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MARIN LEDUN |
Les Visages écrasésAux éditions SEUILVisitez leur site |
2348Lectures depuisLe samedi 2 Avril 2011
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Une lecture de |
À Valence, dans la vallée du Rhône, cette plate-forme d’appels conseille et vend des produits téléphoniques et des forfaits Internet. Une forte pression s’exerce ici sur les salariés, dans ce secteur économique très concurrentiel. Âgée de quarante-deux ans, le docteur Carole Matthieu est le médecin du travail intégré à cette société. Chaque jour, elle reçoit des employés surmenés, des patients au bout du rouleau. Elle suit de près chaque cas, mais n’a pas pu empêcher plusieurs tentatives de suicide, ainsi qu’une mort par pendaison. Fragilisée elle-même par cet univers sous tension, Carole Matthieu se gave de pilules sédatives. Sauver ces gens est devenu une mission sans fin, au détriment de sa relation avec sa fille. Elle doit souvent s’opposer à l’intransigeante direction de la plate-forme, ainsi qu’aux représentants syndicaux, trop “dans la négociation” à son avis. Vincent Fournier était exemplaire de l’incapacité des salariés à surmonter leur stress. Rétrogradé dans ses fonctions, il devint suicidaire. Tenter de soutenir le moral de Fournier ne servait plus à rien, il était fichu. Ce vendredi soir, Carole l’a abattu par arme à feu. Pour le soulager définitivement, comme pour dénoncer les méthodes de management de l’entreprise. Le vigile Patrick Soulier n’a trouvé le cadavre que dans la journée de dimanche. Le lundi s’annonce particulièrement difficile pour Carole. Elle a bien songé à avouer le crime, avec ses motivations. Elle doit encore tenir, grâce aux pilules, pour aider les autres employés. Pour la direction pas question de stopper l’activité de la plate-forme. Une réunion du personnel et un message d’une compassion hypocrite suffisent. Un médecin du travail vacataire est censé épauler Carole pour une cellule psychologique. Le jeune policier Richard Revel est chargé de l’enquête sur le meurtre de Vincent Fournier. Il ne cache pas son attirance envers Carole. Celle-ci en joue un peu pour ne pas être inquiétée, puis pour qu’il prenne connaissance des dossiers médicaux des employés les plus touchés. Ce lundi, le vigile Patrick Soulier est mis en état d’arrestation. Carole défend l’innocence du suspect. De son côté, bien qu’il l’ait vue le soir du crime, le vigile ne dit rien. Lui aussi est dans un esprit suicidaire, et son amie Salima Yacoubi ne peut rien y faire. Cette femme de ménage est une des clés des mauvais rapports entre certains employés, sans en être responsable. Ce que Carole nomme “l’autre histoire”. Également proche du suicide, Hervé Sartis fait partie de ceux que la médecin tente de sauver. Une solution trop tardive sans doute, car il risque fort de récidiver. Lui aussi veut que soient dénoncée l’ambiance néfaste dans cette société. Continuer à résister alors qu’elle est aussi fatiguée, l’épreuve secoue Carole de plus en plus. Richard Revel poursuit son enquête, tenant compte des éléments nouveaux et des rapports médicaux. Le combat de Carole pour protéger les employés devient une véritable fuite en avant désespérée… Un roman noir à caractère social, s’inscrivant dans notre quotidien actuel. Une intrigue sur la violence morale dans le monde de l’entreprise. Une affaire où la nécessité de réagir pousse chaque protagoniste sur des voies dangereuses. Une fiction qui ressemble de près à la dramatique réalité. Dans nombre de grandes entreprises aujourd’hui, les méthodes de gestion et de management entraînent une mise en danger de la santé des employés. Au prétexte des “résultats”, de la rentabilité, de hauts responsables décident sans mesurer les effets sur le vécu réel des salariés, les risques psychosociaux. Chaque niveau répercute les ordres, augmente les humiliations et la pression tant individuelle que collective. Les règles sont plus dures à chaque échelon. Détruire la solidarité afin de rabaisser les individus, traquer les arrêts de travail supposés injustifiés. Pour exister socialement, il faut être le dominant ou périr. Dans un tel contexte, celui décrit par l’auteur, le harcèlement conduit parfois au suicide. Rarement à une révolte contre des procédés quasi-esclavagistes. L’héroïne pense ici s’en tenir aux faits, à ces dossiers qui prouvent le préjudice causé aux salariés. Mais à cause de son obsession, sa révolte va fatalement déraper. Un roman remarquable d’intensité, admirablement maîtrisé par Marin Ledun. |
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