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HERVE JAOUEN |
Les Sœurs GwenanAux éditions PRESSES DE LA CITEVisitez leur site |
2957Lectures depuisLe samedi 2 Octobre 2010
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Une lecture de |
Né en 1890, Jos Gwenan est adopté par un brave couple du Cap Sizun. Très tôt, Jos est fasciné par la mer. Il a pensé devenir pêcheur, mais admet vite qu’une carrière dans la Royale est plus raisonnable. Après l’École des Mousses, le jeune homme s’affirme comme un solide marin. En 1913, Jos épouse Guillemette. Leur première fille, Joséphine, naît l’année suivante. Embarqué sur le Gaulois durant la Première Guerre mondiale, Jos va vivre un épisode mémorable de l’Histoire : les Dardanelles. Plus tard, il racontera maintes fois les péripéties de ce combat. Le couple a deux autres filles, Germaine et Yvonne, sœurs fusionnelles, puis une dernière Marie-Morgane. Belle, fière et intelligente, celle-ci se démarquera toute sa vie du clan familial. Jos Gwenan a aussi un frère, aujourd’hui installé dans la région d’Ancenis. Il déteste ce vaniteux Donatien, au passé trouble, méprisant envers tous car il a su gravir l’échelle sociale. Ayant épousé une châtelaine, Adélaïde, Donatien sait profiter des propriétés et de la fortune de sa femme. Ils auront tardivement un fils, très éloigné du caractère expansif de son père. Les choix amoureux des filles de Jos sont clairs : “Il n’y avait de mari possible qu’un marin comme [Jos]. Chacune des quatre sœurs Gwenan se donnerait pour la vie à l’un de ces dompteurs d’océans, promis, juré sur les obus du vaisselier, croix de bois croix de fer, et que celle qui s’en dédie aille en enfer. Joséphine était la première à avoir fait un bout de chemin vers la réalisation du serment.” Elle devient couturière dans une maison de mode à Quimper, où elle est fort appréciée de sa patronne. À 20 ans, Joséphine tombe sous le charme d’Armand, beau marin avec lequel elle va se fiancer. Désormais retraité, Jos approuve leur union. Peut-être sous l’influence de l’acariâtre future belle-mère, s’ensuit une rupture inexpliquée. L’atelier de couture quimpérois devant fermer, Joséphine est incitée par sa patronne à monter à Paris. Elle s’entend parfaitement avec les Libermann, vieux couple de Juifs du Sentier, fatalistes mais prudents. Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, ils vont tous trois s’installer à Hyères. Ils ne sont pas loin de Toulon, où Joséphine approchera quelques marins. Après-guerre, Joséphine retourne vivre auprès de ses parents, munie de belles économies mais sans mari. Ses sœurs Germaine et Yvonne épousent deux bons copains, évidemment des marins, avec la bénédiction de Jos. Marie-Morgane interrompt ses études, pour être réceptionniste dans un hôtel de luxe de Morgat. Elle se trouve un fiancé de bonne famille, issu de l’École Navale, futur officier prénommé Yves-Marie. Jos avait craint qu’il soit arrogant, mais ce n’est pas le cas. C’est plutôt du côté de Marie-Morgane qu’ils risquent des surprises. Même si son frère Donatien l’agace, Jos et les siens sont toujours en relation avec “ceux d’Ancenis”. Passent les années... Avec sa fluidité habituelle, Hervé Jaouen décrit le plus juste portrait de famille qu’il soit donné de lire. Il restitue à la perfection les ambiances (qui évoluent au cours du 20e siècle) et surtout l’état d’esprit d’une catégorie de la population. La famille Gwenan est à l’exemple de toutes celles qui, vivant près de la mer, ont produit des générations de marins d’état. Le meilleur atout du récit consiste en un chassé-croisé naturel entre les personnages. En effet, le sort de ces gens est lié. Même celui de Marie-Morgane, qui s’écarte du clan, ou de l’oncle Donatien, qui “tarabuste” les Gwenan en perturbant leur tranquillité. Prestigieux héros qui fait souche, Jos n’est pas un de ces rugueux patriarches régnant en maître, mais un homme tolérant et humaniste. Narrant volontiers “Les Dardanelles”, Jos fut aussi témoin d’un moment singulier de la Révolution russe. (Notons aussi une allusion au poète quimpérois Max Jacob.) Malgré les aléas de la vie, Jos et ses proches cultivent une forme de bonheur simple et sincère, évitant si possible de trop se compliquer l’existence. Un histoire crédible, d’une rare vérité.
Troisième volet du triptyque consacré à une famille bretonne, comme ces peintures qui racontent chacune une scène de la vie mais font un tout, collée l’une à côté de l’autre, Les sœurs Gwenan se déroule entre terre et mer, dans cette pointe du Cap Sizun offerte à l’aventure. Les deux premiers volets, Les filles de Roz-Kelenn et Ceux de Ker-Askol, étaient consacrés aux aventures de Jabel et Maï-Yann, les filles de Mamm Gwenan, décédée encore jeune dans l’indigence. Mais ce qu’elle ignorait, c’est qu’elle possédait deux demi-frères plus jeunes qu’elle d’une vingtaine d’années environ. Leur père étant décédé les deux garçons, Joseph né en 1890 et Donatien né en 1893, furent enlevés à leur mère et confiés à l’assistance publique puis placés dans des familles d’accueil, Jos en Armor et Donatien chez des fermiers du pays niortais. Hervé Jaouen nous propose de suivre les pérégrinations de Jos dans sa nouvelle famille puis de l’accompagner tout au long de sa vie maritime et familiale. Tad Bonizec et Mamm Bonizec, qui approchent de la cinquantaine, n’ont jamais eu le bonheur d’avoir d’enfants aussi l’arrivée de Jos met une touche de gaité dans le foyer. Ils ne sont ni pauvres ni riches, Tad en tant qu’ancien de la Royale assurant la pitance dans des parties de pêche en compagnie du gamin, Mamm s’occupant de la vache et du lopin de terre. Le petit Jos grandit dans cette ambiance bon enfant et sur les conseils avisés de Tad et de son instituteur, par goût aussi, il s’engage d’abord dans l’école des mousses puis c’est la voie tracée pour effectuer son service militaire dans la Royale. Il se marie avec une autochtone, Guillemette, aura une fille, Joséphine, qu’il ne verra pas grandir, la guerre de 14 requérant ses services. En 1919 c’est le retour au pays, tout auréolé de gloire. Il a participé aux combats dans les Dardanelles, une carte de visite qui exclut tout commentaire, sauf les siens car il aime raconter ses campagnes maritimes, celles au cours desquelles il aurait pu perdre la vie. Les retrouvailles d’après-guerre s’avèrent fructueuses. Deux autres filles complètent le foyer, Germaine et Yvonne, puis quelques années plus tard Marie-Morgane. Elles possèdent chacune leur caractère, même si Germaine et Yvonne les cadettes se ressemblent, physiquement et moralement. Joséphine est subjuguée par les marins, mais pour trouver l’âme sœur, c’est la galère. Elle débute comme couseuse à Quimper puis s’installe à Paris et en compagnie de ses patrons se réfugie à Hyères, près de Toulon, port où elle essaie de choisir l’heureux élu, en vain. Les deux cadettes ont plus de chance quant à Marie-Morgane, la petite dernière, c’est la fiérote de la famille, indifférente à ce qui se passe autour d’elle, taiseuse, tout le contraire d’une Cendrillon. Chacune d’elle va donc connaitre des destins différents et ce sont ces fortunes ou infortunes qui nous sont narrées avec verve, émotion, humour, simplicité comme ces contes narrés par les anciens à la veillée. Ce roman biographique, qui tourne principalement autour du personnage de Joséphine, nous entraîne de la fin du XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui et semble puiser dans des anecdotes véridiques, recueillies auprès de gens du cru. Ce qui lui donne un accent de véracité et reconstitue une Bretagne non pas de légende, mais authentique. |
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