Ecrire un roman, c’est faire du vrai avec du faux, et du faux avec du vrai. Cette citation de Franz-Olivier Giesbert, extraite de son roman L’Immortel, et mise en exergue de ce livre, prévient immédiatement le lecteur. Les faits décrits sont totalement fictifs, mais certains des personnages sont réels ainsi que certains événements. Il faut donc prendre ce roman pour ce qu’il est, une fiction accompagnée de coups de gueule. Lorsqu’il arrive ce matin là au siège du Nouvel Observateur, le magazine où il travaille comme maquettiste, Laurent Malherbe est tout étonné par l’effervescence qui règne dans la boite. Marianne Schreiber, grand reporter spécialiste politique de la Russie, a été retrouvée morte dans un local du sixième étage, égorgée à l’aide d’un cutter. Apparemment tout laisse supposer qu’il s’agit d’un suicide, car elle connaissait des problèmes familiaux depuis quelques temps. Laurent l’avait vu la veille au soir, lors du bouclage, elle était venue superviser la mise en page de son texte, et elle ne semblait pas le moins du monde perturbée. Mais l’hypothèse du meurtre est rapidement envisagée par les enquêteurs, une équipe dirigée par Gérard Poitevin, car après autopsie le cutter n’est pas le seul responsable de la mort de la journaliste. Elle aurait absorbé des somnifères ainsi qu’un produit qui ne se trouve pas dans les distributeurs automatiques mais éventuellement sur Internet, du polonium 210, ce qui amène les enquêteurs à se remémorer l’affaire Litvinenko. D’autant que d’après l’agenda de Marianne, elle avait rendez-vous avec un Russe, Boris Yourinov, dont les relations avec Gazprom et les maîtres du Kremlin sont de notoriété publique. Gérard Poitevin privilégie cette piste mais Luc Dacier, son adjoint a un abcès de fixation en la personne de Laurent Malherbe. Il est conforté dans cette idée, le cutter incriminé étant la propriété de Laurent, que le maquettiste était au C.E. comme Marianne et qu’un détournement dans les caisses d’un montant de 30 000 € est à déplorer, et qu’il traine un casier judiciaire suite à un braquage de deux banques quelques années auparavant. Mais Laurent tombe des nues à ces annonces et décide de s’enfuir et de mener sa propre enquête. Un comportement selon Dastier qui est un signe d’aveu. Pour Laurent, cette motivation est issue d’un profond rejet de la garde à vue et des méthodes policières. « Garde à vue. Ça je ne peux pas. Je ne veux pas. J’ai le souvenir des mots de mon propre frère : tu ne pourras jamais savoir ce qu’est une garde à vue ! Jamais tant que tu ne l’auras pas vécu toi-même. On te démolit. On cherche à te faire dire ce qui les arrange. Eux, ce sont des professionnels, ils peuvent te faire avouer n’importe quoi. Tu rentres dans leurs bureaux innocent. Ils sont capables de t’en faire sortir coupable. Il ne faut jamais leur faire confiance ». Une diatribe particulièrement virulente justifiée. « Je suis un citoyen lambda face à une institution monstrueuse ». Et lorsque Daniel Hérault, le directeur de la rédaction est retrouvé mort, égorgé dans les mêmes conditions que Marianne, les empreintes de Laurent figurant dans le bureau du défunt, le sort de celui-ci est réglé. Il est coupable, même si Poitevin penche pour une autre hypothèse, celle du Russe qui cherchait à franchir les frontières.Dans ce roman où gravitent personnages fictifs et réels, dont Ségolène Royale, Pierre Hédrich ne ménage pas ses coups de griffes. Outre envers le système répressif et soupçonneux de l’administration policière, Pierre Hédrich se montre mitigé par le positionnement politique du Nouvel Obs, via ses personnages. Ainsi répondant à une question de Carlo, un immigré qui lui a sauvé la mise, « Pourquoi l’Obs n’est pas plus à gauche que ça ? » Laurent tente de justifier son employeur et surtout cette propension à intégrer de la publicité destinée à un lectorat aisé. Et il faut remarquer que Laurent, en fuite, considéré comme un sans-papiers, un SDF, par Carlo, sera soutenu par celui-ci et sa famille, sans arrière pensées, uniquement pour aider son prochain dans la difficulté. Nous sommes loin des méthodes gouvernementales.
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