Il y avait les blondes suaves et sexy. Il y eut les brunes affolantes. Au panthéon des héroïnes de polar, il va falloir ajouter la mise en plis bleutée et le bas à varices… On savait depuis Arturo Paasilinna et sa « Douce Empoisonneuse » que les vieilles dames peuvent faire de sacrés dégâts pour peu que des vilains se dressent sur le chemin. Mais avec Anouk Langaney, qui nous livre ici son premier roman, c’est pire : en effet, son héroïne est aussi une méchante… Ses quatre-vingt-huit ans ont un peu amoindri son potentiel de nuisance, forcément. Néanmoins… Mais posons l’intrigue. Gisèle Teillard vit dans une maison étriquée, encombrée de bibelots insipides, une petite vie de vieille dame devenant un peu gâteuse. Sauf que si elle oublie l’endroit où elle pose ses clefs, elle se souvient très bien de la vie trépidante qu’elle a menée sous le non de Minette, égérie d’un gang de braqueur. Son sang ne fait qu’un tour lorsqu’elle se fait arnaquer comme la mamie qu’elle est devenue par un « vendeur de salle de bains », archétype du faux derche qui la révulse. Consciente que sa mémoire fiche le camp, qu’elle risque de perdre la boule, elle note à titre thérapeutique dans un cahier les rares incidents de ses journées qui vont sérieusement s’accélérer. D’abord, elle rencontre un faux neveu pour découvrir ensuite qu’un voisin apparemment inoffensif lorgne sur un butin qu’elle a gardé. Enfin, elle découvre que l’homme mitonne une vengeance inassouvie. Incapable de se dépatouiller seule, elle va jouer l’un contre l’autre ces envahissants personnages au risque d’y laisser beaucoup plus qu’un peu d’argent. Le ton de la mamie est réjouissant « Je gambergerais volontiers sur la question, mais j’ai moi-même un meurtre à commettre dans la soirée de demain et une voiture piégée dans mon allée, alors je vais plutôt me coucher de bonne heure en sirotant une petite verveine. » Ce roman n’est pas sans rappeler, pour le naufrage physique et moral qu’il évoque, l’excellent « Ne deviens jamais vieux » de Daniel Friedman chez Sonatine (2013). Comme lui, son personnage rage et lutte… Et si ce sont des vieux affreux, ils sont surtout très attachants. Albiana persiste dans l’édition de petits bijoux originaux : encourageons-les. On ne peut que tirer son chapeau (à voilette ?) à Anouk Langaney qui propose un premier roman si réussi. Ce « Même pas Morte » est réjouissant, drôle et touchant aussi. À se procurer de toute urgence.
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