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WILLIAM KATZ |
Nuits SanglantesAux éditions PRESSES DE LA CITEVisitez leur site |
1762Lectures depuisLe mercredi 17 Septembre 2014
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Une lecture de |
Vers 1988, Anne Seibert est une publicitaire free-lance âgée de trente-trois ans. Divorcée d'un mari violent désormais interné, elle s'est installée depuis trois mois à New Rochelle, dans l’État de New York. Anne est insomniaque, et les conseils du spécialiste qui la suit n'y peuvent pas grand-chose. Quand elle se lève au milieu de la nuit, il n'est pas rare qu'elle voit rentrer son voisin, Mark Chaney. Grand, robuste, âgé de trente-six ans, arborant une Rolex et conduisant sa Jaguar, c'est un homme qui respire la réussite et la séduction. Il dirige avec son ami Emil Welder une florissante société de conseil financier. Son habitude de rentrer à plus de trois heures du matin est due à ses voyages d'affaires, semble-t-il. À son amie Carol, Anne avoue qu'elle se sent attirée par son charmant voisin. Au contraire, Mark Chaney est gagné par la paranoïa. Il imagine que, si Anne est debout à l'observer chaque nuit, c'est qu'elle le surveille. Qu'elle est chargée de mener une enquête sur lui. Qu'elle représente donc un danger contre lequel il doit réagir. Sous son allure si classieuse, Mark Chaney est un assassin. Souvent, la nuit, il ramène ses victimes dans le coffre de sa Jaguar. Il les descend dans sa cave verrouillée, ultra-sécurisée, les place dans un congélateur. Ses cibles ne sont pas choisies au hasard. Il s'agit de personnes qui ont autrefois causé du tort à Emil Welder et à lui-même. Adolescents au lycée de Bell Grove, suite à des dénonciations, on les traita comme des malfaisants. Ils passèrent quatre ans dans une institution, ce qui justifie l'implacable vengeance de Mark Chaney. Anne dort mieux depuis les prémices de cette relation avec son voisin. Il l'a invitée un soir chez lui, l'autorisant à visiter entièrement sa belle maison. Ce qui excite plus encore la paranoïa de Mark, lequel songe à provoquer un faux suicide de la jeune femme. Trop de risque d'amener la police dans leur quartier, se raisonne-t-il. Pourtant, leurs maisons sont déjà surveillées à leur insu. Car, suite aux soupçons du FBI sur les activités financières de Mark, l'équipe du policier Angelo Garibaldi s'intéresse à eux. Y compris au cas d'Anne, qui pourrait être la complice de Mark Chaney. Après une sortie en couple pour une balade dans la région, Anne doit partir en mission à Detroit. Mark en profite pour faire une visite clandestine chez elle, remarquant son appareil photo et une arme à feu. De Philadelphie, où il a retrouvé son ancien proviseur, en passant par Washington, où habite la psy qui traita le cas des deux ados, jusqu'aux environs du campus d'Amherst, le voisin d'Anne poursuit son périple criminel. Quelque peu jalouse de ces voyages mal expliqués, la jeune femme ne réalise pas la dangerosité de la situation… Ce qui est épatant dans un tel suspense, c'est que nous avons sous les yeux l'intégralité des faits. Ce faisant, William Katz respecte la loi n°2 édictée par S.S.Van Dine dans ses “Vingt règles pour l'écriture de romans policiers” : «L'auteur n'a pas le droit d'avoir recours, vis-à-vis du lecteur, à des ruses et des procédés autres que ceux utilisés par le criminel à l'égard du détective.» Certes, les policiers ne jouent qu'un rôle accessoire, mais le lecteur n'est aucunement trompé par l'auteur. L'assassin, maladivement intrigué par les insomnies de sa voisine, son complice, la série de meurtres et les cadavres ramenés dans le coffre de voiture, tout est raconté. Et pourtant, l'intrigue fonctionne à merveille. Face à ce cruel voisin, William Katz évite même la facilité artificielle de charger l'ambiance. Si «Le véritable roman policier ne doit pas comporter d'intrigue amoureuse» disait aussi Van Dine, l'auteur détourne cette idée. Anne est une victime potentielle, oui, mais rien ne vient vraiment l'effrayer. C'est dire que, loin d'être glauque, on nous présente l'histoire avec une belle subtilité. Dans la tradition, un suspense impeccable, tout simplement.
(After-Dark - 1988. Traduction de Benjamin Arnault). Parution le 11 septembre 2014. 300 pages. 21,00€. Par l'auteur de Fête fatale et de Violation de domicile.
Et dire que certains affirment que la nuit porte conseil... Atteinte d'insomnie depuis plusieurs mois, Anne Seibert allume sa lampe, se lève et s'installe dans un fauteuil du salon tout essayant de lire un journal. Elle a compté les moutons, un procédé qui n'a pas donné de résultats, elle s'adonne à des exercices respiratoires, mais rien n'y fait. De plus elle refuse de prendre des médicaments, ce dont son psychologue la félicite. Elle est rédactrice publicitaire indépendante et travaille actuellement pour une boîte d'importation de voitures allemandes, mais son manque de sommeil influe sur sa créativité. Un trouble du sommeil dont elle est honteuse et elle préfère ne pas en parler. Son voisin d'en face rentre tard la nuit et elle l'entend lorsqu'il arrive avec sa voiture, une Jaguar dont il est fier. Il se gare à l'arrière de sa villa et elle l'entend traficoter, des bruits de portières ou de coffre. Et bien évidemment cela l'intrigue. D'autant qu'il n'allume la lumière dans ses pièces que longtemps après être rentré. Mark Chancey est avec son ami Emil à la tête d'un cabinet de conseil financier. Ils se connaissent depuis leurs jeunes années de scolarité, et possèdent de nombreux points communs. Mais ses déplacements nocturnes ne sont pas tous à mettre à l'actif des placements financiers que les deux hommes conseillent à des clients désireux de procéder à une épargne à rendement élevé. Il exécute une vengeance et transporte dans le coffre de sa voiture un grand sac poubelle dans lequel il a glissé le corps d'une de ses victimes. Ils professent à l'encontre de certains représentants du corps enseignant de l'établissement scolaire de leur jeunesse un grand ressentiment. A cause d'eux Emil et lui ont séjourné durant des années lors de leur adolescence dans une maison de correction, alors quelques années plus tard il se débarrasse systématiquement de ceux qu'ils considèrent comme leurs bourreaux. Et il place méticuleusement les corps dans des congélateurs entreposés dans sa cave. La lumière chez sa voisine le perturbe. Il lui téléphone, elle lui affirme qu'elle est en train de travailler. Anne est tout heureuse de savoir que quelqu'un s'inquiète d'elle. Elle vient de divorcer d'un mari violent, d'où ses insomnies et elle pense que si elle pouvait faire la connaissance d'un homme susceptible d'apporter romantisme et chaleur dans sa vie, ses ennuis s'effaceraient. Louable intention mais Anne qui cache son état préférant évoquer de l'ouvrage en retard, devient encombrante, invasive, intrusive dans la vie de Mark. Elle s'invite chez lui avec des boissons et des gâteaux, lui demande de visiter sa maison, sa cave aussi. Là c'est plus que ne peut en supporter Mark mais il est obligé de faire bonne figure et trouve toujours une bonne raison pour ne pas contenter la curiosité d'Anne. Il profite qu'elle se rende à son travail pour examiner par les fenêtres l'intérieur de sa villa. Tout d'abord tout semble honnête jusqu'à ce qu'il aperçoive un appareil photo de qualité. Les questions se pressent en lui. Est-elle vraiment ce qu'elle affirme ou émarge-t-elle comme policière ? Alors Mark, tout sourires en dehors et ressentiments intérieurs décide de se débarrasser de cette voisine indiscrète. Il lui propose de se rendre dans un parc à Jersey Palisades, et envisage de la pousser du haut de la falaise. Mais pour cela il lui faut gagner sa confiance et surtout bien préparer son opération "bon débarras". Tout comme celle qui consiste à éliminer ses anciens professeurs et consorts. Elle lui fait des petits cadeaux qui alimentent sa défiance envers elle tandis qu'il lui propose de garder son chat lorsqu'elle-même est obligée de se déplacer à Détroit dans le cadre de son travail. Ce n'est pas tant qu'il soit un fanatique des animaux, mais ce félidé peut l'aider à réaliser un dessein qu'il peaufine.
Ce qu'ils ne savent pas, c'est qu'une équipe de la police municipale de New-Rochelle, banlieue chic au nord de New-York où ils résident, surveillent plus particulièrement les déplacements de Mark, tout au moins jusqu'aux limites de la commune. Ils n'ont pas le droit d'aller plus loin sauf si...
Dans ce roman, William Katz démontre que le petit cinéma intérieur que l'on se réalise et se projette n'est que fabulations, tout étant soumis à des impressions qui ne sont pas vérifiées. Anne Seibert par exemple à cause de sa réticence à vouloir avouer son insomnie ce qui l'entraîne sur la pente dangereuse du mensonge. De même Mark devient paranoïaque devant les avances d'Anne, supposant que celle-ci l'épie alors qu'elle ne recherche qu'un compagnon. Des maladresses de comportement de part et d'autre qui les entraînent dans une spirale chaotique, éprouvante et sujette à affrontements larvés. Evidemment le lecteur qui suit les déplacements de ces deux personnages, entre dans leurs pensées, participe visuellement à leurs actions et entend leurs conversations, Mark avec Emil, Anne avec Carol, son amie et collègue, et avec son psy, le lecteur se rend compte des bévues et des erreurs d'appréciation commises d'un côté comme de l'autre. Et ce lecteur a envie de leur souffler de prendre une autre attitude, de penser autrement, de réfléchir, de ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Parfois il vaudrait mieux réagir comme Saint Thomas que d'extrapoler à tort et à travers. Mais on ne change pas la nature humaine. Par l'auteur de Fête fatale et de Violation de domicile. |
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