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BLANDINE LEJEUNE |
Dernier Tango à LilleAux éditions RAVET-ANCEAU - POLARS EN NORD |
968Lectures depuisLe samedi 18 Janvier 2014
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Une lecture de |
Après le Dernier tango à Paris, film publicitaire pour le beurre, et le Tango corse, immortalisé par Fernandel, voici le Tango Ch'timi. Alors qu'il pensait avoir terminé sa journée avec son client habituel, Fabrice Chevalier, un homme qu'il suit depuis des années sans progrès notables, le psychanalyste Daniel Libbovitch est importuné par un coup de sonnette à la porte d'entrée. Pourtant il n'avait pas prévu d'autres clients d'autant que sa soirée est consacrée à sa passion du tango et qu'il n'a plus qu'à s'habiller en conséquence. Car Daniel Libbovitch est un amoureux du tango et des femmes, l'un rapprochant les autres, le psychanalyste étant un consommateur effréné de la gent féminine. Malgré son mariage avec Nadine, mais cela fait si longtemps. Et à soixante-ans Libbovitch enchaine les conquêtes. Jeunes de préférence mais pourvu qu'elles soient belles, l'âge importe peu. La dernière en date, une quadragénaire, se prénomme Sonia. Fabrice Chevalier parti, il va chercher son ultime patient qui l'attend de main ferme en tenant un couteau. Le lendemain la dépouille du psy est découverte par Fabrice Chevalier, qui avait réussi à obtenir un nouveau rendez-vous, non noté sur l'agenda du thérapeute Le commissaire Boulard qui vient de clore en compagnie de ses deux adjoints une enquête difficile est chargé de découvrir l'assassin. Les trois hommes pensaient pouvoir bénéficier d'un peu de repos, d'autant qu'en cette fin de mois de juin, une chaleur caniculaire écrase l'agglomération lilloise. Il faut faire avec les événements, mais surtout tenter de résoudre l'énigme au plus vite, car ils ne veulent pas que l'enquête empiète sur leurs vacances prochaines. Le commissaire Boulard, afin de mieux appréhender les données, dispose sur son bureau de petits santons censés représenter les différents suspects. D'abord Fabrice Chevalier, le seul homme, le seul et dernier témoin connu ayant vu la victime encore en vie le soir du meurtre. Puis Nadine sa femme discrète, atteinte d'un cancer et qui depuis des années ne pouvait plus assumer sa libido; Sonia, la maîtresse en titre, mais pas unique, et partenaire de danse; Lola, la fille de Sonia qui apprend avec stupeur que son amant folâtrait avec la mère et la fille; Barbara, jeune femme qui pratiquait le tango comme une danseuse étoile mais qui a disparu depuis quelques mois; Valérie, psychologue experte auprès de la cour d'appel de Douai et amoureuse de quelques-unes des maîtresses anciennes ou actuelles de Libbovitch et son ennemie notoire; enfin une jeune fille que Chevalier aurait prétendument croisée lorsqu'il se rendait au cabinet du psy. La mère de Libbovitch est écartée du lot car octogénaire. Mais bientôt l'un des santons regagne le tiroir d'où il avait été extirpé. Celui représentant Chevalier, lequel a abandonné le combat en se suicidant. Très professionnel Boulard s'inscrit dans un cours de danse afin d'apprendre les rudiments de cette danse argentine, et ses progrès sont époustouflants. Pourtant il répugne à jouer le rôle d'une femme dans les bras d'un homme. On a sa fierté, mais comme lui fait remarquer Micelli le professeur qui est en même temps le président du club de danse des tangueros, à l'origine les hommes dansaient entre eux le tango. Boulard est assisté dans son enquête par la jeune docteur Callens, professeur en psychiatrie criminelle, dont il apprécie la justesse de raisonnement alors qu'il avait un à priori lors de leur première rencontre.
Blandine Lejeune trifouille l'âme, farfouille les pensées, analyse les actes, décompose les actions et dissèque le passé de tous les intervenants de cette histoire, appliquant le principe de Valérie la psychologue : elle fouillait dans l'histoire personnelle de ces hommes et de ces femmes, dans leur psychologie intime, les motifs qui les avaient amené sur le chemin du crime. On pourrait croire à la lecture de ces quelques lignes, que ce roman est ennuyeux et rébarbatif, mais il n'en est rien. Blandine Lejeune sait poser le décor, faire évoluer ses personnages, les examiner tel un entomologiste, tout en imprimant à son texte une dose d'humour qui apporte une distanciation bienvenue. Pas de termes barbares, pas de didactisme, pas de psychologie de comptoir ou par trop pédagogique, mais une étude fine au service d'une intrigue fort bien menée. Un drame familial, ce qui nous change des sempiternelles histoires de flics pourris, de guerre des gangs, de trafics de drogue, le tout enveloppé de l'atmosphère envoûtante, onirique et lancinante du tango. Ce troisième roman, le second chez Ravet-Anceau, nous révèle une jeune auteure, avocate pénaliste dans le civil, qui maîtrise non seulement son sujet et son écriture mais devrait nous surprendre agréablement si elle continue dans cette voie.
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