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SERGE ET VIVIAN JANOUIN-BENANTI |
Les Possédées De LoudunAux éditions GESTE EDITIONSVisitez leur site |
631Lectures depuisLe jeudi 19 Octobre 2017
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Une lecture de |
Parution mars 2017. 256 pages. 20,00€. Le Diable au corps ? Si dans la mémoire collective proche la bonne ville de Loudun reste attachée à ce garagiste qui fut durant quatre décennies le maire de la cité et devint ministre, président du Conseil régional de Poitou-Charentes et Président du Sénat, j’ai nommé René Monory, dans les années 1630, elle fut le théâtre d’une affaire retentissante liée aux guerres de religion et aux superstitions mises en scène dans le but d’édifier les Loudunais et d’asseoir un peu plus la prédominance du catholicisme sous la houlette du Cardinal de Richelieu. Tout commence par une série de malheurs telle cette grande peste qui s’était abattue sur la ville au printemps 1632, laissant derrière elle plus du quart de la population défuntée, soit trois mille cinq cents personnes environ. Ensuite le Cardinal de Richelieu, jaloux et inquiet de la prépondérance de cette ancienne place-forte huguenote décide de détruire la forteresse édifiée par Philippe-Auguste, et de construire à une vingtaine de kilomètres de là une ville portant son nom. Si bon nombre d’habitants se résignent, d’autres comme le gouverneur de la ville, proche de Luis XIII, et Urbain Grandier, le curé de Saint-Pierre du Marché, s’opposent à ce qu’ils pensent être un rabaissement de la ville.
En mercredi 13 octobre 1632, dans la chapelle du couvent des Ursulines, se tient une nouvelle séance d’exorcisme. Depuis douze jours, le père Barré, venu de Chinon, et le père Mignon, qui ne l’est pas, tentent de démontrer la présence de démons dans les corps de quelques Ursulines soi-disant possédées par les forces du Mal. La mère supérieure, sœur Jeanne des Anges, la trentaine, se contorsionne furieusement, et les autres sœurs, nettement plus jeunes et issues de la noblesse, ne sont pas en reste. Elles crachent des insanités, répondent en latin aux questions des deux curés, alors que théoriquement elles ne connaissent pas un traître mot de cette langue. Le bailli, tout comme le lieutenant civil Louis Chauvet, ne sont pas convaincus et pensent que tout ceci n’est qu’une mise en scène éhontée. Toutes accusent Urbain Grandier d’avoir eu avec elles des relations charnelles, et de pactiser avec le diable et ses affidés, très nombreux, et dont les curés déclinent avec virulence les noms. Les deux prêtres, mais ce ne sont pas les seuls, ont en commun d’entretenir une haine et une jalousie féroces envers Urbain Grandier. Pour des raisons diverses. Il ne manque pas de bonnes fortunes et il ne s’en plaint pas. Seulement ce sont ses prises de position envers des problèmes de société, qui vont à l’encontre des dogmes religieux qui énervent ses détracteurs. Et son Traité contre le célibat des prêtres, qu’il écrit à la suite de sa liaison avec Madeleine de Brou, laquelle lui réclame le mariage, n’est pas du tout à l’ordre du jour. Une revendication qui aujourd’hui encore divise les Catholiques.
A son ami le père Pierre Bucher qui lui signifie : Ne blasphème pas, un prêtre ne peut pas se marier, il se doit sans partage à Dieu. Urbain Grandier rétorque : Je ne suis pas d’accord, ce n’est pas une hérésie. Le célibat n’est pas un dogme de notre Eglise, juste une règle disciplinaire que notre pape peut à tout moment défaire. C’est pure hypocrisie d’affirmer la règle du célibat et de fermer les yeux quand des curés entretiennent des concubines sous leur toit sous couvert de servantes, de sœurs ou de nièces.
Plus loin, toujours au cours de cette discussion, il remémore une affaire qui s’est déroulée quelques années auparavant, celle du conseiller de Langre chargé de purger le Pays basque de ses sorcières. Une centaine de femmes ont ainsi été torturées puis menées au bûcher, accusées de sorcellerie. En fait, elles n’étaient coupables que d’être des musulmanes, juives, gitanes, chassées d’Espagne ou d’exercer comme cartomanciennes, guérisseuses… En lisant son Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons, j’ai compris ce qu’il reprochait principalement aux femmes qu’il a soumis à la torture : c’est de croire qu’elles étaient l’égales de l’homme… Il ne concevait la femme que voilée, pour cacher sa chevelure enivrante et ses yeux ensorcelants, et soumise à son mari. Ce qui nous ramène à une forme d’intégrisme actuel développé par d’autres religieux, d’une autre religion, et dont les dictats provoquent des fêlures dans la société, pour ne pas dire qu’ils entraînent de nouvelles guerres de religion.
Accusé de sorcellerie, il est arrêté et jugé devant un tribunal ecclésiastique. Il est acquitté, ce qui n’a l’heur de plaire à Richelieu, et un nouveau procès est instruit sous la présidence de Jean Martin de Laubardemont, homme lige du cardinal et parent de la mère supérieure. Tout est falsifié, les témoignages, les aveux, les pièces du procès, et dans ce cas, il est difficile d’échapper à la décision des plus hautes instances, et des Jésuites et du père Joseph, l’éminence grise du cardinal.
Evidemment, il ne s’agit que d’un roman historique s’inspirant de faits réels, selon les auteurs, et s’ils se sont imprégnés de diverses sources, dont les archives nationales et départementales, Serge et Viviane Janouin-Benanti n’en ont pas moins écrit un roman à la tonalité actuelle. Rien n’a vraiment changé dans les esprits, la mentalité, la façon de procédé, même si, en France, la chasse aux sorcières n’existe plus. Officiellement. Mais la femme est-elle enfin reconnue comme l’égale de l’homme ? Il est permis d’en douter lorsqu’on entend certains propos, ne serait-ce qu’à l’Assemblée Nationale, instance qui devrait montrer l’exemple. Un titre qui est plus qu’un roman, mais une leçon de tolérance, de réflexion, de méditation, de compréhension, de respect des autres, quel que soit leur religion, leur appartenance ethnique, leur origine.
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