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PIERRE LEMAITRE |
Cadres NoirsAux éditions CALMANN-LEVY SUSPENSEVisitez leur site |
2827Lectures depuisLe jeudi 25 Fevrier 2010
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Une lecture de |
Voilà quatre ans qu’Alain Delambre est au chômage. À 57 ans, cet ancien cadre a conservé son volontarisme, mais doit se contenter de petits jobs. Sa tendre épouse Nicole est son meilleur soutien. Adultes, leurs filles Mathilde et Lucie mènent leurs propres vies. Quand Delambre est retenu pour des tests organisés par BLC Consulting, il n’a pas l’intention de laisser passer cette chance. Il se prépare, étudiant le langage actuel des entreprises. Le jour venu, sur les onze sélectionnés, Delambre est évidemment le plus âgé. Il n’a rien à perdre, car un incident vient de lui faire perdre son dernier job. Ça semble un miracle qu’il soit retenu parmi les quatre qualifiés. Le consultant Bertrand Lacoste le reçoit. Il lui précise la mission des postulants. Il s’agit d’une simulation de prise d’otages, qui permettra d’évaluer en même temps la réaction des cadres concernés. Choquée, Nicole désapprouve ces méthodes, mais Delambre est décidé à tout. Pour affiner une stratégie, il doit d’abord déterminer quelle est la société qui recrute, cliente de BLC. Grâce à une petite enquête, il devine que c’est le groupe pétrolier Exxyal. Ensuite, il n’a pas de mal à cibler les cadres qui seront soumis à la fausse prise d’otages. Pour obtenir des renseignements plus précis sur eux, Delambre va s’adresser à une agence de détectives privés. Ça coûte cher, aussi manœuvre-t-il sa fille Mathilde pour qu’elle lui prête la somme. Voulant être préparé à la situation, Delambre paie encore les services du nommé Kaminski. Cet ancien du RAID, viré pour défaillances, connaît tous les mécanismes d’une prise d’otages. Mathilde est furieuse d’avoir été bernée. Delambre ment à Nicole, prétendant que cet argent est un pot-de-vin qui lui garantit d’obtenir le poste. Pas convaincue, son épouse s’éloigne de lui. Durant la période précédant la simulation, Delambre opère un fichage complet du groupe pétrolier. Baroudeur au passé trouble, Fontana organise l’opération pour BLC Consulting et Exxyal. Loin du jeu de rôle classique, il a scénarisé la prise d’otage dans chaque détail. Quand Delambre arrive, Fontana le sent particulièrement tendu. Pourtant, il y a moins de concurrence que prévu. L’action démarre, les cadres d’Exxyal ignorant le jeu cruel auquel ils sont confrontés. Pourtant, dès que le premier otage est interrogé par les supposés ravisseurs, les règles du jeu vont changer de façon spectaculaire. Fontana se croit capable de faire face, de s’opposer à l’escalade de la tension. S’il pense comprendre la psychologie de l’adversaire, il se trompe à plus d’un titre. Avec deux blessés légers et un otage ayant fui, la situation atteint un pont de non-retour. La suite des évènements n’est pas du tout favorable à Delambre. À moins qu’il ait encore des cartes en main… Cette excellente intrigue s’inscrit dans la réalité socio-économique ultra-libérale, montrant les dérives perverses d’un système cynique : “Les candidats à un poste sélectionnent les candidats à un autre poste : je me dis que décidément le système entrepreneurial est drôlement au point. Il n’a même plus besoin d’exercer l’autorité, les salariés s’en chargent eux-mêmes. Ici le coup est assez puissant : avant même d’être embauchés, nous pourrons quasiment licencier les cadres en place les moins performants. Les entrants créent les sortants. Le capitalisme vient d’inventer le mouvement perpétuel.” Des méthodes extrêmes qui en rappellent d’autres, bien réelles et dévastatrices. Delambre garde “l’esprit cadres”, espérant appartenir à nouveau à ce milieu. Il ne rejette pas le principe, mais par-dessus tout il veut sa revanche. Il commence par duper sa famille, avant d’aller bien plus loin. À une longue mise en place du contexte, succèdent les parties mouvementées du récit. La tension se fait plus vive, le jeu devenant dangereux. Par ses précédents romans, on a pu constater que Pierre Lemaitre est un expert en scénarios à suspenses, fertiles en faux-semblants et en rebondissements. Avec “Cadres noirs”, il prouve encore une fois sa parfaite maîtrise d’une histoire fort excitante.
Le Livre de Poche Thriller N°32253. Parution 2 mars 2011. 448 pages. ISBN : 978-2253157212 Première édition : Calmann-Lévy. Parution 3 février 2010. Le cadre se rebiffe… Au chômage depuis quatre années, Alain Delambre, un ancien cadre de cinquante-sept ans, ancien DRH, s’est résolu à travailler comme manutentionnaire aux Messageries Pharmaceutiques quelques heures par jours. Seulement depuis que Mehmet, un Turc qui se prend pour le calife à la place du calife, est devenu superviseur, il encaisse les rebuffades. Et puis un jour, il a fallu que cela dégénère. Pour collègues, Delambre n’a que Charly, un SDF qui n’en est pas vraiment un puisqu’il couche dans sa voiture et qui s’imbibe copieusement dès le matin, et Romain, un jeunot qui a raté sa vocation de comédien, qui vit de petits boulots mais est doué en informatique. Un coup de pied vicieux asséné par Mehmet, et Delambre se rebiffe. Ancien cadre au chômage, d’accord, mais pas mouton. Un coup de boule bien placé, Mehmet est à terre le nez cassé. Delambre ne fera pas de vieux os dans la boîte, il est radié non des cadres puisqu’il l’est déjà, mais du personnel. Seulement l’affaire ne s’arrête pas là. Il doit indemniser Mehmet et son employeur lui fait un procès. Comment faire quand on n’a pas d’argent. D’autant que ses deux anciens collègues de travail ne peuvent ou ne veulent pas l’aider en effectuant une déposition en sa faveur. Naturellement, il ne se confie ni à sa femme, ni à ses deux filles. Il recherche dans les petites annonces et écrit à une agence qui lui fait passer des tests. Il doit faire ses preuves, en compagnie de trois autres candidats, alors qu’il pensait avoir échoué, en supervisant une mise en scène abracadabrante organisée par une entreprise qui cherche à mettre sur le carreau quelques centaines d’ouvriers en fermant l’un de ses sites. Des cadres internes seront mis face à une tentative de prise d’otages, et Delambre ainsi que les autres candidats doivent analyser leurs réactions. Il se rend compte qu’il s’agit d’une vaste manipulation et que théoriquement il ne sera pas sélectionné, l’emploi ayant déjà été promis à la seule candidate présente. Alors de manipulé, il devient manipulateur lui-même.
Scindé en trois parties, Avant, Pendant et Après, Cadres noirs montre la galère de quelqu’un privé d’emploi, qu’il soit cadre ou simple manœuvre. Et de quelle façon il essaie de s’en sortir. Si la première partie est très convaincante, les deux suivantes le sont un peu moins, car peu à peu, Delambre devient un peu le vengeur masqué, se mettant dans des positions impossibles, face aux entreprises qui licencient uniquement pour des raisons financières non justifiées, et la société capitaliste en général. Le pot de terre contre le pot de fer. Mais le pot de terre est plus solide que l’on pourrait le penser et le pot de fer se retrouve cabossé. A travers le personnage de Delambre, beaucoup se reconnaîtront, mais je suppose que les actions décrites, la violence qui se dégage et les mises en scènes très cinématographiques proposées, peu se résoudront à en venir à de telles extrémités. Seul contre tous, Delambre devient un cerveau actif et réactif, quitte à se brûler les ailes. Il ne se ménage pas n’ayant pas peur de se mettre en danger pour arriver à ses fins et contrarier les plans de ses ex-futurs employeurs. Il va se muer en maître-chanteur, et malgré les périls encourus par sa famille, il continue, quitte à se retrouver en prison. Et il n’agit pas d’une geôle réservée à ceux que l’on appelle les VIP, comme certains financiers et hommes politiques en ont connu à cause de leurs malversations. Il est considéré comme un détenu de droit commun, avec toutes les vicissitudes internes que cela entraîne. Si je n’adhère pas aux actions de Delambre, je me dois d’avouer que j’ai lu d’une traite ce roman social, qui débute comme un banal roman policier mais se transforme peu à peu en suspense psychologique puis en ce qu’il est d’usage d’appeler Thriller, quoique ce vocable ne corresponde pas à sa définition première. L’émotion est présente tout au loin de ce récit même si l’on pense que Delambre va trop loin. La colère est mauvaise conseillère, comme chacun sait et l’on ne peut présumer des réactions que l’on pourrait avoir si l’on était placé dans son cas. S’il s’agit d’une fiction, ce roman est toutefois inspiré d’un véritable fait-divers, celui de France Télévision Publicité, en 2005. Et il a donné lieu à une adaptation télévisée, Dérapages, déclinée en six épisodes.
Les candidats à un poste sélectionnent les candidats à un autre poste : je me dis que décidément, le système entrepreneurial est drôlement au point. Il n’a même plus besoin d’exercer l’autorité, les salariés s’en chargent eux-mêmes. Ici, le coup est assez puissant : avant même d’être embauchés, nous pourrons quasiment licencier les cadres en place les moins performants. Les entrants créent les sortants. Le capitalisme vient d’inventer le mouvement perpétuel. |
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