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JEFFREY LORD |
La Malédiction Des OmbresAux éditions VAUVENARGUES - |
1512Lectures depuisLe mercredi 21 Aout 2013
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Une lecture de |
Un roman méconnu de Nadine Monfils ! Certaines collections de littérature populaire sont boudées par les critiques littéraires et les lecteurs de romans policiers et de science-fiction, qui appliquent un ostracisme équivalent à celui exercé par les tenants de la littérature dite blanche par rapport à notre littérature de prédilection. Des collections d’importation américaine dont les romans sont jugées mal écrits, trop faciles, comportant trop de violence, et trop de sexe. De plus ces collections sont ou ont été publiées sous l’égide de Gérard de Villiers, aggravant ce phénomène de répulsion et qui se traduisit par un frein à leur découverte. Des arguments spécieux colportés par des personnes qui n’ont même pas ouvert et encore moins lu ces romans. Pourtant combien de maisons d’éditions dites sérieuses, le gratin du roman noir, publient des romans où sexe et violence se complaisent ensemble, en vous signifiant doctement que ce n’est pas la même chose Mais n’allez pas le crier tout haut, on vous rembarrera d’un geste négligent. Comme s’il y avait le bon sexe et la bonne violence d’un côté et de l’autre le rebut. Toutefois si on soulève la couverture de ces collections honnies et que l’on s’intéresse au nom de l’auteur, qui souvent est relégué au rôle de traducteur et d’adaptateur supposé, on s’aperçoit qu’il existe de petites pépites. Pour connaitre l’historique de cette collection Blade, je vous conseille de visiter les sites suivants : Forum BDFI et Actu SF. Au passage vous aurez pu remarquer que des auteurs comme Christian Mantey, Richard D. Nolane, Thomas Bauduret alias Patrick Eris, Yves Bulteau, Paul Couturiau et Nadine Monfils (pour trois titres) n’ont pas dédaigné écrire des épisodes français pour cette série. Mais trêves de billevesées, et si on s’intéressait au livre du jour ?
Richard Blade s’ennuie. Il attend qu’une nouvelle mission lui soit confiée et il profite de son temps libre pour enfin visiter Londres, car comme chacun le sait ce sont les habitants d’une ville qui connaissent le moins leur cité. Tandis qu’il rêve à la terrasse d’un café, il est abordé par une belle jeune femme qui se présente sous le doux prénom d’Angélique. De doux propos sont échangés et ils décident de se restaurer ensemble. Alors qu’Angélique effectue quelques massages avec un de ses pieds posé sur son entrecuisse, Blade est convoqué par téléphone. Il doit se rendre immédiatement au siège du MI6. Un véhicule l’attend même sur place pour l’emmener jusqu’à la Tour de Londres dont les caves servent de bureaux et de laboratoires au quartier général de ce service secret. Une nouvelle mission va le propulser dans l’une des galaxies et il doit ramener une pierre bleue, une cryptonite. Il va être accompagné, lui déteste ça, par une femme, et entre alors dans la pièce où il est en compagnie de son chef, sobrement dénommé J., et du scientifique Leighton, de la belle Angélique. Pour une surprise, c’est une surprise mais J. malgré leur amitié l’a habitué à ce genre de surprise. Les préparatifs se déroulent normalement et lorsqu’il se réveille il se trouve en compagnie d’Angélique qui en réalité se prénomme Diana. Elle est nue, comme lui, ce qui n’est pas pour lui déplaire mais elle se montre agressive à son égard. Commence alors véritablement leurs pérégrinations sur cette planète nommée Heden. Diana lui sert de guide en grimpant une colline mais Blade manque d’âtre absorbé dans les sables puis il est précipité dans un tunnel, tombe dans un bassin empli d’eau caoutchouteuse tandis que Diana joue comme une petite folle. Enfin ils débouchent au pied de la tour de Londres. Le paysage est le même que celui qu’il connait pourtant il existe de petites divergences. Par exemple personne dans les rues. Pas de voiture non plus. Juste un bruit indéfinissable. Il ne s’agit pas de véhicules mais des sortes de ballons, des têtes avec des yeux, un nez, une bouche et des cônes en guise d’oreilles. L’un d’eux les aborde et comme Blade désire se rendre auprès de la Reine, le ballon arrête un bourdon qui leur sert de taxi. Les deux voyageurs s’installent à l’intérieur et en cours de voyage Blade s’endort. Il se réveille dans une cave mais il n’est pas au bout de ses surprises. Il va connaître bien des mésaventures, malgré les conseils avisés de Diana qui parfois disparait et réapparait au bon moment. Elle lui prodigue des avertissments que Blade n’écoute pas mais de toute façon quelle que soit la mésaventure à laquelle il est confronté, il s’en sort. Car il est au pays des mensonges et de l’illusion. Il rencontre un nombre improbable de monstres, de personnages aussi comme le fantôme du petit chaperon rouge, ou une gamine aux jambes de cristal, à une émanation de Jack l’Eventreur qu’il a eu le tort de libérer et qui entame ses forfaits envers des prostituées, il aperçoit Oliver Twist, est abordé par Charles Dickens (à qui il pense faire un compliment en lui disant qu’il a lu tous ses livres, réflexion à laquelle Dickens répond : Ah bon ? moi pas.) puis déambulant dans Baker Street il distingue derrière une fenêtre l’ombre de Sherlock Holmes. Il serait difficile, et peut-être fastidieux aussi bien pour le scripteur que pour le lecteur, de narrer toutes ces mésaventures à moins de rédiger un article aussi long que le livre lui-même. Car tout s’enchaîne dans une maelstrom d’images, dans un délire imaginatif qui emprunte à Lewis Carroll et son roman Alice au Pays des merveilles, à Jonathan Swift et son œuvre la plus célèbre Les voyages de Gulliver ou encore à John Barrie et son personnage de Peter Pan. Tout est miroir, cascade de péripéties hautes en couleur, de trompe l’œil. Comme si arrivant dans une pièce on ne peut revenir en arrière et on est propulsé en avant vers une nouvelle porte et ainsi de suite dans une succession de compartiments tous décorés, meublés, habités, différement. Si Alice et Peter Pan étaient plus spécialement destinés à des lecteurs juvéniles, Gulliver était un conte philosophique et satirique, et cette aventure de Blade sous la plume de Nadine Monfils l’est tout autant, avec un enrobage d’humour et de non sens britannique. Un univers onirique parsemé de petites phrases choc et de dialogues dont voici un exemple : Comment pourrais-je vous suivre, puisque je ne vous vois pas ? C’est malin ! Tu ne suis jamais ton instinct ? Si, ça m’arrive. Et tu le vois ? Ben non ! Alors, où est le problème ? Philosophique, ai-je écrit ? Oui, par exemple : Le temps est avec toi, dit le vieil homme regardant son acolyte. Comprends que rien ne t’oblige à précipiter le cours de ta vie, sous prétexte que quelqu’un a inventé l’horloge. Je pourrais vous en citer ainsi une bonne vingtaine mais je me contenterai de vous en proposer une dernière : Avoir le sens de l’humour au moment de mourir, est la plus belle façon de s’en aller avec panache ! |