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DAY KEENE |
Deuil ImmédiatAux éditions SERIE NOIREVisitez leur site |
1556Lectures depuisLe jeudi 12 Fevrier 2015
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Une lecture de |
To Kiss or to Kill - 1951. Traduction de Robert Scipion. Parution juin 1956. 256 pages. Réédition Carré Noir N°109. Mars 1973. 256 pages. Et quand on dit Immédiat, c'est tout de suite...
A peine sorti de l'asile, où il avait été interné sur sa demande, Barney Mandell découvre une jeune femme assassinée dans sa chambre d'hôtel. Il se souvient très bien avoir été accosté par elle dans un bar, avoir refusé de coucher avec, puis ingurgité un nombre impressionnant de whiskies dans un autre troquet. De retour à sa chambre, il avait été assommé par un individu. Lorsqu'il sort de son état comateux, c'est pour contempler cette macabre découverte. La peur le tenaille, pensant être atteint d'une nouvelle crise de folie. Il alerte cependant les policiers. Le lieutenant Rose et l'inspecteur Carlton l'inculpent et son ami d'enfance Joe Mercer, un journaliste, le vilipende. Libéré grâce à une caution versée par Curtiss, un agent du Trésor, il suit celui-ci dans son bureau. Au moment où Curtiss l'interroge sur son oncle Vladimir, ex-professeur polonais de physique émigré au Brésil, et commence à lui expliquer pourquoi le Trésor américain veut le contacter, un inconnu tire des coups de feu sur les deux hommes. Miraculeusement Barney n'est pas atteint mais Curtiss est tué. Le tueur, blessé, réussit à s'échapper. De nouveau écroué, Barney est libéré grâce à l'influence de son beau-père le juge Ebbling. Avant de retrouver sa femme Gale, qui devait l'accueillir à sa sortie de l'hôpital psychiatrique mais a été retardée dans son voyage de retour des Bermudes, Barney rend visite à sa mère dans le quartier derrière les abattoirs. Il est fraîchement reçu par Pat et John, ses amis d'enfance devenus policiers, et par Rosemary, leur sœur secrètement amoureuse de lui. Quant à sa mère, elle n'a jamais reçu les 37 000 dollars que Gale devait lui faire parvenir par petites sommes toutes les semaines. Il retrouve enfin sa femme qui lui joue son numéro de charme. En compagnie d'André, le chauffeur, ils partent pour la résidence du juge Ebbling à Lake Forest. Celui-ci semble mal en point tandis que Barney est en proie à de nouveaux délires qu'il met sur le compte d'une résurgence de ses crises de folie. Drogué, il se réveille avec dans la main un revolver, le juge Ebbling tué à ses pieds.
Deuil immédiat reprend le schéma classique de la dualité entre le Bien et le Mal, incarnés par deux femmes gravitant autour d'un homme aveuglé et manipulé par l'amour charnel et physique.
Curiosité : Sous forme d'introduction, Marcel Duhamel et ses collaborateurs précisent : Le présent livre a été publié en 1954, dans la collection Oscar. C'est la qualité de l'ouvrage et son faible tirage à l'époque, qui nous ont décidé à le réimprimer. D'autres romans de Day Keene mériteraient aujourd'hui de connaître le même sort.
Citation : C'étaient les yeux d'une vierge amoureuse, sur le point de connaître l'amour pour la première fois, redoutant et anticipant à la fois l'aventure; calculant les possibilités du plaisir et celles de la douleur, et leurs conséquences.
Barney Mandell est un champion de boxe connaissant une célébrité certaine dans la région de Chicago, autour de 1950. Il est né dans une famille d’immigrés polonais, et s’appelle officiellement Bernard Mancztochski. Il a été élevé dans le quartier des abattoirs, le plus pauvre de Chicago. Ma, sa mère, y habite toujours, ainsi que Rosemary Doyle, leur voisine infirmière, amie d’enfance de Barney. Son père est décédé, de même que son oncle Vladimir qu’il n’a jamais connu. Cet enseignant polonais s’était, lui, expatrié au Brésil. Barney a épousé la séduisante Gale Ebbling, fille du fortuné Juge Ebbling, lequel vit dans une belle propriété de Lake Forest. Ces deux dernières années, sujet à des hallucinations pouvant entraîner des violences, Barney les a passées dans un hôpital psychiatrique. Cette épreuve est terminée pour le boxeur, qui est sorti le jour-même. Il s’est installé dans un hôtel de Randolph Street. En partie parce qu’il est déçu que Gale ne soit pas présente, il a passé la journée à s’enivrer dans des bars. Agressé dans sa chambre d’hôtel, Barney découvre bientôt le cadavre d’une blonde dans sa salle de bains. Cette Virginie Marvin l’avait allumé quelques heures plus tôt, mais il ne lui avait pas cédé. Barney est presque sûr de ne pas avoir tué cette fille. Il pense fuir, mais manque d’argent. Alors, autant qu’il appelle la police. Appartenant à une famille de flics, Rosemary le rencontre en cellule. Elle ne le croit pas coupable. Mais c’est évidemment l’intervention du Juge Ebbling qui s’avère capitale. Si l’enquête se poursuit, les charges contre Barney semblent occultées. M.Curtiss est un agent officiel du fisc, qui paraît informé dans les détails de tout ce qui concerne Barney et sa famille. Toutefois, le boxeur n’en saura pas davantage, car Curtiss est abattu par un inconnu. Barney ne peut pas exclure avoir été lui aussi visé. Prévenir la police ? Non, il a hâte de rejoindre Gale à l’hôtel. Mais avant, il fait un détour par chez sa mère. Où se trouve Rosemary, mécontente contre Barney, et surtout Pat Doyle, le frère policier de la jeune femme. Ce dernier reproche au boxeur d’avoir laissé sa mère sans soutien financier depuis deux ans, Ma ayant vécu de la charité du voisinage. Ce n’est pas ce qu’avait prévu Barney pour sa mère, pourtant. De nouveau, il va être interpellé par les policiers, concernant cette fois le meurtre de M.Curtiss. Cette fois, son beau-père s’est carrément déplacé pour le sortir de prison. Voiture avec chauffeur, prestige du personnage, Barney n’a d’autre choix que de jouer "profil bas" face au Juge Ebbling. Il ne sait trop si une caution a été versée. Dans un premier temps, il rejoint Gale à l’hôtel, pour des retrouvailles torrides. Puis le couple quitte Chicago, pour la maison des Ebbling, à Lake Forest. L’inspecteur Carlton et le lieutenant Rose viennent jusqu’à là relancer Barney, qui redoute de sombrer à nouveau dans un état psychologique le renvoyant à l’asile… (Extrait) “Alors on le regarderait comme on regarde un fou. On annulerait sa caution et on le retiendrait, comme témoin, sans même lui donner le temps de voir Gale. Mandell se remit à transpirer. La police pouvait tout aussi bien penser qu’il avait tué Curtiss. L’inspecteur Carlton le considérait comme un assassin. La dernière chose que Carlton avait dite, c’était : "Je mettrais ma tête à couper que Mandell était avec la souris, et qu’il l’a descendue." Le jour commençait à éclairer la fenêtre. Les périodes de silence, entre les grondements du métro, diminuaient au fur et à mesure que le rythme du jour croissait pour acheminer le premier flot matinal. Il y eut un bruit précipité, quelque part dans l’immeuble. Dehors, dans le couloir, des portes de fer s’ouvraient et se fermaient ; c’étaient les groupes d’ascenseurs qui s’étaient mis en marche.” Écrit en 1951, “Deuil immédiat” fut le cinquième roman signé Day Keene (1904-1969). On peut préférer son titre original “To kiss, or kill” (Embrasser ou tuer), plus évocateur. Paru en 1954 dans la collection Oscar, peu diffusée, il trouva sa place en 1958 dans la Série Noire, dont l’auteur était déjà un des piliers. Il fut réédité en poche dans la collection Carré Noir en 1973. Day Keene reste un des experts du roman noir de l’après-guerre. En examinant une intrigue telle que celle-ci, on réalise à quel point elle est finement pensée et fort bien construite. Il ne s’agit pas simplement de présenter un héros accusé à tort, qui s’enferre dans la position de coupable idéal. L’auteur ne noircit pas les situations, mais il entretient des questions énigmatiques autour du personnage central. Barney Mandell n’est pas un quidam ordinaire. Issu d’une modeste famille de Polonais, son parcours ascensionnel plaide pour lui : c’est un type réglo. Ce qu’il rappelle ainsi à un de ses amis du quartier : “Je ne vous ai rien fait et vous me traitez comme une merde. Je suis fort en gueule, je suis un gars prudent, je suis un voyou de derrière les abattoirs, à qui un petit succès sur le ring et un riche mariage sont montés à la tête. Tout ça c’est des conneries. Vous le savez. Pourquoi est-ce que je n’aurais pas une bonne opinion de moi-même. Je suis en haut de l’échelle, à côté des meilleurs gars de ma série. J’ai gagné un tas de fric avec mes poings…” Peut-être a-t-il des défauts, et fut-il un temps ébranlé par les coups au point d’être interné, mais c’est quelqu’un qui n’a rien à se reprocher. Et c’est ainsi qu’on le suit dans ses mésaventures, qu’on espère qu’il se tirera du pétrin, car on est confiant quant à son innocence. Les romans de Day Keene étaient d’excellents polars, il faut s’en souvenir. |
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