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VIVIANE JANOUIN-BENANTI |
La Serpe Du MauditAux éditions CRIMES ET MYSTERES, CHEMINEMEN |
4036Lectures depuisLe dimanche 24 Mai 2004
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Une lecture de |
"La Serpe du Maudit" est la preuve qu'on peut trouver des livres passionnants chez de petits éditeurs inconnus du grand public. Son histoire, Pierre Rivière l'écrivit lui-même dans un cahier, que popularisa Michel Foucault dans son ouvrage, "Moi Pierre Rivière, ayant tué ma mère, ma soeur et mon frère..." L'intérêt du livre romancé et bien documenté de Viviane Janouin-Benanti est de situer cette tragédie sur les deux scènes, celle individuelle de l'histoire de Pierre Rivière, et celle de l'Histoire avec un grand H. Ainsi cette singulière trajectoire épouse-t-elle son temps, celui des ultraroyalistes et celui des sociétés secrètes, républicaines et (ou) libérales, telle celle de la charbonnerie, et donne lieu à des aller-retours jamais ennuyeux. Pierre, dont la mère aime les bébés et non les enfants, qui s'en débarrasse un beau jour en les confiant au père avec cette seule phrase, "je n'en veux plus", comme aujourd'hui certains abandonnent leur chien ou leur chat qu'ils trouvaient si mignon petit, Pierre qui adore son père acculé à la ruine et au déshonneur par une femme qui refuse d'habiter avec lui mais qui le contraint à l'entretenir et à régler ses dettes, Pierre va rentrer en psychose comme d'autre en religion. D'ailleurs c'est un paysan mystique qui connaît la Bible par coeur, habité par la passion édifiante (pour l'Église) d'Abraham levant le couteau sacrificiel sur Isaac ou celle de Jésus mourant sur la croix. Il ne sera pas le seul à manquer de recul devant les mystères de la foi, puisqu'un missionnaire (la France est devenue terre de mission après la Révolution et l'Empire) est à deux doigts de se faire lyncher par la foule alors qu'il joue le rôle du Christ gravissant le Golgotha. L'histoire de Pierre est celle d'une folie, celle d'un schizophrène, mais l'un des mérites du livre de Viviane Janouin-Benanti est de nous aider à saisir des bribes de son évolution, pour autant qu'on puisse se mettre à la place d'un psychotique. Un autre grand mérite étant la grande facilité avec laquelle on pénètre cet univers de paysans superstitieux et de notables éclairés de la Normandie pendant les deux décennies qui vont de la restauration aux quelques années qui suivirent les trois glorieuses, pour un ouvrage qu'on a du mal à lâcher et qu'on lit d'un trait.
Comprend un cahier photo de documents d’époque. 3E éditions. Parution le 1er mars 2017. 368 pages. 11,00€. Version numérique 4,99€. ISBN : 979-1095826712 Première édition : Collection Crimes et Mystères aux éditions Cheminements. Parution mars 2003. La Bible, un livre ouvrage à ne pas mettre entre toutes les mains ! Pourquoi Pierre Rivière a-t-il en 1835, à l’âge de vingt ans, tué sa mère, sa sœur et son frère ? Quels sont les évènements qui ont précédé son acte, l’amenant à commettre trois meurtres dans un petit village du Calvados ? Pierre est le premier enfant de Marie et de Basile, mais sa mère désirait avant tout une fille. Dès sa naissance, cet enfant non désiré subira les brimades maternelles tandis que le père courbera l’échine sous les récriminations de son épouse qui rêvait de devenir riche. Pourtant ce paysan travailleur ne cesse de combler comme il peut sa femme qui ne lui en sait pas gré. Le mariage était arrangé, comme bien souvent à cette époque, pourtant Basile est follement amoureux de son épouse. Pierre survit, sa mère ne l’allaitant qu’au compte-gouttes, ne s’occupant guère de lui, le rejetant. Un deuxième enfant arrive au foyer, une fille qui accapare tout l’amour de sa mère. Pierre possède un faciès qui rebute quelque peu de même que ses réactions. Il est intelligent puisqu’il apprend à lire très jeune, trouvant en la Bible une source de réconfort et d’invectives, apprenant par cœur des passages entiers. Pourtant à l’école, ce n’est qu’un cancre. Il aime sa mère même si celle-ci ne le lui rend pas et il accepte avec difficulté de partager un amour, qui n’est pas réciproque, avec ses autres frères et sœurs. Les relations se dégradent rapidement entre les deux époux et Marie met à la porte Basile et Pierre. Seulement Basile doit travailler les champs de sa femme, régler les dettes qu’elle contracte chez les commerçants du village. Parfois il a droit de coucher avec son épouse malgré cette séparation de corps. D’autres enfants naissent et échoient à Basile. Pierre est imprégné de cette Bible qui ne le quitte quasiment jamais et il ressent une profonde injustice qui le conduira un jour de colère à perpétrer cet effroyable meurtre nourri de rancœurs, de brimades.
Viviane Janouin-Benanti nous livre le portrait d’un criminel intelligent doublé d’un schizophrène, maladie inconnue à l’époque, retraçant ce parcours avec minutie, dans l’esprit d’un roman tout en empruntant la réalité puisée à travers des journaux d’époque et des archives. Héros solitaire d’une famille nombreuse, le destin de Pierre Rivière ne peut laisser indifférent. Mais l’auteur ne se contente pas de narrer cette histoire misérable dans laquelle la mère se montre particulièrement fieffée, odieuse, rouée envers son mari et une partie de sa progéniture. Viviane Janouin-Benanti l’intègre dans le contexte historique de l’époque. Ce qui au début gâche un peu la vivacité du récit, mais permet également de mieux comprendre cette société dans laquelle ne peut s’intégrer un adolescent en mal de vivre et en mal d’amour. Paul Maugendre |
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