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IAIN LEVISON |
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939Lectures depuisLe mardi 10 Avril 2018
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Une lecture de |
De nos jours, le septuagénaire Mike Fremantle est directeur de la police de Kearns, une ville du Michigan. Policier depuis quarante ans, il a obtenu ce poste voilà une vingtaine d’années. Fremantle est marié à Cara, d’origine vietnamienne, âgée de cinquante-sept ans. S’il l’a épousée, cela n’a rien à voir avec le fait qu’il ait été sergent durant la Guerre du Vietnam, c’était juste une question d’affinités. Il lui arrive de repenser à l’époque où il était combattant, mais ça remonte à quarante-sept ans et il n’a pas vraiment gardé de contacts avec les vétérans du Vietnam. Fremantle n’est pas pressé de prendre sa retraite, d’autant qu’il est assisté de bons enquêteurs. Un jour, il reçoit la visite du directeur de campagne de Wilson Drake, sénateur du Nouveau-Mexique âgé de soixante-six ans, qui désire être réélu. Il a un problème, que Fremantle peut l’aider à résoudre. L’ancien sergent se souvient fort bien de Billy Drake. À son arrivée dans sa section, il était assez maladroit, mais il se montra finalement à peu près à la hauteur. D’ailleurs, Drake fut récompensé par la médaille Purple Heart, pour acte de bravoure. Lors d’un discours face à des vétérans du Vietnam, Drake a évoqué un épisode de l’époque, se targuant d’avoir tué un ennemi. En fait, c’est Fremantle qui l’a abattu. Sur Internet, un soldat de leur section conteste le fait d’armes de Drake. Bien qu’il déteste plus que tout le mensonge, Fremantle accepte de se rendre à Santa Fe pour corroborer la version du sénateur. Après tout, ce n’est qu’une petite entorse à la vérité. Et puis, l’émissaire de Drake lui a promis que ses services de police bénéficieraient de budgets supplémentaires, dont ils ont bien besoin. Au Nouveau-Mexique, Fremantle enregistre une vidéo confirmant la version de Drake. Mais un autre ancien soldat accuse à son tour le sénateur de mentir. Comment peut-on lui accorder du crédit, alors qu’il s’agit d’un criminel emprisonné ? Au Vietnam, il présentait déjà des signes de déséquilibre, allant jusqu’à tuer un couple de civils. Néanmoins, il obtint une médaille, lui aussi. À cause de ce témoignage pas fiable du tout, la Purple Heart du sénateur Drake risque maintenant d’être remise en question. Devant des journalistes sérieux, Fremantle présente la "meilleure version" de tous ces faits. Mais l’adversaire de Drake a le soutien de l’ex-lieutenant Gage, ancien supérieur du sergent Fremantle. Ces deux-là se détestaient cordialement, car le lieutenant n’avait rien d’un baroudeur. Aux yeux de Mike Fremantle, l’affaire devrait s’arrêter là. Beaucoup trop d’agitation pour gagner ou perdre quelques votants, peu significatifs du corps électoral. De retour à Kearns, il ferait mieux d’enquêter avec ses assistants sur un meurtre tout frais. Fremantle est désormais plus impliqué qu’il n’est raisonnable dans la campagne de Drake, et certaines rumeurs risquent fort de lui causer grand tort… (Extrait) “Ces histoires ne signifient rien, elles ne répondent à aucune question, ne prouvent rien, ne s’insèrent dans rien. Et ce sont les seules dont Billy Drake se souvienne. C’est pourquoi si quelqu’un l’interroge à propos du Vietnam, il ment. Il indique toujours la bonne unité et le bon endroit, parce qu’il sait que ces crétins de la presse chercheront les archives du Ministère de la Défense sur Internet pour essayer de le prendre en défaut. Alors, il cite l’unité et fabrique des histoires qui finissent toujours drôlement ou héroïquement, et restent assez vagues pour ne pas être vérifiables et juste assez ennuyeuses pour n’inciter personne à se donner le mal de vérifier […] Les gens de la presse sont des animaux imprévisibles, avec une tendance manifeste au masochisme. Parfois vous leur dites d’aller se faire foutre, et ils parlent alors de votre courage pour vous être opposés à eux.” Policier chevronné, Fremantle n’aime pas les menteurs : “Il ne juge pas les gens pour les actes qui les font échouer dans une salle d’interrogatoire, mais pour les mensonges qu’ils lui racontent. Si vous devez être questionné par la police, mettez un peu de réflexion dans vos réponses, n’essayez pas de nous embarquer dans votre univers de mensonge.” Et pourtant, c’est ce qui va lui arriver. Ce n’est pas tant pour goûter aux privilèges liés au pouvoir, voire pour obtenir des budgets, qu’il confirme un petit mensonge. Mais parce qu’il garde le souvenir de Billy Drake comme d’un type correct, sans s’apercevoir qu’une longue carrière politique a pu changer le personnage qu’il a connu. Sans réaliser non plus que tous les coups sont permis lors d’une campagne électorale. Le mérite de Iain Levison, dont on connaît l’humour ravageur et subtil, c’est de dessiner l’engrenage sans exagérément en dramatiser le déroulement. À soixante-et-onze ans, âge de Fremantle, on a la capacité de faire face à des situations de crise. Malgré tout, c’est dans un bain d’hypocrisie qu’il s’est jeté. On peut compter sur l’auteur pour dénoncer avec ironie les conditions du jeu politique. Il suggère encore qu’avec Internet, personne n’est plus vraiment anonyme. Mais Levison sait aussi nous décrire les facettes humaines des protagonistes. L’harmonie du couple Fremantle, par exemple. Et les souvenirs de l’ancien sergent, dressant un portait plus juste de certains "témoins". C’est un roman, une fiction, mais que l’on sent terriblement proche de la réalité. Excellente histoire, ça va sans dire. |
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