Près de vingt ans passés dans une geôle de la prison pour femme de Rennes, et pour un crime qu’elle n’a pas commis, n’ont pas entamé la soif de justice d’Héléna Rénal, ni sa combativité. Elle est meurtrie bien sûr, mais elle n’abdique pas. Au contraire, elle crée une agence destinée à aider ceux qui sont victimes, condamnées mais innocentes. L’Agence du dernier recours a pour but de pallier les défaillances policières, cherchant et apportant les preuves d’erreurs judiciaires. Et en cinq ans, elle a réussi à huit reprises à soulager la peine de familles éplorées au grand dam et à l’exaspération du commissaire Benoiste qui n’apprécie guère ses intrusions. Elle s’est installée à Avignon et c’est là qu’une ancienne codétenue, Jessica, qui l’avait aidée durant ses années de détention lui rend visite afin qu’elle enquête sur le décès suspect d’une prisonnière qu’elles ont toutes deux côtoyée durant leur séjour en tôle. Brigitte Schmitt serait morte étouffée durant la nuit mais personne ne s’est vraiment alarmé, rien de suspect n’ayant été décelé dans cette mort, et Brigitte étant sujette à des crises d’angoisse. Jessica ne se serait pas inquiétée outre mesure sachant que Brigitte était légèrement mythomane, mais deux de ses frères, purgeant eux aussi une peine de prison, sont décédés dans des conditions pas très catholiques. Trois membres de la même famille décédant dans des conditions étranges en moins de quatre ans, cela seul suffit à Héléna pour se pencher sur ce dossier qui va vite sentir le souffre. Grâce à Serge Guérin journaliste en retraite mais qui a su garder de bons contacts, le père Schmitt est rapidement localisé. Il vit en caravane non loin d’Avignon, boit outre mesure, violente et terrorise sa compagne, n’osant pas toucher la jeune fille qui vit avec eux. Héléna arrive à apprivoiser les deux souffre-douleur et grâce à leur complicité peut avoir accès à un album photo qu’elle s’empresse de numériser. Elle tâtonne, mais elle tique devant une des photos représentant l’homme avec en arrière plan un château probablement restauré. Ses recherches aboutissent à Clergeac en Lozère et elle décide d’entrer nuitamment dans le parc en passant par une brèche. Sa retraite est plutôt mouvementée, un comité d’accueil lui réservant une désagréable surprise. Des chiens et des hommes l’attendent et elle ne sait ce qu’elle serait devenue sans le renfort providentiel d’un homme qui prend les assaillants à revers. Le lieutenant de gendarmerie David El Khaïdi est lui-même sur place car le cadavre d’un jeune homme a été découvert dans une réserve où vivent des loups. Or les premières constatations révèlent des traces indiquant que le mort n’est pas parvenu de son plein gré dans l’enclos mais y a été bousculé. Héléna et le gendarme vont unir leurs forces, leurs compétences, leur relations, leur énergie afin de non seulement démontrer le meurtre mais que celui-ci est lié au château. Cette propriété bien connue dans la région et qui abrite un centre de réinsertion pour adolescents en difficulté, principalement des drogués, et avec des résultats probants selon le Colonel qui dirige ce centre, bénéficie de protections haut placées. Ce qui n’a pas empêché trois anciens pensionnaires de décéder et leurs proches ont tenté d’intenter une action en justice. Les dossiers ont rapidement été mis sous l’éteignoir. Mais ce qu’ils vont découvrir, à force de pugnacité, sent le souffre. Ce roman, qui parfois frise la biographie, est comme un devoir de mémoire, empruntant à des événements qui se sont déroulés quelques décennies auparavant, mais ancré dans un contexte actuel. La résurgence et la présence, de plus en plus flagrantes, de l’extrême-droite, d’éléments fascistes, par actes et par paroles, grâce à des encouragements démagogiques déguisés, sont minimisées, pourtant les faits parlent d’eux-mêmes. Certains pourront penser qu’il s’agit d’une fiction grossière, d’affabulation, mais Roger Martin n’écrit rien à la légère. Fortement documenté, il mélange allègrement personnages réels et fictifs dans une histoire charpentée et pas écrite dans le sens du poil. Fidèle à ses engagements, il ne peut feindre, comme certains hommes politiques, et laisse éclater son courroux parfois avec virulence mais toujours avec justesse. Fidèle à ses amitiés, il sait placer au bon moment des noms comme Joseph Kubasiak, ou des auteurs ou artistes engagés comme Jack London, Jean Ferrat, et bien d’autres. Un excellent roman qui devrait faire réfléchir.
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