Ceux qui connaissent l’œuvre de Roger Martin retrouveront ses préoccupations dans la lutte contre la discrimination, la ségrégation, le fascisme d’hier et d’aujourd’hui, démontrant, même si on le sait déjà, que sous une soit disant démocratie, des pans entiers de l’Histoire sont soigneusement enfouis dans des archives classées secret défense et que les exhumer serait porter atteinte à une image trop belle, trop idyllique. Ceux qui ne l’ont pas encore lu découvriront un humaniste qui s’emploie à révéler des événements pas toujours reluisants de l’histoire des Etats-Unis. Et pourtant comme aime à le marteler un des protagonistes de ce roman les Etats-Unis sont le « pays le plus démocratique au monde ». Un autre balaie d’un revers de manche la question de la ségrégation et du racisme actuellement, arguant que « l’époque des troupes séparées, où les Noirs ne pouvaient être incorporés qu’au sein d’unités non combattantes, où le racisme régnait dans les camps et sur les bases militaires, est définitivement révolu. Aujourd’hui, l’armée américaine est considérée comme le corps d’Etat où l’intégration est la plus réussie. Colin Powell, t’as entendu parler ? ». C’est avouer implicitement que cela existait auparavant ? Implicitement oui, mais du bout des lèvres et ce genre de déclaration n’est pas destiné à tous, sauf pour se glorifier et user de démagogie qui ne convainc pas grand monde. Douglas Bradley a été élevé dans un cocon entre un père strict et une mère effacée entièrement dévouée aux décisions de son mari. William Bradley est directeur des ventes chez Coca Cola à Atlanta, le site historique de la marque, une sacrée promotion pour un homme d’origine noire. Douglas pourrait creuser son trou s’il le souhaite. D’ailleurs l’été il sert de guide auprès des visiteurs, un pied dans l’entreprise en quelque sorte. Mais il a une autre idée en tête : s’engager dans l’armée de l’air. Il a établi un dossier en béton, études universitaires brillantes et diplômes à l’appui. Seulement ses espérances sont balayées d’un trait de plume lorsqu’il reçoit un courrier annonçant un refus catégorique de la part des instances militaires. Il ne peut intégrer l’élite car son grand-père Robert Bradley a été pendu en terre normande, le 14 août 1944, pour une affaire de viol. Il tombe de haut. Son père l’avait emmené sur une tombe en Floride alors qu’il n’était qu’un gamin, et il se sent trompé, trahi. Un de ses professeurs lui conseille d’effectuer des recherches via un détective. Il tombe des nues. Non seulement son grand-père a bien été pendu, mais sa grand-mère vit toujours près de Tallahassee, et il a une tante, la sœur de son père, une cousine, une belle-sœur dont le mari, Jason son cousin, est décédé dans un engament de l’armée en Irak. Il décide alors de rencontrer cette famille qu’il se découvre et dont son père lui a toujours tu l’existence. Son père, bien installé socialement, est raciste, ne considérant ses frères de couleur que comme des êtres inférieurs. Aussi lorsque Douglas arrive à Havana près de Tallahassee, en Floride, il regarde d’un air supérieur les Noirs, lui qui appartient à une caste supérieure. Mais il va devoir réviser ses jugements. Sa grand-mère est mourante à l’hôpital. Il est reçu à bras ouverts par cette famille pauvre et accueillante. Rosa lui confie des documents importants concernant son grand-père. Des documents qui l’amènent à se poser de nombreuses questions et à effectuer des recherches. Personne ne croit à la thèse officielle du viol. Ses recherches l’entraînent à Pittsburg où il rencontre un ancien aumônier qui lui donne un carnet écrit son grand-père peu avant sa mort par pendaison. Regrettant de ne pas avoir enregistré leur conversation, il retourne le lendemain sur place, mais le vieux curé est décédé. Muni de quelques renseignements, Douglas décide de couper les ponts avec son père, provisoirement pense-t-il, et possédant quelques fonds provenant de ses travaux estivaux, il s’envole pour la France. Le Havre et ses environs, le cimetière américain de Fère en Tardenois dans l’Aisne, puis jusque dans les Ardennes belges. Mais cette remontée du temps est contrôlée par deux hommes attachés à la D.I.A., la Defense Intelligence Agency. Et afin de déterrer la vérité, il lui faudra faire preuve de courage, d’initiatives, d’une certaine dose aussi de naïveté pour contrer les attaques dont il est l’objet et déjouer les poursuites. Ce roman est aussi une sorte de document sur la déségrégation amorcée, sur la campagne d’Espagne avec les deux divisions américaines non officielles qui comportaient aussi bien Blancs et Noirs côte à côte, sur les agissements de la Croix Rouge refusant les dons du sang des Noirs. C’est un réquisitoire envers l’armée américaine qui justifie le surnom donné en France à l’armée de Grande Muette, dénonçant le combat récurrent contre les communistes ou supposés tels, l’ostracisme permanent qui sévit toujours car malgré les interdictions le K.K.K. est toujours bien vivant. On notera au passage le clin d’œil de Roger Martin à des auteurs français comme Noël Simsolo, écrivain, cinéaste et critique, Gilles Morris connu également sous le nom de Gilles Maurice Dumoulin, romancier qui fut tout jeune télégraphiste au camp Phillip Morris au Havre, ou encore Patrick Giovine, membre éminent de l’association Les Amis de San Antonio et qui a écrit quelques romans. Les figures de John Berry, l’acteur et le réalisateur, de Myriam Boyer, l’actrice et comédienne française qui fut durant vingt cinq ans sa compagne, Robert Finnegan et quelques autres parsèment ce roman. Un ouvrage à lire afin de mieux comprendre les dessous pas vraiment glorieux d’une institution militaire qui se targue d’être le défenseur de la démocratie et de la liberté dans le monde.
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