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MICHEL LEBRUN |
Sex-votoAux éditions PRESSES DE LA CITEVisitez leur site |
3415Lectures depuisLe samedi 10 Juillet 2016
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Une lecture de |
Parution 1er trimestre 1975. 254 pages. Hommage à Michel Lebrun décédé le 20 juin 1996. En 1939, dans Esquisse d'une psychologie de cinéma, André Malraux concluait : Par ailleurs le cinéma est une industrie. Cela a-t-il vraiment changé ? Pour Michel Lebrun, en 1975, cette affirmation était toujours de mise. Et pourtant, Simon Malaterre, producteur, est à la recherche d'une forme d'esthétisme dans le cinéma qu'il finance. De l'art et d'essai plutôt que de lard et d'essais. Il prône un cinéma moralisateur, vertueux, et a même l'intention de réaliser un film ambitieux sur sainte Thérèse de Lisieux. Seulement il n'a que les yeux pour pleurer car il lui manque une grande partie du financement. Pourtant il a déjà prévu des grandes vedettes pour participer à ce film. Marlène Jobert et Charles Bronson dans les rôles principaux. Il ne leur pas demandé leur avis, mais il est persuadé qu'ils ne manqueront pas de signer à l'annonce d'un tel projet. Seulement il faut de l'argent, car la vedette coûte cher, n'est-ce pas Mère Denis ? Des retombées sur des films précédents sont promises à condition de commencer un nouveau tournage avant les trois mois. Il y aurait bien une solution, demander aux collaborateurs, le metteur en scène et l'auteur, de différer leurs défraiements, mais ils sont égoïstes. Ils refusent. Et Simon Malaterre est vraiment en colère, lui qui peut se vanter d'avoir obtenu un Oscar, le Grand Prix de l'Office Catholique du Cinéma, et quelques autres trophées prestigieux. Et il ne peut s'empêcher de vitupérer contre les pratiques administratives.
Je vais donner un coup de semonce à tous ces fossoyeurs. Je vais pondre un article soigné que je ferai passer dans le Cinémato. Nous allons reprendre la liste de tous ces films merdiques qui ont obtenu des avances sur scenario et des primes à la qualité, ça fait toujours rire. Puis je vais parler de mon projet, et leur mettre le nez dans leur caca. L'Etat subventionne des films contestataires, scatologiques, voire pornographiques comme La grande bouffe et autres saloperies, et quand un producteur entre mille ose préparer une vie de Sainte-Thérèse, on lui rit au nez !
Un repas d'affaires en compagnie d'un autre producteur spécialisé dans des films Q, devenus X, tourne au vinaigre. L'homme veut bien lui prêter de l'argent mais à condition que Malaterre se tourne vers des films moins cultes et plus cul. Malaterre refuse et s'obstine, ce qui fait que les ponts sont coupés entre les deux hommes, et les fonds aussi. Si Malaterre manque d'argent, il n'est pas dénué de ressources et d'idées. D'abord confier le nouveau scénario à un ami, qui grenouille dans les Lettres, même s'il n'a jamais écrit pour le cinéma, et comme il lui a sauvé la vie, quelques décennies auparavant, de le pistonner auprès de la commission qui attribue les aides à la création. Après tout cet ami est membre de cette commission, alors un petit coup de pouce de sa part, ce serait un juste retour des choses. Seulement, outre ses problèmes financiers, Malaterre connait quelques désagréments à cause de l'attitude de sa fille. Et acculé, il acceptera, à contrecœur de tourner un film, dérivé de Sainte Thérèse et le monde interlope, dans lequel les scènes de sexe seront simulées. Les attributs masculins n'apparaitront pas à l'écran. Bref un film avec une introduction, un développement et une conclusion. Seulement, les scènes dites osées, explicites, seront réservées pour la revente du film à l'étranger, afin de satisfaire à des exigences provenant de pays qui ne rechignent pas à admirer la beauté de jeunes hommes et filles batifolant ensemble.
C'est bien l'hypocrisie cinématographique que Michel Lebrun dénonce ici avec humour, ironie et causticité dans une trame policière. Il suffit qu'un film soit catalogué comme un véritable chef d'œuvre pour qu'il soit encensé et que le réalisateur peut tout se permettre. Les Galettes de Pont-Aven, Les Valseuses et plus tard 37.2 le matin ou encore L'amant bénéficient d'une aimable tolérance, tandis que les films catalogués X sont relégués dans des salles dont la réputation en pâtit. Michel Lebrun connaissait bien le monde du cinéma et de la télévision, ayant œuvré comme scénariste ou dialoguiste pour des films impérissables tels que Estouffade à la Caraïbe, Ces dames s'en mêlent, La dernière bourrée à Paris, Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais... elle cause !, La tête du client... et pour la télévision quelques épisodes de la Série Les cinq dernières minutes ainsi que pour Le sang des Atrides. Alors ce microcosme du cinéma, Michel Lebrun le écrit avec réalisme et humour féroce, car le dieu Argent règne en maître et que sans lui, opérateurs du son, éclairagistes, cameramen, metteurs en scène et acteurs ne pourraient vivre. Seulement pour réaliser un film, il faut accepter quelques compromissions.
Mon problème est un problème d'éthique. Durant toute ma carrière, j'ai réussi, seul sur la place de Paris à garder mon nez propre. Je n'ai jamais un film pour gagner de l'argent facilement en flattant les goûts du public, et cette politique s'est avérée payante sur la longueur. Je me sens avili, crasseux, d'entrer dans le système, dans l'épicerie. |
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