y voir un signe maléfique. Cliff Ryan, son prédécesseur à la radio, a disparu. Lui aussi semble avoir reçu les appels téléphoniques menaçants de Misty. Quand le policier Cassidy fait fouiller la décharge d’ordures, on y découvre le cadavre d’une femme. Puis c’est Lazy Bird qui choisit de disparaître, avant que Georgia ne démissionne du Dinah’s Diner. Cette dernière se sent aussi menacée. Insidieusement, la mort gagne du terrain à Solitary Mountain. Prise en charge par les services sociaux, Lazy Bird serait probablement à l’abri, si elle était capable de s’adapter à la situation. Bob Richard continue à chercher qui, dans son entourage, est la mystérieuse Misty… Pour aborder l’histoire, il est indispensable d’imiter le héros, de s’installer avec lui dans cette petite ville du Vermont. Car le lecteur entre dans un roman psychologique cultivant une ambiance mêlant le quotidien et l’énigme. Bob Richard apprend à connaître les personnages, insolites ou instables, qu’il est amené à croiser. Sans être précisément des marginaux, ils ont un parcours de vie singulier. Secrète par nature, la nuit fait partie du décor. Comme sur un tempo de jazz lent, on avance vers une intrigue criminelle qui ne se dessine que progressivement. Qu’on ne cherche pas une stricte enquête policière. D’ailleurs, Cassidy l’explique bien : “Le crime n’est pas toujours rationnel, Richard. Il faut parfois se laisser porter par l’incohérence de la folie pour saisir le sens du mal qui l’habite.” Néanmoins, l’aspect meurtrier reste une ligne directrice du récit. Est-il nécessaire de souligner que l’on nous propose de multiples références musicales, de John Coltrane aux Doors, en passant par plusieurs grands noms du jazz ? Le cinéma est également très présent, aux marges de ce scénario. Si ce roman est teinté d’une certaine nostalgie, c’est dans le regret que règne désormais une banalité du comportement, un manque de caractère : “Les Baby Doll et les Lolita d’aujourd’hui ne pouvaient être que des versions édulcorées de celles d’antan, des filles ne connaissant pas la véritable odeur du péché, alors que la peau des authentiques Baby Doll secrétait cette odeur à la fois acide et huileuse qui damnait les hommes.” Voilà une histoire qui, par ses diverses facettes, s’avère riche et excitante. |
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