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THEODOR KALLIFATIDES

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Theodor KALLIFATIDES




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

Divorcée sans enfant, Kristina Vendel est âgée de trente-quatre ans. Elle est commissaire de police à Huddinge, localité suédoise du sud de Stockholm. En ce mois de décembre, elle peine à se remettre d’un épisode traumatisant. Kristina a été enlevée, séquestrée et droguée, des photographies témoignent de rapports sexuels avec ses kidnappeurs. Elle n’est sûre de rien quant à cette épreuve, mais elle a bientôt la preuve que circulent ces clichés salaces. Kristina ne confie pas son désarroi à son père Karl Vendel, veuf d’origine allemande. Ce dernier envisage d’ailleurs une nouvelle vie avec Angelika, une femme qui vient elle aussi d’Allemagne. Ce n’est pas non plus auprès de ses collègues que Kristina pourra améliorer son moral, chacun ayant ses propres préoccupations. Quant au policier acariâtre Arne Svedling, il ne cache guère son hostilité contre la jeune femme.

Mikal Gospodin est un ancien baroudeur russe, devenu un exécuteur dans la sphère des truands. Néanmoins, Kristina entretient de bons rapports avec cet homme brutal. Mais il n’aura pas le temps de l’aider, comme elle le souhaitait, à résoudre l’affaire de son propre enlèvement. Mikal est abattu par une femme, qui l’a approché sans qu’il se méfie. Arne Svedling n’est pas loin de soupçonner Kristina de ce meurtre. En réalité, il a été commis par Kemal Fahed, un tueur capable de se grimer en femme. Ce Kurde fait illusion, car il est très séduisant, avec des traits un peu féminins. Pourtant, c’est un ancien combattant pour la cause de son peuple qui traversa des périodes sombres, et qui reste sans pitié. Il supprime sa jeune complice Gabriella Larsson peu de temps après avoir tué Mikal, avant de rejoindre sa sœur Assine, vingt ans, handicapée en fauteuil roulant.

Alors qu’elle vivait en France, développant son talent pour le jeu d’échecs, l’adolescente Assine fut intime avec Alain Karpin, un grand maître de cette discipline. Ce dernier est de passage en Suède, où Kristina Vendel a pu l’observer lors de rencontres. Après avoir reçu la visite nocturne d’une mystérieuse femme, Karpin est retrouvé mort dans sa chambre d’un hôtel de grand luxe. Le policier Svedling imagine encore incriminer Kristina. Lorsque Kemal est blessé à l’occasion d’une altercation dans un bar, la commissaire rencontre sa sœur Assine. Confusément, elle se souvient d’eux, qu’elle a vus lors de la prestation de Karpin. Kristina s’avoue très attirée par le beau Kemal. Mais c’est grâce à son enquête sur la mort de Gabriella Larsson qu’elle avancera dans son enquête. Et c’est lors d’un évènement mondial ayant lieu en Suède qu’elle devra y apporter une conclusion…

(Extrait) “Kemal était un homme méticuleux qui ne laissait aucun détail au hasard […] La commissaire Vendel ne sortit pas. Kemal passa devant la maison, poursuivit un bout de chemin en remontant la rue, changea de trottoir et fit lentement demi-tour. Lorsque Kristina sortit de chez elle et resta un court moment devant la porte, comme si elle hésitait, il fut quand même surpris. Kemal la reconnut aussitôt à cause du concours d’échecs, où il l’avait remarquée surtout pour ses cheveux qui ressemblaient à la perruque qu’il avait coutume d’utiliser lorsqu’il se transformait en femme.”

Theodor Kallifatides est l’auteur d’une trilogie ayant pour héroïne la commissaire de police suédoise Kristina Vendel (“Juste un crime”, “Le sixième passager”, “Dans son regard”). Il s’agit ici du troisième volume, dont l’intrigue est indépendante des précédents titres. Par sa construction, le récit peut dérouter certains lecteurs. Un exemple : avons-nous besoin que soit détaillé le pedigree complet de la réceptionniste de nuit du Grand Hôtel ; alors que, par ailleurs, on a un peu tardé à nous expliquer pourquoi Assine en est arrivée à sa tentative de suicide ? Ce qui ne signifie pas que le style narratif soit malvenu, mais il nous faut par moments faire un effort pour coller à la structure de l’histoire.

Malgré cette petite réserve, “Dans son regard” ne manque pas de qualités. Bien qu’ayant été victime, Kristina Vendel n’apparaît pas telle "une faible femme", mais on sent qu’elle a perdu une part de son énergie. Dans la Suède des années 2000, les femmes sont censées tout assumer à l’égal des hommes. Que l’on éprouve de l’empathie (ou une forme de pitié) pour elle n’est pas exactement le but de l’auteur. Comme certaines personnes ayant dû s’exiler pour se reconstruire, telle Assine Fahed (ou l’écrivain V.S.Naipaul), la commissaire est à un tournant de son existence. À la fois traquer le crime et penser à son futur n’est évidemment pas simple. L’intrigue est empreinte de cet aspect "humain".

Notons encore que, bien sûr, l’auteur évoque le contexte de la Suède, fut-ce en filigrane. Les habitants de ce pays nordique se sont toujours montrés bienveillants en accueillant des étrangers ayant besoin d’un refuge, d’un nouveau départ. Même si les mystères de l’assassinat d’Olof Palme en 1986 ont pu rendre certains Suédois moins ouverts. Un roman quelque peu "en marge du polar" par sa tonalité, ce qui n’est absolument pas un défaut.

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