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GERALDINE JAUJOU |
La GuérisseuseAux éditions J AI LU |
847Lectures depuisLe vendredi 15 Septembre 2012
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Une lecture de |
Anna Kaleban a trente-quatre ans. Ayant fui Reims dans sa jeunesse, elle a connu la prison six ans plus tôt, avant de se réinsérer comme masseuse à domicile grâce à un vieux juge, Lucien. Anna a de vagues projets d’avenir avec son compagnon, Serge. Rageuse et désargentée, elle est de retour dans sa ville natale, où habite sa grand-mère Yvonne Kaleban, qui l’éleva. Elles sont en froid depuis longtemps, ces deux caractérielles ayant toujours eu des relations conflictuelles. En arrivant dans le quartier rémois du Petit Béthény, Anna apprend que La Vieille vient de mourir d’empoisonnement. Autrefois herboriste, la guérisseuse Yvonne se soignait elle-même par un mélange de plantes. Probablement s’agit-il donc d’une erreur de dosage. Même si la légiste Florence Delacourt conclut en ce sens, elle ne peut exclure un crime. Faute d’autre éventualité sérieuse, le policier Cochin ne tardera pas à clore l’affaire. Yvonne s’est empoisonnée par un surdosage, voilà tout. Anna est accueillie par la voisine âgée de sa grand-mère, Dorothée, et son mari invalide. Cette dame avoue sa grande admiration pour Yvonne. Elle loge Anna, avant que celle-ci ne puisse s’installer chez La Vieille. En effet, la jeune femme cultive en elle ses rancœurs contre celle qui ne lui exprima guère de tendresse. Aux obsèques, organisés par Dorothée, Anna se sent en décalage par rapport à toutes les opinions positives qui encensent la défunte. Les gens soignés par la guérisseuse témoignent des bienfaits qu’elle apporta. Chez le notaire, Anna se rend compte qu’elle va disposer d’un bel héritage. Encore qu’elle pense vendre très bientôt la maison d’Yvonne, une demeure qu’elle redécouvre non sans une part de nostalgie. “Vous êtes la seule responsable de la mort de votre grand-mère. Quittez les lieux ou des révélations seront faites”, tel est le texte de la première lettre anonyme reçue par Anna. La menace n’en restera pas là. La légiste Florence Delacourt aimerait bien récupérer les cahiers où Yvonne notait ses recettes. Elle saurait en tirer parti, pour son propre prestige. Dorothée est également intéressée, davantage pour soigner son mari semble-t-il. Anna s’agace de cette foi aveugle que des visiteurs portent aux préparations d’Yvonne. Quand elle met KO un intrus, Anna s’aperçoit que c’est Frédéric, son cousin handicapé mental dont elle n’avait jamais entendu parler. Depuis peu, Yvonne l’avait pris sous sa protection. Frédéric s’est caché durant deux semaines dans le grenier, entre-temps. Anna est sûre de ne pouvoir gérer seule le cas de l’handicapé. Elle ne peut pas s’appuyer sur l’éducateur Mattéo, mais la thérapeute Léandra ne sera pas inutile. Anna n’en est pas encore à éprouver de l’affection pour Frédéric. Dorothée présente à Anna la vieille confidente de sa grand-mère, Simone. L’hostilité éclate vite entre elles. Avec le jardinier Julien, vieil ami de sa famille, le contact est nettement meilleur. Même si Dorothée n’exclut pas un possible suicide d’Yvonne, la question du crime reste posée pour Anna. Car si sa grand-mère connaissait les secrets des plantes, peut-être en gardait-elle d’autres. Sur ses proches ou sur certains de ceux qu’elle soignait. Si Yvonne se montrait dure, c’est que la vie ne l’avait pas épargnée. Peut-être Frédéric et Anna sont-ils plus en danger que ne l’imagine la jeune femme au caractère trop vif… Rien à voir avec un noir polar au contexte tendu ou violent, ni même avec un classique roman d’enquête bien balisé. Un authentique polar d’atmosphère, c’est ce que nous propose l’auteure : “Elle avait eu tort de croire, en venant à Reims, que seuls les plus mauvais souvenirs remonteraient à la surface. Chaque coin de pièce, chaque détail de tapisserie était l’évocation d’une conversation avec La Vieille, d’un mot qu’elle avait eu. D’une fête ou d’un chagrin. D’un fou rire partagé, d’une prise de bec impitoyable.” À la base, juste un crime incertain n’entraînant pas de lourdes suspicions. Au cœur de l’histoire, une héroïne devant assumer une expérience de vie inattendue. Entre force personnelle et doutes sur sa capacité à traverser l’épreuve, elle baigne dans un climat assurément moins paisible qu’il y parait. Épisodes du passé, sourde menace et hypocrisie s’ajoutent à cette subtile ambiance psychologique. Raconté sans précipitation, un suspense d’une belle finesse, de plus en plus captivant au fil du récit. |