sainte zélie de la palud de Hervé JAOUEN


Sainte Zélie De La Palud JAOUEN195

HERVE JAOUEN

Sainte Zélie De La Palud


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Hervé JAOUEN




Une lecture de
PAUL MAUGENDRE

PAUL MAUGENDRE  

Collection Terres de France. Parution le 1er mars 2018. 400 pages. 20,00€.

Une histoire qui ne se termine pas en queue de poisson...

A l’âge de douze ans, Paolig, qui signifie Petit Paul en breton, a refusé de continuer ses études. Tant pis pour l’instituteur et le certificat d’études. Il est assez grand maintenant pour aider sa mère, marchande de poisson itinérante.

Ils habitent dans un pennti situé dans la palud de Poulguen, un endroit désert et guère aménagé. Ils vivent de peu, et cela leur suffit. La mère, Zélie, s’approvisionne à la criée du Guilvinec, puis elle vend ses poissons dans les petits hameaux environs, tirant sa carriole, allant au devant de ses clientes, et n’oubliant pas de s’arrêter, souvent, trop souvent, dans les chapelles disséminées sur son chemin. Les chapelles, euphémisme pour désigner les bars, pas les poissons, où elle s’enfile moult boissons alcoolisées. Et le soir, elle rentre le plus souvent éméchée, pour ne pas dire plus.

Mais à douze ans, Paolig aide sa mère, la ramène et la couche, afin que le lendemain elle soit à peu près vaillante pour effectuer ses tournées. Et c’est ainsi que lui aussi goûte au gwin ru, le vin rouge, puis se met à fumer. Mais à force de consommer, elle se consume, et elle n’a que trente-cinq ans lorsqu’elle décède. Paolig n’a que seize ans, et l’avenir est comme les marais, le plus souvent plongé dans le brouillard.

Alors il effectue de petits boulots, aidant les uns et les autres, puis il s’engage, après tout ce n’est peut-être pas pour rien qu’un des élèves l’avait surnommé le fils de l’Amiral. Il avait ramassé dans son filet quelques sirènes, dont une qui semble s’y connaître en matière de fraie, lui montrant comment faire afin de le dessaler et surtout se dérober au moment crucial.

Au fil des années Paolig grandit, pas forcément en sagesse, et à la fin de la guerre, il est marin pêcheur, et surtout poivrot. Un accident de pêche va lui changer la vie et il va prendre une grande décision. Ne plus boire. Et il reprend la suite des mareyeurs, ceux qui approvisionnaient sa mère, partis à la retraite, et il se débrouille mieux que ses confrères, devenant un requin dans la profession.

Et puis, un jour, alors qu’il fait sa tournée pour démarcher des restaurateurs, il tombe en extase devant une jeune fille, Marie-Morgane, l’une des sœurs Gwenan, et c’est réciproque. Lui, le vieux loup de mer, est accroché à l’hameçon de l’amour, c’est le mariage, les affaires sont florissantes, Marie-Morgane mène la barque en s’occupant de la comptabilité, des factures, de tout ce travail de bureau peu exaltant aux yeux de Paulo, devenu le grand Paulo. Et ils ont une fille, Pauline, qui appâte les clients, mais dans un autre domaine, celui de la banque et des marchés boursiers.

Hervé Jaouen nous entraîne dans le septième volume de la saga des Scouarnec-Gwenan qui pourrait être une sorte de Rougon-Macquart de Zola ou des Jalna de Mazo de la Roche, saga ancrée dans une Bretagne qui évolue au fil des décennies.

La trame de ces romans est principalement située dans le pays bigouden, au sud du Finistère, et l’auteur nous fait voyager dans le temps, à la recherche d’un passé révolu. Le lecteur sent le goût salé du large sur sa langue rien qu’en lisant les descriptions de la vie quotidienne du début du vingtième siècle jusqu’à son crépuscule.

Dans une langue fleurie, usant de métaphores amusantes dans certaines situations, Hervé Jaouen ne joue pas dans le sensationnel, il met en scènes des personnages et des situations qui sont banals et pourtant pas insignifiants. Ainsi Zélie, pocharde, qui a eu un enfant qui ne connait pas son père, et pourtant ils vivent en osmose, sans regret du passé, et ne regardant pas l’avenir comme un but à atteindre. Les journées passent, au rythme des nuages dans le ciel, et la tempête ne sévit pas toujours sur la mer. Les chaussures à bascule des marins vont aussi très bien aux terriens, houle provoquée après quelques lampées de gwin ru et de lambic, ou encore de panaché, mélange moitié Saint-Raphaël (on honore les saints que l’on veut) moitié cognac (pas de chauvinisme avec les boissons alcoolisées, il faut que tout le monde vive de son travail).

Ce qui prédomine, c’est l’amour filial que porte Paolig envers sa mère, ne lui reprochant pas sa propension à la boisson, ou le lui déclarant avec gentillesse, la couchant lorsque la marée est trop forte. Malgré toutes les vicissitudes endurées, il restera près de sa mère qui jamais n’a porté la main sur lui.

Devenu adulte, patron mareyeur, malgré le peu d’instruction qu’il possède, il ne s’en laisse pas conter, et surtout compter, par des jeunots. Ainsi lorsqu’un jeune directeur d’Hypermarché lui propose un marché sur des tourteaux à la veille de Noël. Seulement les conditions dans lesquelles ce marché est passé ne plaisent guère au Grand Paulo, qui édicte ses conditions, démontrant que les diplômes obtenus dans une école de commerce ne valent rien devant l’expérience acquise sur le terrain.

Dans une autre vie, Hervé Jaouen a aussi travaillé dans le système bancaire, et il nous fait partager son expérience personnelle via Pauline, chargée des portefeuilles boursiers, des clients divisés en trois catégories, les « prudents », les « dynamiques » et les « agressifs ».

Un roman entre terre et mer, qui nous permet de constater l’évolution de la vie quotidienne des petites gens, et comme l’a écrit Michel Embareck :

Ce n’était pas mieux avant et les lendemains sont toujours pires que la veille.

Citations :

Une femme, c’est comme un bouquet de roses, faut oublier les épines et respirer son parfum.

Nous étions instituteurs. En d’autres termes, des soutiers de l’Education nationale.

De la lanterne du phare, seul le cynisme offre une vue panoramique sur la comédie humaine.

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