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DENNIS LEHANE |
SacréAux éditions RIVAGES NOIR |
2625Lectures depuisLe dimanche 24 Mai 2004
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Une lecture de |
On y retrouve les détectives Patrick Kenzie et Angela Gennaro. Après la plongée dans le monde des gangs et la confrontation entre les différentes communautés de Boston, notamment raciales, dans "Un dernier verre avant la guerre", les voilà immergés dans la violence urbaine, cette violence qui les happe mais qui est aussi en eux, qui leur colle à la peau, et qu'ils véhiculent avec eux, comme le fera remarquer la petite amie médecin de Kenzie. Je ne pouvais m'emprêcher de penser en lisant à la petite phrase d'Aragon "Ce qu'on fait de vous, hommes, femmes", et à l'article de Freud, "On tue un enfant". Le passage à l'âge adulte est chez Lehanne, mais aussi dans la vie, il suffit de regarder la trajectoire de certains de nos proches, un véritable massacre des innocents. Le livre commence par une anecdote : un timbré entre dans un magasin pour y descendre sa petite amie qui l'a plaqué, et par la même occasion tous les témoins présents. L'émotion est vive d'autant que l'une des victimes est un prêtre. Là s'arrête l'anecdote, le décor est planté. Patrick Kenzie se remémore alors sa dernière enquête qui a failli lui coûter la vie, ainsi que celles de ses proches (et l'un d'eux va effectivement disparaître, je ne vous dirai pas lequel). Mais qu'est-ce qui peut engendrer ces sociopathes et ces psychopathes qui tuent pour le plaisir, par jalousie, par sentiment de toute puissance? L'un des mérites de Lehanne, c'est de montrer que personne n'est indemme de toutes ces tares le plus souvent bien enfouies en nous, qui, lorsque sautent les digues et les barrages que nous avons érigés pour vivre en société, être capables d'aimer et de travailler, engendrent des monstres. De même que Kenzie dans "Un dernier verre avant la guerre" se laisse aller à proférer des injures racistes alors qu'il est poursuivi par un gang d'ados noirs, dans "Ténèbres prenez-moi la main" confronté à un universitaire homosexuel, ce dernier le pousse à reconnaître les relents d'homophobie qui l'habite alors qu'il se croit au-dessus de ces préjugés. Le point commun de tous les Lehanne que j'ai lus jusqu'à maintenant c'est bien le retour du refoulé sur lequel surfe certains politiciens (vous savez, ceux qui "disent tout haut ce que vous pensez tout bas"). Dans des situations de tension ou de crise extrêmes, la conscience ne suffit plus à faire barrage aux ténèbres qui sont en nous. C'est ce qu'avoue Angela Gennaro, je cite de mémoire, "lorsque j'ai appuyé sur la gachette, j'étais Dieu". Bon, c'est un bon polar, bien mené, qu'on lit d'une traite, et Dennis Lehane est déjà quelqu'un qui compte dans l'histoire du polar américain, alors lisez-le en confiance. Et puisque j'avais conclu ma précédente critique de "Un dernier verre avant la guerre" par une "petite phrase", je vous livre celle-là. "Essayer d'inculquer à Bubba les rudiments des conventions sociales ou quelques notions de moralité, c'est comme essayer d'expliquer les méfaits du cholestérol à un Big Mac." |
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