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FREDERIC LENORMAND |
Élémentaire, Mon Cher Voltaire !Aux éditions JCLATTESVisitez leur site |
1462Lectures depuisLe samedi 31 Janvier 2015
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Une lecture de |
En cette année 1734, Voltaire va avoir quarante ans. Son ouvrage “Lettres Philosophiques” a été condamné par les autorités royales. Il a été contraint de se réfugier au château de Cirey, dans le duché de Lorraine, chez son amie Émilie du Châtelet. Malgré les mirabelles et la cuisine locale, Voltaire s'ennuie de Paris où il est banni. Il y retourne clandestinement afin de retrouver Émilie, avant qu'elle se laisse séduire par Maupertuis, savant en vogue. Quand il arrive chez la marquise, le cadavre empoisonné d'une soubrette vient de sortir d'un placard de cuisine. Ni Maupertuis, ni Voltaire n'ont vraiment de solution, car l'alerte a été donnée. Sollicitée par le lieutenant général de police Hérault, Émilie du Châtelet joue la comédie de l'ignorance. Une noble dame n'a pas à se préoccuper d'une simple servante, que diable ! Si René Hérault poursuit l'interrogatoire dans ses bureaux, ce n'est pas qu'il la suspecte, mais parce qu'il est sous le charme incontesté d'Émilie. Voltaire a bien vite quitté la demeure de la marquise, retournant à son ancien domicile. Non pas qu'il compte sur l'assistance du couple Dumoulin, ses logeurs chafouins. Mais l'aide du gros abbé Linant, son ancien secrétaire prisonnier dans leur grenier, peut s'avérer utile. Encore qu'il pense davantage à s'empiffrer. Voltaire va successivement se faire engager chez l'écrivain Montesquieu puis chez l'épistolière Mme du Deffand, profitant que tous deux soient bigleux. Il ne profitera guère de l'hospitalité du comte d'Argental, fera quelques dépenses au frais de Maupertuis, avant de s'installer chez des nonnes. S'il doit se grimer, c'est facile pour ce Fregoli avant l'heure qui pense posséder “les plus belles fesses de la littérature française.” Quoi qu'il en soit, Voltaire doit garder un œil sur sa belle Émilie, invitée à résider chez Hérault, tout en menant son enquête. La jolie marquise n'aurait jamais dû recevoir cette luxueuse “maison de poupée”, décorée avec soin, garnie de petits personnages. Le service de surveillance du courrier a mal dirigé ce précieux objet. Avec la bénédiction du lieutenant général Hérault, Voltaire se renseigne chez une modiste malgracieuse, puis chez l'artisan qui fabriqua cette merveille de jouet. Restant officiellement recherché, sous menace d'embastillement, Voltaire frôle l'arrestation chez un perruquier saxon qui se fait son complice. C'est donc ladite “maison de poupée” qui s'avère empoisonnante. Du moins, en la tripotant, faut-il se méfier d'insidieux dards mortels. Émilie du Châtelet finit par situer la demeure ayant servi de modèle à ce remarquable jouet. Déserté aujourd'hui, l'hôtel particulier de Parolignac fut le sinistre lieu d'un crime, dit-on. Serait-ce dans les salons mondains que Voltaire trouvera les preuves de ce qui pourrait bien être un complot ?… Depuis “La baronne meurt à cinq heures” (2011, Prix Arsène Lupin), c'est la cinquième aventure voltairienne que nous raconte Frédéric Lenormand, auteur chevronné. Il s'agit d'une comédie policière enjouée, qui s'amuse avec les péripéties (revisitées) de la vraie vie de son héros. Que l'on imagine pas le vieux Voltaire, quelque peu assagi, réfugié en son château de Ferney, assis dans son fauteuil et se consacrant à l'écriture. Car c'est un Voltaire encore jeune et frétillant, se gaussant des littérateurs de son temps (ainsi que du compositeur Jean-Philippe Rameau), amoureux de l'intelligente et ravissante Émilie, échappant d'un air sautillant à la police royale, qui nous entraîne dans son sillage. Philosophe et aventurier ? La biographie de Voltaire nous montre que son existence fut effectivement agitée. Ses moments de répit ne furent que temporaires, on le sait. À vrai dire, c'est l'époque du roi Louis XV qui s'y prêtait, riche en manigances et conspirations. Une quinzaine d'années plus tard, le chevalier d’Éon en sera l'illustration. Si l'auteur se base sur des personnages et des faits d'alors, il choisit de traiter l'Histoire avec le sourire. On se plaît à penser que le pétillant Voltaire, doté d'un esprit vif et caustique, aborda avec la même énergie endiablée les vicissitudes de son parcours. Entre fluidité du récit, humour et suspense, un roman “historique” fort excitant.
Parution 4 février 2015. 318 pages.
La philosophie est la nourriture de l'esprit ! Alimentaire, mon cher Voltaire !
En l'an de grâce 1734, Voltaire ne pense pas encore à Mirabeau, mais il commençait à en avoir marre des mirabelles. Il est exilé à Cirey, en Lorraine, dans un vieux château médiéval appartenant à son amie Madame Du Châtelet, Emilie pour les intimes. Et elle en a beaucoup. Voltaire en a ras l'estomac de manger des mirabelles à longueur de repas, et de plus il s'ennuie loin de la capitale. Une simple missive, émanant du comte d'Argental, lui donne l'occasion de fuir Cirey et de rejoindre sa belle, sa chambre et son ami-valet-secrétaire, l'abbé Linant. La dame que vous savez est aujourd'hui est en grand périlde tomber dans les bras de certain savant de votre connaissance. Il n'en faut pas plus pour que la jalousie perfore le cœur du philosophe et immédiatement il prépare ses affaires, au grand désarroi de la maîtresse-queux qui lui mijote avec amour lapins et sangliers qu'il ne peut plus voir en peinture. Malgré l'interdiction qui lui a été signifiée, suite à la publication des Lettres Philosophiques, il regagne la capitale où il n'est attendu par personne ce qui le rend fort marri. Ses logeurs ont loué sa chambre, déménageant et ses affaires, et il retrouve l'abbé Linant en piteux état dans le grenier. Il est vrai que Voltaire a moins de mal à coucher ses idées sur le papier qu'à gérer sa bourse. Effectivement la belle Emilie du Châtelet est fort embarrassée. Non point parce qu'elle recherche activement la présence de Maupertuis, académicien et physicien, sur lequel elle a jeté son dévolu, mais parce qu'elle a un cadavre dans le placard. Et ce n'est pas une figure de style. Elle a envoyé son personnel effectuer quelques emplettes, avec ordre de ne pas revenir avant deux heures, afin d'être tranquille en compagnie de Maupertuis. Ils s'adonnent à des expériences et ayant besoin d'ustensiles se rendent dans la cuisine. Ils découvrent dans un réduit, debout au milieu des jambons et d'objets de cuisine, le cadavre de Margoton. Et ils ne savent que faire de ce corps encombrant. Si Voltaire était là, il nous dirait quoi faire avoue Emilie. Seulement elle ne sait pas, encore, que son ami est aux prises avec son logeur et qu'il lui faut trouver un autre point de chute. Une indiscrétion de la part d'un membre de son petit personnel, peuvent pas se taire ceux-là !, et bientôt toute la rue est au courant et la rumeur enfle jusqu'au Châtelet où le lieutenant général de la police, René Hérault, est immédiatement averti. Et comme ses mouches ont prévenu ses gens d'arme, Voltaire et Emilie se retrouvent ensembles dans la vieille bâtisse. Si Hérault n'apprécie pas Voltaire, Emilie ne lui est pas indifférente, et il charge son plus cher ennemi d'aider sa plus chère amie. Et c'est ainsi que Voltaire, ou plutôt Tairvol ainsi qu'il se présente dans les différents endroits où il se rend, un pseudo comme un autre, prend l'affaire à bout de bras, tout en essayant de détourner Emilie de ceux de Maupertuis. Margoton a été assassinée malencontreusement, car apparemment ce n'était pas elle qui était visée. Et il apparait que les jouets, dont une maison de poupée, qui encombrent la pièce destinée aux enfants, n'ont pas été livrés au bon destinataire. Alors, tout en se cachant des hommes de Hérault qui le suivent à la trace comme de bons chiens qu'ils sont, il va se rendre chez une modiste, un fabricant de jouets du nom de Gépétaud (tiens cela me dit quelque chose ce nom, mais j'ai du nez, je trouverai !) ou encore chez un fabricant d'automates.
Pauvre Voltaire qui à cause d'écrits jugés tendancieux est contraint de se cacher, de s'exiler et de voir sa belle amie tomber dans les bras d'un concurrent et dans le même temps chargé par un haut représentant de la police d'enquêter tout en étant pourchassé. C'est vraiment à n'y rien comprendre, d'autant qu'il doit enquêter dans des lieux de perdition chez les couturières, les modistes, les fabricants de jouets, et même se déguiser en femme pour passer inaperçu, ou encore se réfugier sous un pont dans la boue. Pourtant il est reconnu de tous ou presque, sauf d'une vieille connaissance à la vue basse et un air, pas plus bête qu'un autre, puisqu'il s'agit de madame du Deffant, également épistolière. Il imagine stratagèmes sur ruses et matoiseries. Mais le chemin de Voltaire sera encombré de cadavres qu'il sèmera malgré lui sur son chemin tel un Petit Poucet. Et à voir Voltaire se démener, se montrer grognon, sautiller, l'image de Louis de Funès s'est imposée à moi.
Ah, si à l'école, on nous avait appris la philosophie avec l'humour de Voltaire, involontaire parfois mais corrosif souvent, et bien aidé par son biographe, nul doute que ce cela nous eut plus captivé. Par exemple disserter sur cette affirmation voltairienne : Cher monsieur, les femmes ne mentent pas, elles voient la réalité différemment ! Un voyage dans l'histoire qui ne nous prend pas pour des pantins ou des poupées de chiffons, peut-être pour de grands gosses qui aiment les contes vivants, enlevés, enjoués, troussés, humoristiques, avec une belle intrigue à la clé (pour remonter les boîtes à musique pare exemple) et, je n'oserai pas aller jusqu'à déclarer pédagogique mais au moins instructive.
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