Collection Terres de France Souvent, lorsque le mot fin écrit en noir, ou non, s’affiche sur la page blanche d’un roman, le lecteur qui a été subjugué reste sur sa faim, se posant de multiples questions, par exemple qu’est devenu untel ? Quel fut son parcours ? C’est ce que le lecteur pouvait se demander légitimement l’ouvrage Les Filles de Roz-Kelenn terminé. Il avait suivi les tribulations de Jabel et de sa jeune sœur, puis la chronique familiale s’était focalisée sur la seule Jabel. Qu’était donc devenue Maï-Yann, cette petite sœur dont elle avait été séparée ? Heureusement Hervé Jaouen revient sur cette partie occultée de l’histoire et nous retrouvons donc la gamine âgée de dix ans accompagnant une bonne sœur sur les quais de la gare de Quimper en partance pour un couvent de la Haute-Savoie. Un peu simplette, n’ayant pas la capacité de lire, d’écrire, de coudre, elle passe ses premières années de postulante à effectuer des travaux d’entretien. C’est au potager qu’elle trouve une certaine sérénité, en compagnie du père Marius, un vieux bonhomme qui les beaux jours venus monte de la vallée jusqu’au couvent à dos de cheval. Les saisons défilent, Maï-Yann grandit, le père Marius vieillit, jusqu’au jour où il décède. Il est remplacé par un jeune homme, Bénito, apparenté à la mère supérieure. Un jour, il profite de Maï-Yann, vaguement consentante, puis quémandeuse. Elle n’est qu’un jouet qui ne se rend pas compte qu’elle est devenue femme. Elle ne sait pas les conséquences que cela peut engendrer, mais la mère supérieure ne tarde pas à se rendre compte que la jeune fille est enceinte. Alors s’ourdit un projet que la gamine subit sans réaliser. Un rapatriement est effectué en Bretagne et un mariage est arrangé avec un homme chevaleresque qui accepte d’héberger la parturiente et son futur enfant. Seulement, Maï-Yann, que le besoin de satisfaire ses pulsions charnelles démange, ne trouve pas auprès de son mari l’extincteur capable de circonscrire son feu intérieur. C’est un handicapé du « pissou ». Pourtant c’est un brave qui exerce les fonctions de bedeau dans la petite église du village et de rebouteux, se conduisant en philosophe, en sage que la solitude n’effrait pas. Sa jeunesse avait connu bien des déboires, surtout lors du conseil de révision. Malgré son atrophie, aujourd’hui oubliée ou plutôt acceptée des paroissiens, c’est un homme considéré pour son courage et ses dons. Alors partager sa couche avec une pécheresse ne l’ennuie pas plus que cela d’autant que son épouse apportait en dot, grâce à une donation des religieuses, un cheval, une charrette, une vache et son petit, un fourneau à bois. Lorsque naît le petit Martial, il l’adopte. Maï-Yann qui au début acceptait de partager les taches ménagères se consacre uniquement à l’allaitement de son « mabig», mais le printemps approchant les braises se réveillent et elle s’échappe afin de trouver un mâle susceptible de lui contenter le bas ventre. Le petit Martial devient un véritable petit sauvageon, n’ayant aucune relation affective avec sa mère et trouvant en son père adoptif le soutien nécessaire pour ne pas sombrer dans la folie comme sa génitrice. Les bienfaits matériels et spirituels se télescopent dans ce roman rural dominé par la religion et ses représentants, religieuses et recteur, qui pour garder bonne conscience arrangent un mariage grâce à un marchandage, voire à un maquignonnage. Il faut que la religion soit sans reproche, balayant le scandale éventuel même si cela se concrétise au détriment d’être fragiles. Pourtant on ne peut nier que ces accommodements partent d’un bon sentiment, celui de ne pas laisser errer dans la nature des âmes faibles, des demeurés. D’ailleurs l’un des soucis premiers est d’apprendre à lire et à écrire à leurs « protégés », avec plus ou moins de réussite il est vrai. Hervé Jaouen prévient le lecteur, mettant en exergue la phrase rituelle « Toute ressemblance avec des personnes existant ayant ou ayant existés serait pure coïncidence… ». Pourtant c’est avec réalisme qu’il met en scène personnages, lieux, atmosphère, reconstitution d’événements, comme s’il avait recueilli cette histoire un soir au coin du feu. Ceux qui ont vécu en Bretagne profonde, ne serait-ce que le temps des vacances estivales, au début des années cinquante, ont peut-être le souvenir des maisons basses, les penntis, au sol en terre battue, dépourvues d’eau courante et d’électricité, et ces champs minuscules où le blé et le seigle, se coupaient à l’aide d’une faucille, de ces longues rangées de foin coupé puis entassé dans les charrettes, de tout ce qui aujourd’hui constitue un folklore mais était réalité avant-hier. Outre ce personnage pour le moins surprenant qu’est le père de substitution pour Martial, c’est tout un passé qui revit sous la plume humaniste d’Hervé Jaouen.
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