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DENNIS LEHANE |
Gone, Baby GoneAux éditions RIVAGES THRILLER |
3032Lectures depuisLe dimanche 24 Mai 2004
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Une lecture de |
Dans "Gone, baby, gone" nous croisons de nouveau, et peut-être pour la dernière fois, la route de nos deux détectives, Patrick Kenzie et Angela Gennero engagés pour retrouver une gamine disparue. En fait c'est le destin de trois enfants que nous suivrons, trois destins dont le point de chute sera différent. Le destin? La tentation est forte de ne pas résister à en changer le cours, à lever la malédiction qui pèsent sur les innocents coupables de n'être nés que dans la mauvaise famille, et qui reproduiront plus tard devenus adultes les mêmes comportements sociopathogènes de leurs parents. C'est ce que à quoi cèderont certains protagonistes de cette histoire, et Angela elle-même, mais nous n'en sommes pas là. L'enfance martyre est donc à Lehane ce que la tornade est à Lonsdale, la chute en pleine réussite sociale à Douglas Kennedy ou le roman familial à Patricia Mac Donald. "Le monde est cruel, mademoiselle Gennero", dira Broussard, un personnage secondaire mais dont l'impact sur la fiction est majeur,"il n'a jamais fait de cadeaux aux enfants". La vie n'est pas un conte de Noël perpétuel, certains croisent la route de pervers, et c'est un accident (je veux dire par là que rien n'était écrit d'avance), mais d'autres baignent dans le gloaque dès la naissance, et c'est une malédiction. "Le monde est peuplé de monstres qui ont été un jour des bébés, des zygotes dans le ventre maternel, qui sont nés d'une femme grâce à ce seul miracle existant au vingtième siècle - et qui sont arrivés dans la vie furieux, ou pervers, ou appelés à le devenir". "Bienvenue en Amérique, dit un autre personnage secondaire, un pays où tous les adultes ont le droit absolu et inaliénable de dévorer leur progéniture". C'est le mythe de Chronos dévorant ses propres enfants et en recrachant certains formatés pour devenir à leur tour de parfaits petits ogres. Thème récurrent de Lehane, je le redis, mais toujours aussi magistralement exposé. Le chapitre 25, lorsque Kenzie et Broussard investissent l'antre de trois pervers est presque insoutenable, mais on comprend mieux le choix des protagonistes lorsqu'il s'agira d'opter pour le pire dans la légalité, ou pour ce qui est (peut-être) le meilleur en trangressant la loi. La grande richesse et la vraie réussite de ce livre résident dans la variété et la justese de la galerie de portraits qu'il nous propose, de cette pauvre conne incapable d'autre chose que de se shooter à l'alcool, à la coke et aux feuilletons débiles de la télé pour fuir la vraie vie et sa propre enfance, aux policiers qui mordent le trait jusqu'à jouer les justiciers. Une digression intéressante concerne l'opinion sur la peine de mort de Kenzie, page 287 "La société n'a ni le droit ni la compétence de juger cette question. Quand elle m'aura prouvé qu'elle est au moins capable de goudronner correctement les routes, je lui laisserai le soin de décider de la vie et de la mort". Kenzie botte en touche, c'est sûr, lui qui a démontré qu'il était capable d'éxécuter une sentence qu'il dénie à l'Etat (ou plutôt aux états, puisque nous sommes en Amérique) pour incompétence fondamentale. Le livre presque fini, c'est la croisée des chemins pour Kenzie et Generro. Chacun prendra son sac de merde pour prendre une route différente. Ces routes se recroiseront-elles? Seul Lehanne pourrait répondre à cette question. Et pourtant la vraie fin de ce livre est presque un happy-end. Presque ! |
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