|
|
LAUREN KELLY |
Masque De SangAux éditions ALBIN MICHELVisitez leur site |
1899Lectures depuisLe mercredi 22 Decembre 2010
|
Une lecture de |
Chateauguay Springs est un petit village sur la rive gauche de l’Hudson, dans la région de Newburgh. Non loin de cette bourgade, Drewe Hildebrand a hérité de son mari une propriété de quarante-cinq hectares. Outre la vaste demeure, ce domaine abrite une colonie d’artistes en résidence, dirigée par Marcus Heller. À une centaine de kilomètres de New York, ce refuge pour les créateurs fut installé voici plusieurs décennies par le défunt mari de Drewe. Cette mécène possédant des galeries d’art réputées n’hésite pas à y exposer des œuvres controversées. Son soutien aux artistes de talent lui vaut autant d’ennemis que d’admirateurs, dont certains ne sont que de vils flatteurs. Si Drewe Hildrebrand apparaît excentrique, extravertie, elle n’est pas naïve. De son vrai nom Eileen Straube, elle a fui depuis longtemps son milieu pour s’intégrer à l’univers artistique. Elle fut proche d’Andy Warhol, peut-être une des rares à comprendre son esprit. Ambitieuse, charismatique, vampirisant son entourage, elle devint au fil des ans incontournable. Sa relation avec Virgil West, artiste à la renommée méritée, fut assurément complexe. Deux caractères fort n’entraînent pas un couple d’amants parfaits. Depuis quelques temps, Drewe se passionne pour l’idée inventive du sculpteur Xenia, créateur d’un masque de sang. Une lubie passagère de bienfaitrice, peut-être. Autour d’elle, règne un mouvement permanent qu’elle anime et, parfois, subit. La vieille domestique Magdalena s’occupe de l’intendance du domaine, avec le chauffeur Noah. Début avril 2003, une jeune fille est retrouvée errante dans les bois, frisant une l’overdose de Chrystal Meth. Il s’agit de Marta, la nièce de Drewe Hildebrand, âgée de dix-neuf ans. Elle vit à Chateauguay Springs depuis quatre années. Sa tante l’a recueillie suite à un scandale familial, contre l’avis de l’acrimonieuse mère de la jeune fille. Annemarie Straube devint alors Marta. Drewe lui paya des cours dans les écoles les plus huppées, telle la Woodstock Academy (pour élèves “aux besoins spécifiques”). Introvertie, n’étant attirée ni par la drogue ni par le sexe, Marta était fascinée par cette tante au caractère particulier — confidente, autoritaire ou bienveillante, selon son humeur. Marta se sentait attirée par Virgil West, sorte de mimétisme vis-à-vis de Drewe ? Par le chauffeur Noah, aussi. Sortant difficilement de son état comateux, Marta témoigne par bribes de cette soirée de l’enlèvement. La domestique Magdalena ne perd pas espoir, pensant qu’on va retrouver vivante Drewe Hildebrand. D’ailleurs, on découvre bientôt la Jeep vide de la disparue. Cette affaire a-t-elle un lien avec la mort par overdose de la jeune Tania, habitant la propriété, que Marta n’a pas connue ? Ou plutôt avec ces fanatiques catholiques qui ont souvent menacé Drewe ? Cette piste semble plausible, d’autant qu’un de ces intégristes cinglés finit par revendiquer le kidnapping. Pourtant, on est bien loin encore de la vérité… Lauren Kelly est le pseudonyme utilisé pour ses romans à suspense par Joyce Carol Oates, écrivaine américaine née en 1938, au talent universellement reconnu. Il n'est pas utile d’attribuer une étiquette “thriller” ou même simplement “polar” à ce genre de roman. On peut parler d’une intrigue psychologique, dans laquelle le contexte prime sur l’aspect purement criminel. La narratrice joue le rôle d’une Candide, découvrant le monde new-yorkais des arts. Le mécénat couvrant l’aspect financier, ce sont l’idée du pouvoir (de décider qui a du talent) et la vanité artistique dans cet univers qui retiennent l’attention. La jeune Marta ne s’y intègre pas aussi aisément que le fit sa tante, plus volontaire qu’elle. Il est vrai qu’elle eut la chance de fréquenter la Factory d’Andy Warhol. L’agression et la disparition de Drewe gardent longtemps leur mystère, définitivement peut-être ? Quand revient le réalisme, la vraie vie avec ses sentiments, l’explication arrive à son tour. Si les évènements et les portraits des personnages sont finement dessinés, la part énigmatique de l’histoire est aussi très subtile. Un excellent roman comme celui-ci se lit avec un vrai plaisir. |
Autres titres de |