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MATHIEU BLAIS JOEL CASSEUS |
ZippoAux éditions KYKLOS EDITIONSVisitez leur site |
2264Lectures depuisLe lundi 6 Mars 2012
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Une lecture de |
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ZIPPO, rien à voir avec le briquet du même nom, si ce n’est que ce petit roman porte en lui une véritable charge de fureur incendiaire. ZIPPO, c’est un acronyme mais les auteurs ne nous disent jamais de quoi. Ils ne nous disent d’ailleurs jamais grand-chose, nous traînant à leur remorque dans une obscurité inquiétante. ZIPPO, c’est une réunion internationale décisionnaire, qui réunit dans la ville en décomposition les plus puissantes « cravates » de la terre. Nuovo Kahid est le journaliste à qui l’on impose de suivre ses réunions, lui l’habitué des articles sur les rats à deux têtes dans les égouts, les combats clandestins entre claquedents, les pornoputes éventrées retrouvées tous les matins dans les fossés. Sa ville, son pays, sont ainsi. La neige est noire, elle fond près des incinérateurs où les macoutes viennent au matin jeter les corps des chômeurs abattus dans la nuit. Les vieux crèvent dans les maisons de retraite abandonnées ; parfois les macoutes viennent les achever.Il n’y a plus de loi, sauf celle du plus fort, plus que la violence dans un monde qui a passé la barre de la démence. Et au-dessus de cette humanité entrée en déliquescence, un météore énorme illumine les nuits qui reculent, sa chaleur dévore l’hiver, la fin du monde est proche. Les auteurs laissent chacun donner du sens à la quête obscure du journaliste. C’est en effet délibérément qu’on ne perçoit pas tout de sa poursuite. Nuovo Kahid chasse une image engloutie dans sa mémoire pervertie par le flot d’alcool dans lequel il noie sa peur et son désespoir. Dans l’univers extrêmement noir de Blais et Casseus, la fin du monde n’est pas à venir, elle est en marche, nous la touchons du doigt.Ces deux canadiens ont noirci à dessein la réalité dans ce roman classé par commodité roman d’anticipation. C’est un cri de rage contre le sort fait aux plus faibles dans notre existence presque entièrement citadine, c’est aussi un manifeste contre la domination mondiale de l’économie, exclusive référence des gouvernants.L’écriture porte la rage désespérée qui habite les deux auteurs. Le rythme est celui d’un staccato trébuchant ne se souciant pas toujours d’être parfaitement descriptif, laissant chaque lecteur projeter ses propres images crépusculaires. C’est un style violent, sans concession, d’une originalité totale, parfait pour rendre compte de l’anarchie qui guette et qu’on fait semblant d’ignorer. Anarchie qui, dans ce roman, a fini par gagner. Les dernières lignes ne laissent pas de doute. Le monde est fini, l’homme est fini, faut-il le regretter ? J’ai regretté, moi, de ne pas avoir quelques clefs supplémentaires tout en appréciant la construction en coups de poing. Pour moi, les images de ce ZIPPO rejoignent de façon frappante l’inoubliable Soleil Vert. Lecteur punching-ball…La littérature n’est pas toujours une réussite lorsqu’elle se met au service d’une idée. Ici, c’est le style qui crée l’idée, secouant le malheureux lecteur fasciné. L’étonnement provient plutôt de ce que, sachant que c’est bien ce monde là qui nous attend, chacun se contente d’attendre le météore. |