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DENNIS LEHANE |
Mystic RiverAux éditions RIVAGE THRILLER |
2445Lectures depuisLe dimanche 24 Mai 2004
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Une lecture de |
Là c'est un pavé de 400 pages que nous propose Lehane. On y retrouve les mêmes ingrédients que dans ces autres livres, et ça marche toujours, comme avec un musicien surdoué qui ferait des variations sur un même thème, l'enfance asassinée, au sens propre comme au sens figuré (le gosse noir prostitué par son père dans "Un dernier verre avant la guerre", la fratrie tuée par la mère dans "Shuller Island", le serial killer de "ténèbres prenez-moi par la main"). J'ai parlé dans une précédente critique de massacre des innocents à propos du passage à l'âge adulte. "Il ne fallait pas oublier que tous ces connards qui vous coupaient la route en voiture, encombraient les rues, hurlaient dans les bars, écoutaient leur musique trop fort, vous agressaient, vous violaient et vous revendaient des bagnoles trafiquées étaient des enfants qui avaient vieilli" (page 352). Lehane joue encore à merveille sur le basculement du rêve à la réalité, et inversement, qui entraîne le lecteur dans un espace onirique et un flottement calculé qui rend la chute d'autant plus rude. J'ai envie de dire que le meilleur chez Lehane, c'est le pire, ce pire qui fait qu'on plonge à fond dans la fiction, qu'elle nous happe, parce qu'on voudrait un autre dénouement, et que l'on se dit, "non pas lui, surtout pas lui, il a déjà assez morflé", ou, "non pas les enfants, touchez pas aux enfants". Mais c'est un monde de merde qui se déploie sous nos yeux, et l'irréparable est toujours au détours de la route ou au bout du chemin. Un monde de merde au racisme latent et plus ou moins refoulé. "Vous savez ce qui me plaît encore moins que des gamins noirs de dix ans victimes de balles perdues au cours d'une connerie de guerre de gangs, agent Devine (Sean), demanda Friel (le chef de la police)? (...) Les gamines blanches de dix-neuf ans assassinées dans mes parcs. Dans ces cas-là, les gens (...) veulent qu'on leur montre (...) le coupable. (...) C'est ce qu'ils veulent, parce qu'ils sont comme nous, et parce que c'est aussi ce que nous voulons." (page 150) Ce qui ne m'était pas apparu à la lecture de ses autres ouvrages, c'est ce que les psychanalystes appellent la refente du sujet (oui, je sais, ça fait intello qui ramène sa fraise, je m'explique de suite). Qui a tué tuera de nouveau, qui a été victime le sera de nouveau, Lehane nous repasse les plats, mais quand on y songe c'est bien ainsi que la vie est faite souvent, ce qui ne nous pousse guère à l'optimisme. Il était donc une fois trois gamins, trois copains qui ne l'était pas autant que ça. Sean, qui deviendra flic, Jimmy le futur truand repenti, et le poussin égaré, Dave, qui voudrait bien être copain avec tout le monde mais qui a ce petit quelque chose de différent, un petit quelque chose que les autres ressentent et qui les met mal à l'aise. "Il n'y a rien de mauvais en lui" dira le père de Sean. Et si c'était là le problème, dans un pays où on se taille sa place au soleil à coups de poings et de revolvers? Les petits poussins égarés, le faucon les repère du haut du ciel, la bête blessée dans la savane, malade, ou plus faible que les autres, les grands carnassiers en font leur repas quotidien. Une voiture s'arrête, Dave monte dans la voiture, et c'est ainsi que se noue la tragédie qui rebondira lorsque les enfants devenus adultes, la fille de Jimmy est assassinée. |
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