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J.ERIC MILLER |
DécompositionAux éditions 10/18Visitez leur site |
1382Lectures depuisLe jeudi 13 Mai 2010
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Une lecture de |
Elle a environ vingt-cinq ans. Elle conduit une Ford Mustang. Comme beaucoup de gens, elle fuit La Nouvelle-Orléans menacée par l’ouragan. Direction le nord et l’ouest, vers Seattle. C’est là-bas qu’elle espère retrouver George, son ancien amant, un type bien avec lequel elle peut prendre un nouveau départ. Dans le coffre de la Mustang, elle transporte le cadavre de son amant actuel, Jack. Elle l’a assassiné la veille. Peut-être est-elle encore sous son emprise, car elle ne parvient pas à se séparer du corps. En quittant brusquement George pour Jack, elle croyait avoir trouvé le prince charmant. Celui qui lui ferait oublier le passé, ses parents et la mort de son petit enfant, Danny Boy. Écrivain et enseignant, Jack avait l’arrogance de ceux qui se pensent supérieur. Pour le sexe, il était toujours prêt. Ça ne lui déplaisait pas à elle. Là encore, ses exigences cyniques allait loin dans la dépravation. Ave lui, ce ne fut pas le conte de fée attendu. Dans une station-service, elle entreprend de libérer les poules convoyées dans un camion. Les conséquences sont cataclysmiques. Elle recueille une des volailles, qu’elle baptise Petite Poule. Elle explique sa situation à cette compagne de voyage, qui parait l’écouter. Puis elle fantasme sur un beau flic de la route, qui a l’air d’apprécier la beauté de la jeune femme. Il ne tarde pas à la contrôler pour excès de vitesse. Elle l’imagine homosexuel, et le plaint. Tout en roulant, les souvenirs de Jack et de George lui occupent l’esprit. Elle finit par s’assoupir au volant, embourbe sa voiture, mais parvient à poursuivre son voyage. Elle fait une pause dans un motel. C’est là qu’elle va devoir se séparer de Petite Poule. Quant à se reposer, dormir sans avoir fait l’amour avant, impossible pour elle. De temps à autre, elle ouvre le coffre, vérifiant la rigor mortis de Jack. L’odeur du corps devient forte, mais un peu de déodorant masque la puanteur. Elle trouve le moyen de réparer l’œil de Jack, qui a été picoré par Petite Poule. Elle s’aperçoit qu’elle passe non loin de chez ses parents. Elle n’a aucune envie de les revoir. Néanmoins, elle y retourne comme pour tourner la page. Ça ne pouvait pas finir autrement que par une dispute, évidemment. Quand arrive le troisième jour du voyage, elle se trouve aux abords d’un lac. Si le destin les a conduits là, c’est sans doute pour qu’elle jette son amant dans l’eau. Pourtant, elle y renonce : “Le lac semble si calme et si beau, et Jack est sale et infect. Je ne crois pas qu’il soit bon de les mettre en rapport.” Elle doit sembler pitoyable aux gens qui la croisent, car un homme lui offre un sandwich et un peu d’argent. “J’ai un peu le tournis, sans doute à cause de l’odeur et de l’altitude. Du manque de sommeil et de tous ces kilomètres” se dit-elle. Malgré tout, elle continue son trajet, rêvant encore de rejoindre George… Une road-story conduisant sagement les lecteurs du point de départ à l’arrivée ne serait guère palpitante. Logiquement, notre héroïne traverse bon nombre de mésaventures, sans se départir de son candide optimisme : “Certes, je suis un peu sale. Certes, je suis fatiguée (…) Mon petit ami est dans le coffre de ma voiture alors qu’il devrait être enterré. Tout ça est vrai. Et alors ? Je me regarde dans le miroir, avec ma robe neuve qui dévoile mes jambes et accentue ma taille et mes seins, et je me trouve à nouveau jolie. Je sais que ce voyage va être pénible, mais je vais y arriver. Je ne sais même pas où habite George exactement, mais je le trouverai.” Puisque selon elle, tout se répare, son conte de fée prendra forcément la bonne tournure. Entre-temps, elle ne se prive pas d’évoquer, avec excitation et en détail, ses relations sexuelles très chaudes avec le défunt Jack. On sourit énormément à la lecture de son histoire. On le fait sans moquerie, car cette pauvre fille larguée est pathétique. Assez déjantée aussi, interprétant le monde à sa manière. Juste à côté de la réalité, en somme. Sur un tempo vif, le récit s’avère captivant, enthousiasmant. Magnifique roman. |