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DAVID S. KHARA |
Les Vestiges De L’aubeAux éditions RIVIERE BLANCHEVisitez leur site |
2974Lectures depuisLe mercredi 1 Decembre 2010
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Une lecture de |
Après avoir lu, et été conquis par le Projet Bleiberg de David S. Khara, un ouvrage paru chez Critic, j’ai voulu savoir si son premier roman pouvait également m’enthousiasmer. Et ma réponse est positive, d’autant que cet opus qui joue dans le territoire de l’angoisse et du fantastique ouvre la voie à une nouvelle vision du vampirisme et est totalement différent dans le sujet traité avec ce fameux Projet Bleiberg qui fait couler tant d’encre actuellement en bien. Manhattan. Une série de meurtres y est perpétrée dans des appartements huppés et Barry Donovan, flic new-yorkais, se trouve en charge de cette affaire. Donovan, d’origine écossaise, flic parce que son père l’était, vit dans appartement luxueux qui donne sur l’ONU et l’Hudson River et hérité d’un oncle sans descendance. Il trimballe un passé douloureux, a suivi des séances de psychothérapie, et pour meubler ses temps libres il voyage sur le Web, s’étant inscrit dans des clubs de rencontre. La plupart du temps il est en communication avec des nymphomanes ou des personnages peu reluisants, mais les messages de Werner lui change son ordinaire. Ce correspondant s’exprime avec élégance, évoque de nombreux sujets sauf celui du sexe, et Barry peu à peu prend confiance et s’épanche sur son travail et la vague de meurtres. Werner Von Lowinsky, ainsi se nomme ce correspondant, propose à Barry, lorsque celui-ci lui apprend qu’une treizième victime vient d’être découverte, de venir le rejoindre à Manhattan. En compagnie de son coéquipier Sanderson, Barry investigue l’appartement où a été découvert le corps, une première fois, puis le lendemain il revient approfondir ses recherches. Sanderson croit apercevoir sur la terrasse où gît le corps une sorte de brume diffuse, mais il n’en fait guère plus de cas. Enfin Werner et Barry font connaissance un soir dans un bar. Werner recherche l’obscurité pour une bonne raison : c’est un vampire, mais il prend soin de ne pas dévoiler cette particularité à Barry. Né au début du XIXème siècle de parents expatriés de la vieille Europe, une mère issue de la noblesse française, un père dignitaire prussien, Werner après avoir fréquenté l’école militaire de West-Point, s’était investi dans l’entreprise familiale : une usine d’armement. Et l’avait fait fructifier, tout un étant un pacifiste convaincu. Jusqu’à ce que la guerre de Sécession vienne perturber sa vie privée et professionnelle. Depuis il vit dans un bunker aménagé sous l’ancienne demeure familiale qui est devenue un musée dédié à la mémoire de Lincoln. Ce n’est pas pour autant qu’il s’est coupé du monde. D’abord il lui faut bien se sustenter, même si ses besoins alimentaires sont restreints, et puis il s’intéresse à ce monde toujours en mutation. Il possède la télévision, il regarde des films, il a visionné Le Seigneur des anneaux plus d’une vingtaine de fois, et est un fervent admirateur de Sherlock Holmes et de Nero Wolfe. Il ne dédaigne pas à l’occasion de pratiquer l’humour, noir, répondant à Barry, qui lui demande s’il saurait tenir sa langue, je suis une tombe. En épluchant les répertoires téléphoniques des précédentes victimes, Barry Donovan et Sanderson découvrent un numéro d’appel commun à tous ces hommes. Ce numéro correspond à celui d’une jeune femme qui exerce la profession, louable en soi, permettant à ses clients de s’épancher en organisant des soirées spéciales à leur intention. Parallèlement Werner ne chôme pas et il possède des moyens plus subtils que ceux des policiers pour approcher d’éventuels suspects et s’immiscer là où Barry ne peut le faire. David S. Khara réussit à nous proposer une véritable enquête policière dont la résolution, crédible, ne doit rien à un quelconque artifice fantastique. Et les personnages principaux, qui possèdent tous les deux leurs fêlures que l’on découvre au fur et à mesure du récit et des confidences que se font les deux hommes, possèdent une véritable épaisseur. Le mythe du vampire a été exploité à moult reprises, mis à toutes les sauces, et pourtant David S. Khara parvient à le renouveler, à donner une dimension humaine à son vampire, à le rendre sympathique. Et habilement il nous transporte du Manhattan d’aujourd’hui avec ses blessures toujours présentes dans le cœur des New-yorkais après l’attentat des Twin-Towers, jusque dans les affres de la guerre de Sécession, qui a marqué un tournant dans l’histoire des Etats-Unis, mais continue de marquer les esprits. La touche de fantastique n’est utilisée que dans quelques scènes, et n’empiète pas sur le récit, et de nombreux lecteurs qui n’apprécient pas forcément ce genre littéraire devraient aimer ce roman comme ils ont déjà dégusté Le projet Bleiberg. David S. Khara s’affirme comme un auteur de tout premier plan, sachant se renouveler, et j’attends avec impatience son prochain ouvrage dans lequel on devrait pouvoir retrouver, peut-être, notre duo d’enquêteurs. DSK est désormais consacré membre à part entière du FMI (Forgeur de merveilleux et d’imaginaire).
Dans le New York d’aujourd’hui, Barry Donovan est un policier ayant du mal à surmonter ses traumatismes. Témoin des attentats du 11-Septembre, il reste très marqué par la tragédie, à titre personnel. Son refuge, c’est cet appartement confortable au cœur de Manhattan, hérité d’un oncle. Internet est pour lui une façon de se sociabiliser à nouveau, en gardant un certain anonymat. C’est à travers un tchat que Barry a sympathisé avec le nommé Werner. S’il parvient mal à cerner cet homme possédant de la culture et une grande expérience de la vie, il sent naître une amitié pure entre eux, basée sur la confiance. Avec son partenaire John Sanderson, le policier enquête sur une série de meurtres. Depuis huit semaines, une douzaine de cadavres ont été retrouvés à Manhattan. Les victimes sont des quadragénaires aisés, tous exécutés selon le même processus. Peu de points communs entre ces hommes d’affaires sans histoire. Pas d’indice non plus, c’est probablement l’œuvre d’un professionnel du crime. Lors d’une discussion avec Werner via le web, Barry évoque brièvement cette enquête. Depuis cette cave protégée où il habite, Werner aimerait bien apporter son aide au policier. Si le monde actuel l’intéresse, c’est parce qu’il est très différent de celui dans lequel il a vécu. Werner est né au 19e siècle dans une riche famille d’industriels. Lui-même développa la fortune parentale, étant fabriquant d’armes durant la Guerre de Sécession. Pour son époque, cet aristocrate actif se voulait humaniste, dans un contexte qui ne s’y prêtait nullement. Authentique mort-vivant, Werner survit depuis bien longtemps en absorbant une dose régulière de sang humain. Évidemment, hors de question d’avouer à son ami policier qu’il est un vampire. Pas encore, mais peut-être devra-t-il le faire prochainement. Pour l’heure, après une première rencontre réelle avec Barry, Werner suit l’enquête de celui-ci et de Sanderson en prenant diverses formes. Ses métamorphoses constituent un atout, mais sa force physique démesurée cause certains dégâts. Le duo de policier trouve quand même une piste. Ils rencontrent une prostituée à la clientèle aisée. Grâce à elle, ils trouvent le nom d’Édouard Taylor, 42 ans, vice-président d’une banque d’affaires, résidant près de Central Park. Il a le même profils que les précédentes victimes. Dans son appartement, les policiers découvrent un cadavre. Ce Michael Sullivan était venu exécuter Taylor, mais c’est le banquier qui l’a éliminé avant de disparaître. Werner est aussi sur la scène du crime, quasiment invisible. Il parvient à faire parler Sullivan, qui lui livre le nom de son commanditaire, un caïd mafieux. Un renseignement qu’il fait discrètement parvenir à Barry. La prostituée et un de ses gardes du corps sont retrouvés chez elle, sauvagement assassinés, tandis que le deuxième gorille est en état de choc. Alors que Werner et Barry se sont donnés rendez-vous au Waldorf Astoria, le policier est invité contre son gré chez le chef mafieux… Il s’agit du premier roman de cet auteur, qui connaît un beau succès avec son autre titre paru aussi en 2010, Le Projet Bleiberg. Les histoires de vampires et les intrigues polars ne vont guère ensemble, en général. Les “pouvoirs” attribués aux vampires suffisent pour tout résoudre en cours de récit, et pour bâcler un dénouement artificiel. Amateur de cinéma d’action et de scénarios fantastiques, David S.Khara a su très habilement déjouer ces défauts. Une véritable enquête criminelle constitue le moteur de ce suspense, avec son lot de rebondissements et de scènes surprenantes. La qualité principale, qui rend solide et crédible cette aventure, c’est la profondeur des personnages de Barry et Werner. On n’ose dire des héros, car la définition qu’en donne Werner est plutôt sombre (page 155). À près de cent cinquante ans d’intervalle, les deux hommes ont un vécu puissant et tragique, ce qui les rapproche. Certes, le caractère du dandy Werner nous titille quand il se veut supérieur, mais son parcours relativise l’agacement. Barry diffère des flics blasés, trop souvent exploités dans le polar. Il reste comme en équilibre instable sur le fil de sa vie gâchée. Évitant d’abuser des clichés, voilà un excellent roman qu’on ne peut que conseiller.
Si vous demandez au premier quidam s’il croit en l’existence des vampires, vous aurait 98,5 % de chances qu’il vous fasse la même réponse que Barry Donovan : non. Si vous demandez au premier quidam s’il convient de rester prudent et de se méfier des rencontres virtuelles croisées sur l’immense toile de l’internet, vous avez 100 % de chances qu’il vous réponde d’un seul mot : oui. Si vous aviez annoncé à Barry Donovan que l’ami virtuel avec lequel il discutait tous les soirs, via internet, était un vampire, il vous aurait probablement répondu qu’il avait d’autres chats à fouetter que de s’intéresser à de telles sornettes ; qu’il devait élucider au plus vite la série de meurtres qui secouait Manhattan ! Voilà autant d’évidences qui au final se révèlent fausses ! Car Werner Von Lowinsky, auprès de qui Barry Donovan trouve réconfort en oubliant la mort des siens le 11 septembre, est effectivement un vampire, un vampire qui lui sera tout dévoué et qui comble d’ironie l’aidera, grâce à des méthodes peu orthodoxes, à clôturer son enquête. David S Khara, le très remarqué auteur du « Projet Bleiberg », se lance dans ce qui s’annonce comme une série aussi palpitante que cynique autour du personnage du vampire issu des atrocités de la guerre de Sécession. Son talent de conteur ainsi qu’à son imagination débridée présage pour le moins du sublime.
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