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PAUL HALTER |
Le Voyageur Du PasséAux éditions LE MASQUEVisitez leur site |
2422Lectures depuisLe mercredi 17 Mai 2012
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Une lecture de |
Si la mode littéraire est au roman noir et au thriller, d’irréductibles romanciers et tout autant de lecteurs se passionnent toujours pour le roman policier, le vrai, et plus particulièrement pour le roman d’énigme, de mystère, et ce genre particulier plus ou moins boudé mais très jubilatoire, celui proposant à la sagacité des amateurs la résolution de meurtres en chambre closes. Paul Halter est le digne fils littéraire de John Dickson Carr, le maître, et poursuit inlassablement son œuvre en dépit des vogues. Et il faut avouer que pour écrire de tels récits il faut une forte dose d’imagination, de créativité également car les sujets ne se trouvent pas dans les faits-divers et les manchettes des journaux. La matière grise est exploitée sans relâche, car il s’agit de se renouveler sans cesse et apporter aux lecteurs intransigeants des moments de plaisir non frelatés, des énigmes conçues comme une pièce d’horlogerie dans une ambiance légèrement fantastique tout en restant logique et sans artifices. En cette fin d’après-midi du 21 novembre 1955, alors que le soleil a pour une fois gagné son combat sur la pluie l, le superintendant Archibald Hurst est content de retrouver son ami le docteur Alan Twist. Ce criminologue réputé et possédant un sens de la déduction développé, ce qui l’amène très souvent d’offrir ses services à Scotland-Yard, rentre de voyage et la première visite qu’il effectue c’est bien à son ami Hurst, après s’être inquiété de ses chats donnés (prêtés) en garde. Et pour une fois le policier n’a pas de dossier extraordinaire en instance. Tout au plus un banal accident peu banal. L’avant-veille au soir, aux environs de Charing Cross, non loin d’un théâtre qui dégorge ses spectateurs, un homme assez jeune, habillé d’un chapeau haut de forme, d’un manteau à col de fourrure, d’un pantalon à damiers et de chaussures montantes à boucle, l’air étonné par ce qui l’entoure, traverse la chaussée malgré la circulation. Il est aperçu peu après dans une station de métro proche, descend du quai et s’engouffre dans le tunnel. La rame qui arrive le tamponne et son corps est traîné sur quelques mètres. Rien que de très banal en somme, sauf que… dans les poches du défunt sont retrouvés quelques objets en parfait état, comme neuf : des billets et de la monnaie qui n’ont plus cours, des cartes de visites au nom de Victor Stephenson habitant à Milford ainsi qu’une lettre adressée à son nom datant, le cachet de la poste faisant foi, du 2 décembre 1905 ! Hurst, n’écoutant que sa conscience, a fait vérifier dans les archives du Yard, et il en ressort qu’un certain Victor Stephenson a disparu un soir d’hiver 1905. La photo figurant dans le dossier ainsi que les vêtements qu’il portait correspondent à la victime partiellement écrasée, de même que l’âge. Approximativement trente ans. Reportons-nous quelques semaines en arrière dans le petit village de Milford et plus exactement dans la vénérable et tristounette demeure de Oaksfield. C’est le siège de la famille Stephenson, dirigée de main de maitre par la grand-mère Dorothy Stephenson. Elle a perdu son mari en hiver 1905, pourtant elle est habituée à ranger soigneusement ses affaires. En réalité, elle ne l’a pas perdu, c’est lui qui un soir s’en est allé pour ne plus jamais revenir, ni donner de ses nouvelles. Elle s’est remariée avec Colin, le cousin de Victor, le disparu. Pas tout de suite, puisque Victor n’était pas mort officiellement, mais plus tard. Colin est un passionné d’égyptologie, mais surtout dans sa jeunesse il s’est fortement intéressé à la prestidigitation avant de se tourner vers le spiritisme. Ce qui ne les empêchait pas de vivre ensemble. Avec Victor elle avait eu un garçon, Charles, mort à la guerre pendant la débâcle de Dunkerque. Charles s’était marié avec Zora, une artiste peintre et ils ont eu deux filles, Charlotte et sa sœur cadette Ariadne. Elles sont devenues de belles jeunes filles, avenantes, surtout Charlotte qui possède deux soupirants. Fred Jenkins, qu’elle a connu lors d’un voyage en Egypte après la fin de la guerre. Mais aussi Ian Wilder, un marin, et pour le moment c’est ce dernier qui tient la corde. Pour Charlotte Fred n’est juste qu’un ami. Enfin, gravite dans l’ombre, immuable, Glover, le maître d’hôtel. J’allais oublier Jenny la petite bonne. A partir du début septembre 1955 quelques événements bousculent, troublent cette famille. D’abord Dorothy reçoit un appel téléphonique et elle s’évanouit. En revenant d’un enterrement, les Stephenson découvrent des traces de boue qui mènent de la porte d’entrée jusqu’au bureau de feu Victor, s’arrêtent devant une chaise puis c’est tout. Pas de traces de retour en arrière. Dans le cimetière qui jouxte Oaksfield une tombe a été profanée, et l’agent communal remet à Henry West le chef de la police de Stavenage une clé accrochée à une plaque de laiton qu’il a découverte près de la tombe. Un indice probablement. Puis une montre est disposée à la vue de tous dans une pièce commune, et cette montre qui porte au dos une inscription rayée, serait la propriété de Victor. Les jours passent, tout semble rentrer dans l’ordre, mais un nouvel incident perturbe la quiétude. Je ne parle pas des problèmes de cœur de Charlotte, qui a trouvé Ian et Ariadne s’embrasser, mais d’un individu portant haut de forme et vêtements décrits ci-dessus, qui s’engouffre dans la maison, se dirige jusqu’au bureau de Victor et disparait. Il laisse des traces de boue et celles-ci s’arrêtent à une porte-fenêtre débouchant sur le jardin. Surpris Colin a suivi l’individu avec un instant de retard et il n’a pu que constater qu’il n’y avait plus personne. Enfin, comme si cela ne suffisait pas, peu de temps après Dorothy est retrouvée dans une cabane située dans le cimetière. Elle est morte, la cabane est fermée de l’intérieur et près de son cadavre gît un miroir fêlé emprunté à une psyché. Henry West le policier qui a été amené à plusieurs reprises à se rendre chez les Stephenson est débordé par les événements et il fait appel à Scotland Yard. Archibald Hurst et son ami Alan Twist se retrouvent avec le bébé sur les bras, ce qui tombe bien car ils avaient bien l’intention de démêler l’énigme du cadavre dans le métro. Paul Halter tisse ses intrigues comme les dentellières d’autrefois, qu’elles soient de Calais, d’Alençon, de Bayeux ou du Puy. Simples, une fois que l’on connait l’ensemble et l’épilogue, claires, aérées, et pourtant compliquées, travaillées, ouvragées, demandant des heures de travail, de minutie, de précision. Si un point est loupé, tout l’ouvrage est bancal. Là, tout se tient, démonté, expliqué, développé, et si le lecteur veut trouver un raté, il lui faut tout examiner à la loupe, chercher dans les circonvolutions des fils de l’énigme la petite bête qui rongerait les entrelacs. Evidemment, si vous êtes un LOC (lecteur obsessionnel compulsif) de romans noirs, si vous espérez trouver dans la narration de la violence, du sang, du sexe, de la vulgarité, des scènes d’action à la Rambo ou à la Rocky, vous allez être déçu. Mais si vous voulez participer en compagnie de Twist et de Hurst à l’enquête, en tant que témoin assisté, si vous voulez passer un vrai moment de pur plaisir, découvrir la solution alambiquée et pourtant si simple, retrouver les romans d’énigme avec ce parfum authentique à l’ancienne, aucun doute ce roman est pour vous. Et même si vous relevez quelques petites incohérences, minimes, sachez qu’elles font partie du rêve. |
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