ils ont voulu nous civiliser de Marin LEDUN


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MARIN LEDUN

Ils Ont Voulu Nous Civiliser


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Le mercredi 1 Novembre 2017

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Marin LEDUN




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

La côte landaise, entre l’Atlantique et les forêts de pins. C’est dans ce décor que végète le jeune Thomas Ferrer, vivotant de combines et de maigres larcins. Ayant généralement les poches vides, il vole des volailles et récupère çà et là du matériel, revendant tout ce qu’il peut au nommé Baxter. Ce dernier est un surfeur passionné, qui fournit des équipements aux pratiquants de son sport, tout en négociant les butins que Ferrer lui apporte. Avec ses complices Corral et Villeneuve, frères de rapines, ils commettent ponctuellement quelques braquages assez lucratifs, aussi. Cent douze mille Euros cachés chez Baxter, tel est le bénéfice de leurs derniers exploits, un pactole qu’ils ne tarderont pas à partager.

La tempête qui arrive s’annonce dévastatrice. Ce jour-là, quand Ferrer apporte ce qu’il vient de dérober chez Baxter, celui-ci se montre une fois de plus très radin. Sur un coup de colère meurtrier, Ferrer tue le surfeur. Du moins, le croit-il. Car Baxter ne va pas tarder à vouloir récupérer son paquet de billets de banque. Ses comparses Corral et Villeneuve sont non seulement furieux, mais peuvent le soupçonner de vouloir les doubler. Ces deux-là sont de vrais durs, qui n’hésiteront pas un instant à se servir de leurs armes. Rien à négocier avec des types pareils, Ferrer en est conscient. C’est pourquoi, alors que la tempête commence à forcir, il s’empresse de disparaître dans les pinèdes avec leur fric.

Ce vieux bûcheron s’appelle Pécastaings. Toutefois, il y a belle lurette que c’est le surnom "Alezan" qui lui colle à la peau. Ça remonte à l’Algérie, car il y fut militaire au milieu des années 1950. Il en a gardé de nombreux souvenirs, mauvais pour la plupart, dont une histoire d’amour impossible. La guerre et la mort restent ancrés dans son esprit, ce qui entretient en lui une forme de peur chronique. C’est pourquoi ce vieil aigri solitaire affiche une détestation absolue contre tout, une haine de ce monde hostile peuplé d’ennemis. En revanche, cette tempête destructrice qui va balayer la région, ça lui plairait plutôt. Parce que lui, il s’y est préparé, pensant n’avoir rien à craindre dans sa propriété.

C’est chez Alezan que, au hasard de sa fuite, Thomas Ferrer va trouver refuge. N’étant pas le bienvenu, le jeune homme doit expliquer sa situation critique au vieux bonhomme. Résister à une poignée de racailles, l’idée n’est pas pour déplaire à Alezan. À l’extérieur, sous les éléments qui se déchaînent, le trio de truands — dont l’un est sévèrement blessé — n’est d’ailleurs pas dans une position enviable. De leur côté, pas de plan d’attaque, c’est l’improvisation qui prime. Quitte à utiliser les moyens du bord, appartenant à Alezan. Bien que retranchés dans la maison, et même si Ferrer craint un assaut, le vieux bûcheron ne perd pas sa hargne. Car la guerre, c’est ce qui l’habite depuis si longtemps…

(Extrait) “Ferrer comprit que le vieux savait exactement ce qu’il faisait. Il tira sur ses liens avec frénésie quand la façade de la grange s’illumina subitement. Le vieux, qui était en train de refermer le lourd portail à clef, fit volte-face et dirigea son arme vers un point situé en dehors du champ de vision de Ferrer. Il y eut des cris, déformés par le vent. Des coups de feu éclatèrent, des balles vinrent se ficher dans le bois de la porte, juste au-dessus de la tête du vieux qui tira une première fois, s’accroupit, parcourut une dizaine de mètres en courant dans cette position, déchargea à nouveau sans perdre son sang-froid et s’engouffra finalement à l’intérieur de la cuisine. Ferrer entraperçut la silhouette trapue de Corral, arme au poing, juste avant que le vieil homme referme le volet pour les protéger de la salve suivante. La vitre de l’ouverture située près du plan de travail vola en éclats.”

Voilà un roman diablement percutant qui réunit deux atouts forts, l’action et le suspense. Sa vivacité ne peut que séduire les lecteurs de polars, c’est évident. Maintes fois exploité, le sujet ne prétend pas à la nouveauté. Mais Marin Ledun fait partie des auteurs sachant impulser une tonalité particulière aux histoires qu’il propose. Le portrait des protagonistes est d’une grande importance. Par exemple, s’il apparaît sympathique, Thomas Ferrer n’est à aucun point de vue un héros courageux. On ne peut pas dire qu’il assume son dilettantisme, qu’il cherche à améliorer son sort. Quant à ses "amis" du banditisme, il s’agit de jusqu’au-boutistes, aveuglés qu’ils sont par l’argent qu’il leur a volé.

Le personnage le plus intéressant, c’est le vieux bûcheron Alezan. Déplaisante au possible, l’impression initiale le concernant va évoluer, se nuancer subtilement. L’auteur n’oublie pas de soigner le contexte, en évoquant une de ces tempêtes causant tant de dégâts sur le littoral. Événement climatique spectaculaire, mais extrêmement dangereux et dévastateur. Si l’intrigue criminelle est le moteur du récit, Marin Ledun ne se prive pas d’exprimer un regard sur la société actuelle, autant qu’à travers des faits historiques. On est là dans la belle tradition du polar noir, avec un romancier confirmant son talent à chaque titre depuis une dizaine d’années.

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