En avril de l’an 670, alors qu’il se préparait pour une sieste réparatrice, le juge Ti reçu la visite d’un secrétaire du gouverneur. Et voici le dialogue qui s’instaura entre ces deux hommes :
« Comme chaque année, les habitants des régions où poussent les meilleurs théiers auront la joie, le bonheur et le privilège de récolter la précieuse denrée pour l'offrir à Sa Majesté. C'est ce qu'on appelle le tribut du thé.
- Mais cette opération n'a pas lieu par ici..., objecta Ti, qui ne voyait pas en quoi cette cérémonie saisonnière le concernait.
- C'est pourquoi vous vous rendrez là où elle a lieu, dans notre glorieuse province du Jiangnandong. Vous êtes nommé commissaire du thé pour la récolte de Xifu. Vous auriez dû recevoir votre acte de nomination, à l'heure qu'il est.
Ti répondit qu'il l'avait bien reçu, mais qu'il avait cru à une erreur ou à une plaisanterie.
- Mon maître ne commet pas plus d'erreur qu'il ne plaisante, répondit le secrétaire provincial sur un ton pincé.
(…)
- Il s'agit d'une toute petite tâche, au regard de vos capacités, reprit-il. Vous devrez superviser la cueillette, le traitement, l'emballage et le transport du tribut impérial.
(…)
-Et puis vous verrez le beau palais que s'est fait construire le gouverneur K'iu. Le très beau palais du seigneur K'iu. On dit que c'est là une merveille à nulle autre pareille. Je vous envie d'avoir cette chance.
- La Cour doit être enchantée que la prospérité de nos provinces permette à leurs gouverneurs de bâtir de telles splendeurs..., dit-il pour voir.
- C'est tout à fait exact, approuva l'émissaire. La hancellerie est si contente qu'elle compte diligenter un inspecteur d'ici quelques semaines pour se faire une idée précise de ce qui a été accompli. »
L’histoire relate un cas semblable de démesure dans la splendide Ville de Lijiang… Le gouverneur de la province n’eut pas d’autres choix que de consacrer son palais au culte de Confucius…
Mais nous n’en sommes pas là et pour l’heure voici notre Juge Ti Jen-tsie en route pour le royaume du Thé en compagnie de sa Troisième où l’attend plus d’une surprise.
En compagnie d’un adepte de l’eau, il deviendra pour un temps « chef de bande », dubitatif face à « un suicide qui soulève l’enthousiasme général », simulera une fausse maladie et « gagnera sa guérison aux dépens d’un marchand de thé »… Pour, au terme de sa mission, démasquer l’assassin d’un poète et quelques aigrefins récemment enrichis.
Comme à son habitude Frédéric Lenormand nous convie, au-delà de l’enquête criminelle qu’il déroule dans cette nouvelle aventure de ce personnage qui est maintenant le sien, à une excursion dans la Chine du VII siécle. Et de l’enchaînement des mots, qu’il a adroitement agencés, jaillit dans le cerveau du lecteur, l’âge d’or de la treizième dynastie chinoise