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MICHAEL KATZ KREFELD |
La Peau Des AngesAux éditions ACTES NOIRSVisitez leur site |
761Lectures depuisLe mercredi 2 Fevrier 2017
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Une lecture de |
Au Danemark, Thomas est un policier en arrêt maladie. Il possède un appartement, mais préfère vivre avec son chien sur son voilier à quai, le Bianca, qui a besoin de réparations. Alcoolique et bagarreur, Thomas n’est pas prêt de réintégrer la police. C’est à la suite de la mort de sa compagne avocate Eva, que sa situation a dégénéré. Eva a été tuée chez eux par un cambrioleur, mais l’enquête des policiers danois n’a abouti à rien. Malgré son allure peu engageante, Thomas compte encore des amis. Il y a Eduardo, son voisin de quai, qui vit sur un ketch. Son collègue flic Mikkel, qui voudrait le voir redevenir sain. Le patron de bar Johnson, qui doit souvent se gendarmer contre Thomas. L’antiquaire Victoria, qui le supporte tant bien que mal. Preben Larsen, responsable du port, n’est qu’à demi sévère à l’égard de Thomas. Johnson s’adresse à Thomas pour une mission délicate. Originaire de Lituanie, Nadja est sans nouvelle de sa fille de vingt-trois ans Masja. Bien que peu excité par une enquête, d’autant moins qu’il y a trois ans qu’elle ne répond plus, Thomas accepte de chercher des éléments sur Masja. Il comprend rapidement qu’elle se prostituait, ce que lui confirme son ami policier Mikkel. Il interroge Rosa, vieille connaissance qui dirige un refuge hébergeant d’ex-prostituées. Elle suggère que des mafieux russes sont sûrement derrière l’affaire. Igor, ancien mac de Masja, a tort de jouer au dédaigneux avec Thomas. Celui-ci le secoue et lui met la pression, afin qu’Igor avoue les raisons de la disparition de Masja. C’est bien à cause de lui, d’une dette de jeu énorme à rembourser, qu’à commencé l’enfer pour elle. Trois ans plus tôt, la jeune femme fut cédée à une bande, qui la revendit bientôt au nommé Vladimir Slavros. Ce vétéran russe de la guerre de Tchétchénie s’est reconverti dans les trafics d’armes, de stupéfiants, et dans l’exploitation forcenée de la prostitution. Il s’est implanté en Suède. Bien que connu des services de police, Slavros réussit à passer à travers les mailles du filet. Avec Masja, il s’est affiché conciliant, mais les dures réalités ont rattrapé la prostituée. Les "taureaux", ses clients, c’est difficile mais supportable. La vie au club de Slavros, entre les sbires du caïd et les autres putes, devient oppressante. Elle consigne tout cela dans son cahier intime, au fil des ans. Masja a tenté de s’enfuir un jour avec une amie prostituée, mais ça a viré au drame. Et la police suédoise ne s’est pas montrée vraiment curieuse, s’agissant de mafia russe et de prostitution. Thomas a recueilli ce qu’il pouvait comme informations sur Masja. La mère de celle-ci et le patron de bar Johnson l’incitent à aller la rechercher en Suède, même si rien ne prouve que Masja soit encore en vie. Sur place, Thomas contacte l’amical policier Karl Luger, qui le dirige vers Arkan, mafieux Turc emprisonné, ex-complice de Slavros. Toutefois, la police suédoise a fort à faire avec le cas d’un psychopathe momifiant des putes de l’Est. Il est vrai que celui-ci débuta adolescent son parcours criminel. L’Arizona Market est une zone de non-droit aux abords de Stockholm, où aurait peut-être échoué Masja. Dangereux pour Thomas de s’attaquer seul frontalement aux activités de Slavros !… (Extrait) “— En tous cas, je pense qu’on a très peu de chances de la retrouver maintenant. Elle fait désormais partie de la statistique. — Quelle statistique ? — Celle selon laquelle, chaque mois, cinq mille filles de l’Est franchissent les frontières de l’Union européenne dans l’espoir d’une vie meilleure. La plupart retournent chez elles au bout de quelques années, après avoir été exploitées jusqu’à l’épuisement, mais certaines disparaissent purement et simplement de la surface de la terre pendant leur séjour ici et on ne les revoit jamais…” Certes, Thomas Ravnscholdt n’est pas le premier flic dépressif sur la mauvaise pente, servant de héros dans des romans à suspense. Quand on sait que son sobriquet “Ravn” signifie “corbeau” en langue danoise, c’est symbolique de la noirceur néfaste et malsaine du personnage. Néanmoins, malgré sa marginalisation et sa part d’agressivité, Thomas nous apparaît plus honnête et sympathique qu’on pouvait le craindre de prime abord. La passivité de ses collègues policiers danois et scandinaves se concilie mal avec sa fougue, sa capacité à brusquer les enquêtes. C’est donc officieusement, sans plaisir, qu’il accepte de se renseigner sur une prostituée dont la disparition n’inquiète que la mère de celle-ci. L’autre ligne principale de l’intrigue, c’est le sort de la jeune Masja. C’est "en immersion" dans la nébuleuse où elle s’est engluée que nous la suivons. Comment pourrait-elle aider ses compagnes d’infortune, alors qu’elle-même survit péniblement dans ces milieux ? Espoir ou avenir sont des mots bannis du vocabulaire des prostituées se trouvant sous la coupe de bandes mafieuses cruelles. On se demande si ces "mafias de l’Est" bénéficiant du trafic d’êtres humains sont tellement ciblées par les polices des pays en question, c’est un fait… En parallèle, l’auteur nous raconte comment le psychopathe suédois – auquel Thomas va aussi s’intéresser – en est arrivé à ses crimes monstrueux. Il ne s’agit pas d’un roman d’investigation ou d’énigme, puisqu’on nous donne les clés des diverses situations. Par contre, c’est une histoire très riche par ses ambiances sombres, ses protagonistes avec chacun leur psychologie, sa part de violence, ses décors frisquets et, surtout, par le caractère (plus volontaire qu’il ne l’admet) de Thomas, au cœur de ce récit humain, désespérément humain. |