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IAIN LEVISON |
Arrêtez-moi Là !Aux éditions LIANA LEVIVisitez leur site |
1043Lectures depuisLe mardi 29 Decembre 2015
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Une lecture de |
Ça fait onze ans que Jeff Sutton est chauffeur de taxi à Dallas. Âgé de trente-six ans, il est un des rares Américains bancs employés par la compagnie Dillon. Lors d'une journée de repos, il reçoit la visite intrusive de trois policiers. Bien qu'il n'y comprenne rien, Jeff est bientôt menotté et transféré au poste de police de Westboro, quartier chic des environs. Fiché pour un vieil incident sans importance, il est accusé de l'enlèvement d'une gamine de douze ans, Gara Worth. Il a effectivement conduit la mère de cette collégienne à son domicile, la veille. On a trouvé les empreintes de Jeff sur une fenêtre chez cette cliente. Une explication pourtant rationnelle ne suffit pas : les enquêteurs sont convaincus d'avoir arrêté le coupable. Les médias adoptent immédiatement la version des policiers. Jeff Sutton est placé en détention sans délai. Le lendemain, l'avocat commis d'office ne lui paraît nullement motivé, n'évitant pas son inculpation. Devant les caméras de télé, la mère de la kidnappée provoque un esclandre. Présomption supplémentaire de culpabilité pour Jeff. Il est enfermé dans le Couloir de la mort à la prison, afin de ne pas être mêlé aux criminels et délinquants ordinaires. Au parloir, il rencontre un inspecteur noir de la police de Waco, Larry Watson. Celui-ci a un autre suspect, Vernon Brightwell. Mais il est conscient que ses collègues bornés de Westboro ne suivront pas cette piste. Pour le reste, rares sont les discussions entre les quelques détenus du Couloir. Éviter tout affrontement est préférable, Jeff ne l'ignore pas. Robert, psychopathe dénué du moindre remord, est son principal interlocuteur. Un homme à l'allure normale, plutôt attachant et clairvoyant, tant qu'on ne l'appelle pas Bob. Quand Jeff est hospitalisé pour une appendicite aiguë, il ne cherche pas à tricher pour rester plus longtemps loin de la prison. À son retour, l'avocat négocie un arrangement. Impossible, puisque Jeff n'est pas en mesure de dire où est la jeune victime. Si la Dr Comming est une séduisante psychologue, Jeff n'est pas sûr de pouvoir lui faire totalement confiance. Après dix mois de détention, le procès va commencer. L'avocat n'a pas retrouvé les étudiantes qui auraient pu expliquer une partie de l'affaire. Peu de témoins en faveur de la défense, tandis que l'accusation en présente deux, pourtant des repris de justice. Dans son costume ayant appartenu à un condamné qui a été exécuté, Jeff n'a plus guère d'espoir. Même s'il est avéré que, pour le policier qui l'a arrêté, c'était sa première enquête criminelle, qu'il était inexpérimenté. Les jurés ne lui semble pas bienveillants, non plus. La police de Waco reste favorable à Jeff. L'inspecteur Watson vient d'ailleurs témoigner, mais ne paraît pas convaincre. Suit une longue délibération du jury, qui finalement condamne l'accusé. Jeff ne peut qu'espérer un miracle, un improbable rebondissement pour ne pas retourner dans le Couloir de la mort… Ce roman extrêmement vivant de Iain Levison a connu un beau succès depuis sa sortie en 2011. C'est largement mérité, car l'auteur nous fait partager (par un récit à la première personne) les épreuves traversées par le chauffeur de taxi Jeff Sutton. Une exploration du système judiciaire et carcéral américain, ainsi que des dérives policières lors d'enquêtes. On montre ici comment, lors d'un débat-télé, la censure s'opère dès que la police est tant soit peu mise en cause. Ce livre est dédié à la mémoire de Richard Ricci, mort des suites d'incarcération, soupçonné à tort de l'enlèvement d'Elizabeth Smart âgée de quatorze ans. L'auteur nous décrit les conditions d'emprisonnement, avec les chaînes aux pieds, les cages du Couloir de la mort, la nourriture infecte, et de rares gardiens compatissants. C'est Robert, le psychopathe, qui évoque le mieux toute l'hypocrisie judiciaire : “Au cours de l'audience qui a fixé ma peine, mon avocat et la juge ont décidé d'un commun accord que je devais présenter mes excuses aux familles des victimes. Que je devais les écouter me raconter pendant deux heures que les gens que j'avais tués étaient merveilleux, et ensuite lire une déclaration disant combien je regrettais… La juge avait entendu trois experts psychiatres affirmer que j'étais incapable de remords, et elle venait me demander d'exprimer mes regrets par écrit… Mes victimes étaient un tas de merdes exigeantes, collantes et cupides. Et elles n'auraient donné leur chemise à personne. La plupart n'auraient pas filé dix cents à un mendiant… Tout ça c'est des connerie. C'est un spectacle.” Réalisme et humour caustique vont de pair dans cet excellent roman, qu'on dévore avec passion. À noter la sortie au cinéma le 6 janvier 2016 du film de Gilles Bannier, avec Reda Kateb, Léa Drucker, Gilles Cohen, Erika Sainte, Stéphanie Murat, adapté d'après ce roman. L'action se passe en France, à Nice. Reda Kateb incarne Samson Cazalet, un coupable idéal détruit en toute bonne conscience par les dérives de la justice. |
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