En cette fin de juin 1886, Clémence de Rosmadec est contente et heureuse pour deux raisons. Non seulement elle revient passer ses vacances dans la demeure familiale auprès de sa grand-mère et où sa parentèle la rejoindra bientôt, mais elle a aperçu à Pont-Aven, Paul Gauguin dont elle sait qu’il est un peintre en devenir et qu’elle a croisé dans un cours de dessin à Paris. Euphorique elle décide d’aller se baigner mais sa joie retombe vite lorsqu’elle découvre dans la chaloupe de Gildas, son ami d’enfance, le cadavre d’une jeune femme, Adèle, qui sert de modèle notamment à Maxime Louval, un peintre installé à Pont-Aven. Adèle négociait accessoirement ses charmes au grand dam des autochtones. Rapidement Clémence fait part de sa découverte à sa grand-mère qui aussitôt demande à André Kerlutu, un ami de la famille et commissaire de police à Paris d’aider les pandores locaux. André procède aux premières constatations en compagnie de deux gendarmes et de Clémence. La jeune morte aurait été étranglée et sous ses ongles de petits lambeaux de peau laissent à penser qu’elle aurait griffé son agresseur. Aussitôt les gendarmes présument que le meurtrier serait Gildas lui-même, hypothèse approuvée par le juge d’instruction, homme obtus et imbu de sa personne comme pourront le constater André puis Clémence. Malgré ses dénégations et l’appuis de son patron, un marin qui fait du cabotage sur la côte et jusqu’en Angleterre, Gildas est mis sous verrous. D’autant qu’il porte sur les bras des traces de griffures. Clémence, qui ressent envers Gildas une profonde affection, sinon plus, ne baisse pas les bras et toute la maisonnée, famille, employés de maison et fermiers, est soudée derrière elle, tout comme André et son neveu Erwan, lequel, amoureux de Clémence, ne ménage pas non plus son soutien. Yves Josso, qui au début des années 1990 avait signé sous le pseudonyme de Vonnick de Rosmadec, une série de dix titres mettant en scène Miss Flic, signe ici un roman à l’écriture plaisante, séduisante, ciselée, élégante, empruntant avec bonheur aux feuilletonistes du XIXème siècle le sens de l’intrigue et du style sans une once de didactisme pédant. La description du monde des artistes peintres installés à Pont-Aven et qui en feront la réputation, celle des relations entre les divers membres de la famille Rosmadec, celle aussi du paysage et du monde marin de ce petit coin de Bretagne qui s’émancipe sous l’impulsion des artistes qui vivent sans préjugés instaurant une liberté de corps et d’esprit, est un véritable hommage à un mode de vie qui se voudrait calme et serein, en contradiction avec l’égoïsme et la frénésie modernes. La famille de Rosmadec détone parmi la petite noblesse provinciale. La grand-mère se délecte à la lecture de la Comtesse de Ségur, Alexis le père de Clémence est artiste et architecte, Lysandre la mère est pianiste, concertiste de renom, L’un des oncles est médecin et l’autre homme d’église, la tante vieille fille est la bonne gouvernante intraitable de son frère qui penche trop souvent vers la dive bouteille. Clémence est artiste peintre quant à sa jeune sœur elle possède deux dons : une mémoire infaillible et celui de deviner presque les évènements, mature avant l’âge. Enfin le lecteur est invité à méditer cette réflexion exprimée par Clémence : “ Il n’est jamais bon pour l’ordre social de modifier les coutumes ”. Une déclaration qui pourrait être appliquée alors que la fièvre des réformes précipitées agite notre quotidien.
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