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KARINE LEBERT |
Les Amants De L’été 44Aux éditions PRESSES DE LA CITEVisitez leur site |
845Lectures depuisLe jeudi 28 Juin 2018
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Une lecture de |
Collection Terres de France. Parution 15 mars 2018. 368 pages. 20,50€ ISBN : 978-2258150812 Les vaches rousses, blanches et noires Sur lesquelles tombe la pluie Et les cerisiers blancs made in Normandie… Suite au décès prématuré de sa mère, de maladie probablement car elle était dépressive et un décès par un excès de médicaments n’est pas inenvisageable, Gemma Harper est fort étonnée d’apprendre que sa grand-mère était Française, Normande de surcroit. Gemma est à trente ans directrice du service commerciale de l’entreprise familiale dont l’activité principale réside en la vente de produits alimentaires. Ses frères occupent eux aussi des postes de responsabilité, placés sous la coupe de leur père, un sexagénaire intransigeant. Quelques jours plus tard, Gemma reçoit une enveloppe émanant d’un détective privé. Il lui précise qu’il a enquêté sur les origines de Lauren, la mère décédée, à sa demande et qu’elle serait elle-même la fille d’une Normande dont la trace a disparu. Gemma prend rendez-vous avec le détective, dans un quartier populaire qu’elle découvre, et elle se retrouve en possession de quelques documents qui l’incitent à partir sur place à la découverte de ses ancêtres maternels. Elle décide donc de se rendre en Normandie à la recherche d’une famille Lemonnier, patronyme courant dans cette province, et après quelques laborieuses démarches arrive enfin à Pont-l’Evêque où résident encore Gilles, un frère de sa grand-mère Philippine et ses enfants. Ils vivent dans un manoir, habitation aussi répandue dans la vallée d’Auge que les châteaux dans le Bordelais, et tiennent une ferme, fabriquant beurre et fromages ainsi que cidre et Calvados. Gemma a décidé de s’installer dans une chambre d’hôtel à Deauville, ce qui va lui permettre de sillonner la région. Autant profiter de ses vacances tout en effectuant ses recherches. Si elle n’obtient aucun renseignement de la part de son grand-oncle Gilles, elle trouve du soutien auprès de son cousin Lucas qui va l’aider, lui suggérant quelques pistes ou personnes susceptibles de l’aider. Et c’est ainsi que Gemma va se rendre de Pont-l’Evêque au Havre, à Barfleur ou encore Etretat. Malgré les remontrances et mises en garde de son père, d’autant qu’il n’accepte pas la proposition de Gemma de prospecter pour l’importation de produits français.
Si la narration consacrée à Gemma est rédigée à la troisième personne, celle concernant Philippine l’est à la première personne. Philippine narre comment elle a fait la connaissance d’Ethan, un soldat américain originaire de la Louisiane, un cajun qui s’exprime en français et dont elle tombe amoureuse. Tout commence quand tout devrait finir, en août 1944, à Pont-l’Evêque, petite ville de la vallée d’Auge que les Allemands quittent peu à peu sans lâcher le morceau. Les soldats américains s’installent, et l’un d’eux pensant avoir affaire à un soldat allemand abat Olivier, le frère de Philippine. Les Américains s’érigent en nouveaux envahisseurs, et la mort d’Olivier n’arrange rien. Et tandis que leurs cantines sont pleines d’aliments, les Français se plaignent, manquant de beurre, de pain, de viande, de charcuterie, de charbon. J’ai lu dans Le Pays d’Auge le témoignage d’une Rouennaise disant qu’elle souffre davantage de la faim aujourd’hui que durant l’Occupation. Pourtant elle désire se marier avec Ethan, et ils se rencontrent en cachette, un camp américain étant installé sur leurs terres. Elle va même se marier avec lui contre l’avis de ses parents, mais en attendant sa majorité. C’est ainsi qu’elle va nous raconter ses pérégrinations, ses désillusions, ses attentes, son mariage, son passage à Gonfreville-l’Orcher ou camp Philip Morris, l’un des fameux camps-cigarette américains, en tant que War-bride, puis son départ en compagnie de quelques autres femmes vers New-York. Un destin ignoré que celui des War-brides, ces jeunes femmes mariées avec des militaires américains, et qui pour la plupart ont été déçues et sont revenues en France. Elles avaient été attirées par ces jeunes hommes qui offraient à satiété cigarettes, plaquettes de chocolat, chewing-gum et surtout des bas nylons. Mais ce qu’elles ignoraient, ou feignaient d’ignorer, c’étaient les différences religieuses, et ce n’était pas au mâle de céder. Avec sobriété Karine Lebert nous conte une page d’histoire, souvent méconnue, passée sous silence, oubliée, alors que resurgissent de temps à autre celle des femmes frayant avec des soldats allemands, ayant eu parfois des enfants, et qui ont eu la tête rasée à la fin de la guerre, souvent par des Résistants de la dernière heure. Pourtant dans certaines régions françaises, et notamment en Normandie, le Débarquement ne s’est pas toujours déroulé dans la joie et la bonne humeur. Si des viols ont été commis, souvent la faute en a été rejetée sur les Noirs. Mais la vérité est qu’ils étaient mis en marge de la soldatesque américaine, et qu’ils n’ont pas été les seuls fautifs ou coupables. Et Le racisme, qui n’était pas en France tel qu’on le connait aujourd’hui, était beaucoup plus prégnant chez les Alliés américains. Ceci n’est pas une autre histoire, cela fait partie de l’histoire de l’humanité. Une double histoire qui mêle aujourd’hui, enfin l’année 2000, et hier, 1944-1945, émouvante, au travers de la vie de deux femmes qui s’érigeaient en maîtresses-femmes, courageuses, n’hésitant pas à braver le danger et les interdits. Mais c’est également une réflexion sur les échanges commerciaux franco-américains, un fromager refusant, à raison de changer la méthode d’affinage des produits normands au seul prétexte qu’ils n’entrent pas dans l’optique américaine sur l’hygiène alimentaire, mais ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Malheureusement, j’ai été déçu de ne pouvoir au bout de cette saga car l’épilogue se clôt avec la mention Fin du premier volume, alors qu’il n’était spécifié nulle part que ce livre constituait le premier élément d’un feuilleton historique. Et maintenant j’attends la suite avec impatience, et je pense ne pas être le seul. J’ai toutefois relevé un petit bémol : en l’an 2000, l’on ne s’exprimait pas encore en euro, et une chambre 3 épis à Barfleur à 95 € la nuit, cela me semble un peu cher et loin de la réalité, alors qu’en 2018, on en trouve en 2018, à Gatteville-le-phare, tout près de Barfleur, pour 60 €. |
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